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Attaques chimiques: comment la France peut frapper la Syrie

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Suite aux attaques chimiques à Douma, Emmanuel Macron et Donald Trump multiplient les échanges en vue de frappes conjointes sur le régime syrien. Le scénario le plus probable verrait l’utilisation de missiles Tomahawk et Scalp, voire le nouveau missile de croisière naval (MDcN) français. Frapperont, frapperont pas ?

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Cinq ans après avoir renoncé à bombarder le régime de Bachar el-Assad, après une attaque au gaz sarin dans la Ghouta, les Etats-Unis et la France se retrouvent face au même dilemme qu'en 2013 : engager rapidement une opération risquée dans la poudrière syrienne, ou renoncer définitivement à faire respecter une "ligne rouge" qu'ils ont eux-mêmes fixée. L'agitation diplomatique de ces dernières heures ne laisse guère de place au doute : la tendance semble être à des frappes conjointes franco-américaines. "Il y a une forte chance, je dirais 90%, que les Etats-Unis et la France y aillent en coalition, et 50% de chances que le Royaume-Uni les rejoigne", estime le général Jean-Paul Paloméros, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air et ex-commandant allié Transformation de l'Otan.

A quoi pourrait ressembler une opération franco-américaine ? La pénétration de l'espace aérien syrien par les aviations américaine et française, apparaît risquée. Le régime de Bachar el-Assad et ses alliés russes disposent de défenses aériennes redoutables, les systèmes longue portée S-300 et S-400.

 

  • "En comparaison des systèmes sol-air présents en 2013, les systèmes S-300 et S-400 combinent des radars et des missiles plus performants, notamment en termes de portée, et des capacités de contrôle et de commandement plus efficaces, résume Corentin Brustlein, directeur du Centre des études de sécurité à l'Ifri. Ils forment des défenses très substantielles, plus robustes que celles rencontrées par les appareils français ou américains par le passé." Un F-16 israélien avait d'ailleurs été abattu en février, sans que l'on sache exactement si le missile provenait des forces russes ou syriennes. Une première pour un avion de l'Etat hébreu depuis 1982.

Tomahawk et Scalp ?

Le scénario le plus probable est donc l'usage de missiles de croisière, qui présentent l'énorme avantage de pouvoir être tirés à distance de sécurité. Cela avait été le cas lors des frappes américaines d'avril 2017 décidées suite à l'attaque chimique de Khan Cheikhoun : Donald Trump avait ordonné le tir de 59 missiles de croisière Tomahawk sur la base syrienne de Al Shayrat, tirés deux destroyers américains basés en Méditerranée orientale, l'USS Ross and l'USS Porter. Les Etats-Unis avaient prévenu la Russie en amont, ce qui avait permis aux soldats et équipements russes de quitter les lieux.

Une opération américano-française pourrait voir des choix opérationnels assez proches. Un scénario possible est le tir des Tomahawk de destroyers américains, qui pourraient être complétés par des missiles Scalp largués depuis des chasseurs Rafale, ce qu'ils avaient déjà fait en 2011 lors de l'opération Harmattan en Libye. Les Rafale peuvent décoller des bases françaises dans la région (Jordanie, Abu Dhabi), mais aussi du territoire national, auquel cas plusieurs ravitaillements en vol seraient nécessaires.

Intimidation russe

La France dispose d'un autre armement potentiel : le missile de croisière naval (MdCN), un nouveau missile embarqué sur les frégates multi-missions françaises Fremm. Le premier lot de MdCN, estimé à 50-60 engins, a été livré en 2017. Le second est prévu courant 2018. Ce serait la première utilisation en opérations de cet armement stratégique, sorte de Tomahawk français, qui équipera aussi à terme les nouveaux sous-marins d'attaque de classe Suffren, prévus à partir de 2020. "Même s'il n'a pas encore été utilisé en opérations, ce système est robuste et efficace, il n'y a aucun doute là-dessus, assure Jean-Paul Paloméros. Le Scalp et le MdCN ont l'avantage d'être très complémentaires." Le Scalp affiche ainsi une charge militaire plus importante (400 kg contre 250 au MdCN), mais le MdCn a une portée bien supérieure (estimée à 1.000 km contre 400km). Le site spécialisé Le Fauteil de Colbert évoquait le scénario d'une frappe MdCN dès mars dernier dans un post très complet.

La grande question est de savoir si ces missiles pourront atteindre leurs cibles sans être interceptés par les défenses aériennes syrienne et russe. La réponse dépend de deux facteurs : un, la position russe.

  • "Il est clair que du fait des moyens qu'elle a déployés sur zone, la Russie a le choix de tenter de s'opposer ou de ne pas le faire, ce qui n'était pas le cas en 2013", souligne Corentin Brustlein.

 

Or Moscou semble montrer les dents : selon Le Point, la frégate Aquitaine, présente en Méditerranée orientale, a été survolée ce weekend "par au moins un avion russe affichant une posture aggressive". Un message qui ressemble bien à une intimidation. Deuxième facteur, l'efficacité des systèmes anti-aériens installés. "Les systèmes S-300 et S-400 sont-ils impénétrables ? On pense que non, tranche Jean-Paul Paloméros. Les missiles de croisière sont conçus pour cela. Mais cela demande un concept d'opération assez élaboré, qu'on ne peut établir qu'en coalition."

"Saturation" des défenses

C'est là qu'interviennent les stratèges militaires. "Aussi formidable soit-elle, aucune défense n'est impénétrable et de nombreux facteurs entrent en ligne de compte, souligne Corentin Brustlein. Le terrain peut permettre de masquer la trajectoire des missiles de croisière, certaines zones sont moins bien défendues que d'autres, on peut attaquer de plusieurs directions en même temps, employer assez de missiles pour excéder le nombre de missiles défensifs les plus performants".Une "saturation" des défenses aériennes évidemment plus facile à obtenir quand on dispose d'un arsenal conséquent, ce qui est le cas des Etats-Unis avec les Tomahawks. Beaucoup moins de la France, avec des stocks de Scalp et MdCN limités.

Syrie : d'éventuelles frappes cibleraient les "capacités chimiques" du régime

La France annoncera "dans les prochains jours" sa réponse à l'attaque chimique présumée en Syrie et, si elle décide de frappes, celles-ci viseront les "capacités chimiques" du régime et en aucun cas ses "alliés" russe et iranien, a déclaré mardi le président français Emmanuel Macron. 

"Dans les prochains jours nous annoncerons nos décisions (...) En aucun cas les décisions que nous prendrions n'auraient vocation à toucher des alliés du régime ou s'attaquer à qui que ce soit mais bien à s'attaquer aux capacités chimiques détenues par le régime", a-t-il dit lors d'une conférence de presse commune avec le prince héritier d'Arabie Saoudite Mohamed Ben Salmane. La France "ne souhaite aucune escalade", a-t-il assuré.

 

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Corentin BRUSTLEIN

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Ancien Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri