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Alliés des Occidentaux, proches du Hamas: à quoi joue la Qatar à Gaza?

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citée par Valentin Dauchot dans 

  La Libre Belgique
Accroche

Hôte du bureau politique du Hamas, principal financier de Gaza, le Qatar joue un rôle fondamental d’intermédiaire entre le groupe terroriste et l’Occident. Allié fiable ou dangereux opportuniste ?

”La seule façon de trouver une solution pacifique à Gaza, c’est de garder les canaux de communication ouverts” insistait mercredi à Doha le cheikh Mohammed al-Thani. Le Premier ministre du Qatar sait précisément de quoi il parle et prêche au passage pour la chapelle de l’Émirat, car le principal canal de communication dans ce conflit, c’est lui.

Contenu intervention médiatique

”La seule façon de trouver une solution pacifique à Gaza, c’est de garder les canaux de communication ouverts” insistait mercredi à Doha le cheikh Mohammed al-Thani. Le Premier ministre du Qatar sait précisément de quoi il parle et prêche au passage pour la chapelle de l’Émirat, car le principal canal de communication dans ce conflit, c’est lui.

Dès l’attaque brutale menée en Israël par le Hamas et la capture de plus deux cents otages, le 7 octobre dernier, tous les regards se sont tournés vers Doha. Des interlocuteurs aussi opposés que l’Iran et les États-Unis s’y sont rendus l’un après l’autre les jours suivants. La France vient encore de saluer son “rôle très important” dans les négociations et la libération des prisonniers. Quiconque entend jouer un rôle dans la région ou tenter de récupérer ses ressortissants s’adresse aux maîtres à penser qataris, dont la stratégie géopolitique est simple : parler à tout le monde pour mieux se rendre incontournable.

Hôte du Hamas dès 2012

”Pour moi, il est assez paradoxal de voir la “communauté internationale” – notion qui s’est toutefois largement heurtée au conflit israélo-palestinien – s’en remettre à un aussi petit État pour arriver à faire libérer les otages”, commente Dorothée Schmid, qui dirige le programme Turquie contemporaine et Moyen-Orient de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). “Ça illustre et ça met à l’épreuve la capacité diplomatique du Qatar à grande échelle”. Ce paradoxe est d’autant plus intéressant que le Qatar manifeste un parti pris totalement assumé pour la cause palestinienne et n’a pas hésité à déclarer publiquement qu’Israël était “seul responsable” de cette guerre. Doha héberge en outre depuis 2012 le bureau politique du Hamas ainsi qu’une bonne partie de ses dirigeants, faisant plus que jamais office d’interface pour y accéder indirectement.

”Le Qatar a mis la main sur le Hamas lorsque celui-ci a dû quitter la Syrie, en plein printemps arabe, commente de son côté Laurence Louër, professeure associée à Science-Po Paris et chercheuse au Centre de Recherches Internationales (CERI). Les leaders du Hamas, dont certains étaient exilés à Damas depuis longtemps, étaient contraints de quitter le pays après avoir critiqué la répression du soulèvement par le régime de Bachar al-Assad. En leur offrant asile, à la demande des États-Unis si l'on en croit certains, le Qatar et l’Occident évitaient qu’ils aillent en Iran”.

Contrairement à l’Iran, le Qatar est en effet considéré comme un allié par l’Occident, les États-Unis y ont leur plus importante base militaire à l’étranger. Le gouvernement israélien lui-même voyait l’opération d’un bon œil. “À l’époque, comme maintenant d’ailleurs, tout le monde était très content que le Qatar soit là, ajoute Laurence Louër, et ce dernier, petit émirat entouré de puissants voisins, savait qu’il disposerait de nouveaux leviers pour faire valoir son influence et protéger ses intérêts”.

Financier de l’ombre

Le 23 octobre 2012, le cheikh Hamad al-Thani (père de l’Emir actuel Tami al-Thani) devient le premier chef d’État de premier rang à se rendre dans la bande de Gaza depuis le retrait israélien (2005) et la victoire du Hamas aux élections palestiniennes face au Fatah (2006), qui le qualifie lui-même de “mouvement terroriste”. Sa réception en grande pompe illustre une autre réalité : outre son rôle politique, le Qatar est devenu depuis plusieurs années le financier de Gaza, où il prend notamment en charge la reconstruction des infrastructures après les frappes israéliennes et la fourniture du carburant, des aides sociales, et des salaires de fonctionnaires du Hamas, un mouvement qui dispose à la fois d’une branche politique et d’une branche militaire.

”Le Qatar finance Gaza depuis que les Occidentaux y ont renoncé, constate Dorothée Schmid. Après l’arrivée du Hamas, Israël a mis Gaza sous blocus (2007), l’Union européenne y a diminué ses soutiens financiers pour se recentrer sur le Fatah en Cisjordanie, et le Qatar a servi de gigantesque pansement pour assurer la survie humanitaire de la population de Gaza. Tout en dénonçant la proximité de Doha avec les frères musulmans (dont est issu le Hamas, NdlR), la Communauté internationale y a donné son assentiment. L’Occident était trop heureux de pouvoir détourner le regard de la question palestinienne qui ressemblait de plus en plus à une impasse, et de s’éloigner cette cocotte-minute prête à exploser. Aujourd’hui, on s’inquiète du Qatar, mais il joue un rôle que les Occidentaux ne voulaient plus jouer.”

 

“Les diplomaties européennes pataugent, ajoute Dorothée Schmid. Elles pataugent parce qu’elles ont été à la manœuvre de la solution à deux États, l’Union européenne était le premier financier de l’Autorité Palestinienne après les accords d’Oslo (1993), mais nous avons perdu la main et le cap.”

 

Le dernier représentant arabe

L’Union européenne n’est pas la seule à avoir pris ses distances avec la cause palestinienne et une Autorité palestinienne, en l’occurrence le Fatah de Mahmoud Abbas, qui n’a cessé de perdre en pouvoir et en légitimité depuis lors. L’Égypte (1979) et la Jordanie (1994) ont toutes deux signé des accords de paix avec Israël. Les Émirats arabes unis, le Bahrein, le Maroc et le Soudan et signés des traités de paix mieux connus sous le nom d’Accords d’Abraham en 2020 ; et l’Arabie saoudite était en plein processus de “normalisation” de ses relations avec l’État hébreu avant la guerre.

Tout en demeurant un allié des Occidentaux “le Qatar a estimé qu’il ne fallait pas signer les Accords d’Abraham” analyse la chercheuse et professeure de l’IFRI. “Contrairement aux autres, très mal à l’aise depuis le début de cette guerre, il est donc en mesure de parler au nom des Palestiniens et des Arabes. La Turquie, qui n’est pas arabe, peut de son côté servir d’interface avec les Occidentaux. Tous deux travaillent ensemble, et j’ai le sentiment que globalement, il y a plutôt une forme de soulagement à voir le Qatar prendre en charge ce dossier diplomatiquement”. Il n’y a de toute façon personne d’autre.

 

[...]

 

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Dorothée SCHMID

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Responsable du programme Turquie/Moyen-Orient de l'Ifri

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Quotidien La Libre Belgique