Angela Merkel tremble
La transparence est-elle de mise sur l'état de santé des dirigeants politiques ? La question se pose en Allemagne depuis que la chancelière a eu des tremblements à deux reprises lors de manifestations officielles.
Qu'arrive-t-il à Angela Merkel ? Deux fois en moins de dix jours, la chancelière allemande a été secouée de tremblements incontrôlables. Et ce n'est pas sa coalition gouvernementale vacillante qui semblait en être la raison...
Coup de chaleur
Le 18 juin, Angela Merkel accueille à Berlin le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky. Les deux dirigeants se tiennent debout côte à côte pour assister à une parade militaire. Le thermomètre affiche 30 degrés.
Tandis que l'orchestre joue l'hymne officiel de la République fédérale allemande, la chancelière est soudain prise de tremblements, qu'elle tente apparemment de réprimer. En vain. Les caméras filment pendant de longues minutes cette scène embarrassante. Les flashs crépitent. Angela Merkel fera la Une des quotidiens le lendemain.
Une heure plus tard à la conférence de presse, les journalistes interrogent la chancelière sur son état de santé. Angela Merkel rassure tout le monde, elle va bien.
Au journaliste qui lui demande : "Comment allez-vous, les citoyens doivent-ils se faire du souci ?", elle répond tranquillement : "J'ai bu au moins trois verres d'eau, apparemment j'en avais besoin et donc je vais très bien".
Nouvelle crise de tremblements
Le 27 juin, neuf jours après ce premier accès de faiblesse, Angela Merkel est pourtant victime d'une nouvelle crise de tremblements en public.
Cette fois, c'est au beau milieu d'un discours du président fédéral Frank-Walter Steinmeier. La chancelière, debout à côté de lui, essaie de maîtriser les spasmes qui agitent ses mains et ses jambes en croisant et décroisant les bras.
Deux minutes de tension visible, Angela Merkel ne quitte toutefois pas la scène.
Alors que la presse et surtout les réseaux sociaux s'emballent, son porte-parole Steffen Seibert assure qu'elle est en bonne santé. La preuve : la chancelière s'envole le lendemain pour Osaka, au sommet du G20.
La communication gouvernementale est bien huilée. Au rendez-vous tri-hebdomadaire avec les médias berlinois, la porte-parole adjointe confirme qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
"Les images que l'on peut voir d'Osaka montrent une chancelière tout à fait active et en bonne santé, qui accomplit son travail et assiste à tous les rendez-vous fixés", assure Martina Fietz. "Sur l'incident qui s'est produit hier, Steffen Seibert s'est déjà exprimé et je n'ai rien à ajouter."
Angela Merkel confirmera elle-même à la conférence de presse finale du G20 que ces accès de faiblesse n'étaient que passagers. Mais toutes ces assurances ne dissipent pas les doutes.
L'inquiétude est d'ailleurs légitime, estime Hans Stark, chercheur à l'IFRI, l'institut français des relations internationales.
"Savoir si les dirigeants que nous avons élus sont en bonne santé, c'est un droit pour le citoyen, il doit y avoir une transparence", explique le politologue allemand.
"Mais cette transparence ne peut pas violer la sphère privée de chacun, y compris d'un chef de gouvernement. On est dans une zone un peu floue mais chaque État doit décider ce qui convient le mieux."
Merkel a habitué les Allemands à sa solidité
En Allemagne, les responsables politiques ne sont pas tenus par la loi d'informer la population de leur état de santé. C'est à peine si les dispositions en cas de vacance du pouvoir sont inscrites dans la Loi fondamentale.
Angela Merkel, qui aura 65 ans ce mois-ci, n'a pas non plus habitué les Allemands à se faire du souci. Même après un accident de ski et une jambe cassée en 2014, elle a continué à gérer les affaires, appuyée sur ses béquilles !
En cas d'empêchement de la chancelière, c'est son vice-chancelier Olaf Scholz (au second plan) qui assure l'intérim.
Que se passerait-il si la chancelière ne pouvait plus assumer ses fonctions ? Selon Hans Stark, cela n'empêcherait pas l'exécutif de fonctionner.
"En Allemagne, il n'y a pas de vacance même si le chancelier est empêché d'exercer ses fonctions pendant un temps car il y a un vice-chancelier", explique-t-il.
"Si vraiment il y a vacance de pouvoir pour des raisons sérieuses, il y a toujours le président fédéral qui peut, pendant un temps, prendre des décisions rapidement pour dissoudre le parlement, provoquer des élections anticipées, nommer des ministres, faire en sorte que la vacance ne perdure pas trop longtemps."
Dans un régime présidentiel comme les États-Unis, le chef de l'État est soumis à un examen médical régulier et son bulletin de santé publié.
La France avait elle aussi instauré ce système après la mort du président Pompidou, décédé d'un cancer alors qu'il était en exercice. Cela n'a pas empêché l'opacité autour de la fin de mandat de François Mitterrand...
Et en Afrique aussi, le mystère qui entoure la santé de certains chefs d'État est un sujet récurrent de questionnement.
Merkel partirait si elle avait un vrai problème de santé
La tentation est grande, par ailleurs, pour les responsables politiques, de placer leurs fonctions avant leur vie personnelle. Hans Stark est toutefois convaincu qu'Angela Merkel ne mentirait pas aux Allemands si elle avait des ennuis de santé sérieux.
La chancelière a un agenda chargé avant la pause estivale, dont le sommet de l'UE sur les postes-clés à pourvoir
"On l'imagine mal cacher un véritable problème de santé à son opinion. Elle est sérieuse, le moment venu elle dirait les conséquences de sa situation, sans peut-être même dire ouvertement l'origine de son malaise, mais elle ne resterait pas au pouvoir si elle ne pouvait pas l'exercer."
Angela Merkel a déjà passé la main pour la direction du parti démocrate-conservateur mais elle est encore théoriquement chancelière jusqu'en 2021, date prévue pour les prochaines législatives.
À moins que les élections régionales de septembre, notamment en Saxe, ne sonnent le glas de la grande coalition et la fin de son mandat... La rentrée politique sera chaude en Allemagne, on souhaite un bon été à Angela Merkel.
Voir cet article et écouter le podcast sur le site de la Deutsche Welle.
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