2019 : les disrupteurs de la diplomatie (2/4) Recep Tayyip Erdoğan
Dans le cadre de sa série consacrée aux "dirsrupteurs de la diplomatie en 2019", Cultures Monde examine la politique étrangère du président Turc Recep Tayyip Erdogan, dont les ruptures successives depuis le début de l’année ont mis nombre de ses alliés dans l’embarras.
Premier ministre en 2003, Président en 2014, réélu en 2018, Recep Tayyip Erdogan est un animal politique dont l’affirmation autoritaire s’observe de plus en plus à l’intérieur du pays, mais aussi à l’extérieur. Depuis le début de l’année 2019, il a multiplié les provocations vis-à-vis de la communauté internationale, qu’il s’agisse de sa décision d’intervenir militairement au nord-est de la Syrie contre les alliés kurdes de la coalition anti Daech ou de l’acquisition du système de défense anti-aérienne russe S400, jugé incompatible avec celui de l’OTAN, dont fait pourtant partie la Turquie. Sur le front européen, Ankara a poursuivi sa politique de chantage vis-à-vis de la question migratoire, dont elle contrôle l’un des principaux robinets. Plus récemment, le président turc a menacé d’intervenir militairement en Libye pour soutenir le gouvernement du premier ministre Fayez al-Sarraj contre la rébellion du maréchal Haftar. Les provocations disruptives d’Erdogan ont ouvert une crise au sein de l’OTAN où certains se demandent si la Turquie, seul pays musulman et pilier de l’Alliance, y a encore sa place. Pour l’instant, la réponse est oui. Compte tenu de sa position stratégique, frontalière de la Syrie, de l’Iran et de l’Irak, Ankara est toujours considérée comme un acteur indispensable à la stabilisation régionale. La bonne entente avec les Turcs doit aussi être préservée pour contrôler le retour des anciens combattants européens de Daech.
Mais jusqu’à quand les alliés pourront-il fermer les yeux si la Turquie continue ainsi à s’affranchir des règles du jeu ? Comment expliquer le rapprochement d’Erdogan avec Poutine, qui inquiète tant les Occidentaux ? Quel est le bilan de la diplomatie turque, qui s’était donné pour slogan il y a quelques années : « zéro problème avec les voisins » et se retrouve finalement en indélicatesse avec la plupart ?
"Il y a eu toute un période pendant laquelle la Turquie accentuait sa présence dans les cadres multilatéraux. Sa présence était perçue de manière très positive. Aujourd'hui, c'est une puissance dure, qui cherche à nouveau à s’imposer comme un pouvoir militaire, et qui est dans un rapport de force très clair avec ses alliés traditionnel". Dorothée Schmid.
"La Turquie s’est engagée très rapidement en Syrie, sur le plan politique, diplomatique et militaire. Depuis le début de la crise, elle laissé sa frontière ouverte, ce qui a permis le passage de réfugiés, mais aussi des mouvements d'opposition à Bachar Al Assad, et de tous ceux qui sont devenus des supplétifs dans le combat d'Erdogan contre les Kurdes. A partir de 2013, les Turcs ont réalisé que cela posait des questions de sécurité et ont demandé le déploiement des missiles de l’Otan. Au fur et à mesures, ses membres ont décidé de ne plus servir ce bouclier à Erdogan, ce qui lui a permis de se tourner vers la Russie, et vers ses fameux S-400." Dorothée Schmid.
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Chercheuse, Responsable du programme « Turquie contemporaine et Moyen-Orient » de l'Ifri
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journaliste spécialiste de la Turquie et du Proche-Orient
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ancien ambassadeur de l’Union Européenne en Turquie, de 2006 à 2011, chercheur à Carnegie Europe à Bruxelles.
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