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5G : la confrontation sino-américaine

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« Technologie clé », la 5G va permettre, à brève échéance, des débits de télécommunication mobile de plusieurs gigabits de données par seconde, c'est-à-dire cent fois plus rapides que les réseaux 4G. Sa maîtrise représente donc un enjeu majeur dans la mesure où l'Internet des objets en dépend directement.

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De la voiture autonome à la domotique en passant par la médecine, la 5G est appelée à renforcer l'intégration et l'interopérabilité des réseaux. De nombreux essais sont actuellement à l'œuvre : le déploiement de la 5G à grande échelle pourrait commencer à horizon 2020. Compte tenu de sa dimension systémique, la 5G n'est pas une technologie comme les autres. Si un réseau 5G venait à être compromis, les effets en cascade pourraient être dévastateurs.

La Chine occupe d'ores et déjà une position dominante. Ce sont deux fournisseurs chinois – Huawei et ZTE – qui se montrent les plus innovants sur le plan technologique et les plus agressifs sur le plan commercial. Pour les États-Unis, la 5G se situe désormais au cœur de la confrontation technologique qui les oppose à la Chine. De son issue dépend le contrôle du système international. Ils mettent en garde leurs alliés contre les équipementiers chinois. L'Australie a annoncé bannir Huawei et ZTE de son marché 5G, suivie par la Nouvelle-Zélande. À l'inverse, et à l'instar de l'Union européenne, la Grande-Bretagne a indiqué qu'elle ne fermerait pas son marché à Huawei après avoir fait expertiser les systèmes par ses services de renseignement. Cette expertise a donné lieu à un « désaccord technique » entre Washington et Londres qui s'est transformé en « désaccord politique », selon la formule d'un diplomate américain. Le Conseil national de sécurité britannique, la plus haute instance en la matière, s'est profondément divisé sur ce dossier, ce qui a notamment entraîné la démission du ministre de la Défense, Gavin Williamson, soupçonné d'avoir commis des indiscrétions au sujet de cette décision, début mai. En toile de fond, l'arrestation au Canada, en décembre dernier, de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei et fille du fondateur, fait l'objet d'intenses tractations.

Cette situation invite à rappeler l'importance que les États-Unis ont toujours accordée aux Five Eyes, c'est-à-dire à leur alliance, en matière de renseignement, avec l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Bénéficiant d'un consensus bipartisan, l'administration Trump est décidée à contenir la montée en puissance de la Chine. Et décidée, si nécessaire, à le faire seule. Selon un diplomate américain, Huawei « n'est pas un fournisseur de confiance », ce qui pourrait conduire les États-Unis à « réévaluer leur capacité à partager des informations et à être interconnectés » avec les pays y ayant recours. Avec une vigueur sans précédent, l'administration Trump dénonce les vols de propriété intellectuelle et l'espionnage numérique à laquelle la Chine se livre. Si un accord avait été trouvé par l'administration Obama, le déploiement de la 5G fait aujourd'hui figure de casus belli pour Washington.

La diplomatie américaine défend désormais l'argumentaire suivant auprès de ses alliés tentés de céder aux propositions commerciales de Pékin. Premièrement, en raison de leur subordination aux services de renseignement chinois, Huawei et ZTE proposent des services nullement sécurisés. Aux risques d'espionnage s'ajoutent surtout ceux d'interruption partielle ou complète en cas de tensions ou d'affrontement. Deuxièmement, Huawai et ZTE ont organisé la transmission des données à travers des serveurs directement contrôlés par le Parti communiste chinois. Troisièmement, les entreprises chinoises se livrent à une concurrence déloyale, dans la mesure où elles bénéficient d'aides publiques massives. En outre, elles proposent des contrats de long terme destinés à construire des monopoles de fait capables d'imposer leur prix. Quatrièmement, à la différence de la 4G, la 5G, une fois déployée, menace la stabilité de l'ensemble du système en raison du pouvoir de réseau qu'elle impose.

La diplomatie américaine prend soin de préciser qu'il ne s'agit pas d'une guerre commerciale : mis à part les acteurs chinois, les autres solutions ne sont pas américaines mais coréenne (Samsung) ou européenne (Nokia, Ericsson). Il se pourrait bien que la 5G offre aux Européens une occasion unique d'agir sur le plan stratégique global, à condition de se coordonner et d'investir. Encore faut-il le vouloir.

 

> Voir l'article sur le site de la revue Etudes

 

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Thomas GOMART

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