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Armement : les leçons de la guerre en Ukraine

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invité de l'émission "Affaires étrangères" sur

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Cela fait plus de neuf mois que la Russie a envahi l'Ukraine. Un conflit à haute intensité où plus de 60.000 obus ont été tirés en une seule journée au plus fort de la guerre. Quels sont les pays fournisseurs d'armes ? Que révèle ce conflit sur nos capacités d'armement et celles de nos voisins ?

Contenu intervention médiatique

Constate-on une évolution du type d’armement livré à l’Ukraine ?

La portée de tir des systèmes d’artillerie livrés à l’Ukraine augmente au fur et à mesure de l’avancée du conflit. Les premiers lance-roquettes fournis à Kiev couvraient une distance de quelques km, puis les canons CAESAR français l’ont étendu jusqu’à 40 km, et enfin les HIMARS américains jusqu’à 80 km. Les Etats-Unis envisagent désormais de livrer des lance-roquettes capables d’atteindre des cibles distantes de 100 à 300 km, malgré leur réticence à ce que les Ukrainiens les utilisent contre le territoire russe.

Le Chef d’Etat-major des armées françaises, Thierry Burkhard, a déclaré que la prévalence des conflits asymétriques durant ces vingt dernières années ainsi que la réduction des budgets de défense, expliquent la relative inadéquation entre les moyens de l’armée française et les besoins matériels qu’expriment l’Ukraine dans le cadre d’un conflit de haute intensité. Qu’en pensez-vous ?

Les forces armées françaises ont connu une réduction continue de leur format depuis la fin de la guerre froide. Cette tendance s'explique par plusieurs facteurs : une évolution de leurs missions, réorientées vers des opérations de contre-insurrection de basse intensité, une pression budgétaire croissante couplée à des niveaux d’engagement important dans le cadre des opérations extérieures et de l’opération Sentinelle, ainsi qu'un accroissement du coût de développement et d'acquisition de leurs équipements toujours plus modernes.  Elles ont également vu évoluer certaines de leurs capacités opérationnelles, en termes d'entraînement et de matériels, puisque leur hypothèses d'engagement ne les préparaient pas un haut conflit de haute intensité similaire à la guerre en Ukraine. 

Comment expliquer la volume relativement faible d’armes françaises livrées à l’Ukraine, en comparaison au Royaume-Uni, doté d’un budget de défense sensiblement proche du notre, ou aux pays baltes, qui, en proportion de leurs dépenses militaires totales, représentent la première aide matérielle à l’Ukraine ?

L’aide fournie par la France est en effet relativement faible par rapport à d’autres pays. Les pays baltes et la Pologne, frontaliers de la Russie ou de la Biélorussie, soutiennent massivement l’Ukraine afin de se protéger eux-mêmes de ce qu’ils perçoivent depuis longtemps comme une menace russe pour leur intégrité territoriale. Le Royaume-Uni est quant à lui engagé depuis 2014 dans un plan d’aide à l’Ukraine, aux côtés des Etats-Unis et du Canada, principalement centré sur l’entraînement de ses forces. Une montée en puissance du dispositif déjà existant explique l’ampleur de l’aide britannique depuis le début du conflit. Le pays a par ailleurs entamé un programme de réduction du format de son armée de Terre et peut donc transférer à Kiev une partie de ses équipements retirés du service.

Que signifie l’expression « économie de guerre » employée récemment par Emmanuel Macron ?

L’ « économie de guerre » est un terme très large dont la définition peut recouvrir plusieurs réalités. Un des enjeux de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 sera donc de déterminer les implications de cette notion pour le complexe militaro-industriel français. La LPM décidera peut-être d’économies sur certains programmes d’armement, en réduisant le nombre de systèmes produits ou en reportant leur livraison, comme ceux portant sur les successeur des chars Leclerc ou du Rafale. Ces économies pourraient néanmoins permettre de financer la recomposition de stocks de munitions ou l’acquisition de technologies particulièrement adaptées à la haute intensité, comme les pièces d’artillerie ou les drones.

La guerre en Ukraine a mis en lumière l’importance des drones dans un conflit de haute intensité et rappelé le retard des européens dans la production de tels équipements.  

Les ukrainiens sont équipés de drones turcs TB2 Bayraktar tandis que les russes utilisent des drones-suicides iraniens qui compensent la faiblesse de leur production nationale en la matière. Les unités d’artillerie russes en sont toutefois peu dotées malgré l’intérêt opérationnel qu’ils représentent. Les drones sont à la fois des armes cinétiques et des armes politiques. Ce sont des armes politiques car leurs caméras embarquées permettent aux autorités de communiquer sur les succès de leurs forces armées sur le théâtre d’opération et ainsi de mobiliser leur opinion publique tout en convaincant leurs partenaires internationaux de l’intérêt de les soutenir. Les ukrainiens ont beaucoup utilisé cette arme informationnelle au début du conflit et la Russie diffusent de plus en plus d’images des combats fournies par leurs drones. Enfin, l’industrie européenne est contrainte dans la production de drones par l’importance des normes à respecter ce qui explique en partie le retard du programme de drone Patroller de Safran, qui constitue un équivalent européen du Bayraktar turc.

Comment se traduit l’effort de réarmement polonais ?

La Pologne a commencé à se réarmer à partir de 2014 et l’invasion de la Crimée. Elle vient de signer un très important contrat avec des groupes d’armement sud-coréens dont les négociations ont du commencer il y a au minimum deux ans compte tenu de l’ampleur du contrat. Ils sont également équipés de matériels soviétiques, allemands (malgré des relations compliquées avec l’industrie de défense allemande) et de systèmes américains récemment retirés du service. A l’issue des livraisons coréennes, le parc polonais de chars et de canons portés sur chenille devrait dépasser en taille ceux des principales puissances militaires européennes, faisant de la Pologne la première armée de terre européenne d’ici 2030. Toutefois, deux incertitudes demeurent : le contrat coréen, qui prévoit une production en partie en Pologne, arrivera-t-il à terme ? La Pologne réalisera-t-elle l’effort financier nécessaire afin d’équiper en hommes et en munitions ce nouveau parc ?

Le champ cyber occupe-t-il une place importante dans l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine ?

L’invasion de la Crimée avait porté à son paroxysme la notion de guerre hybride, de « guerre sans la guerre », dont le cyber est une composante majeure. Or, il semblerait que cette arme n’ait pas été très utilisée dans le conflit actuel ou que nous n’en ayons pas connaissance.

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Léo PÉRIA-PEIGNÉ

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