Le couloir économique Chine-Pakistan et la nouvelle géopolitique régionale
Le couloir économique Chine-Pakistan (CPEC) marque un tournant majeur dans les relations entre les deux pays, au moment où a lieu un changement géopolitique important. Mais alors qu'il promet des retombées conséquentes pour le développement des infrastructures et la croissance économique du Pakistan, un nombre important de défis restent à surmonter pour que le projet produise des bénéfices à long terme pour les Pakistanais.
Le CPEC est une partie essentielle du vaste projet chinois "Une Ceinture, Une Route" (Belt and Road) qui prévoit de relier la Chine à l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique. En tant que partie intégrante du projet, le Pakistan accueille des dizaines de milliards de dollars d'investissement dans les infrastructures et dans le développement du secteur de l'énergie à un moment où il a désespérément besoin d'investissements étrangers pour stimuler son économie balbutiante. L'ajout de 10 000 MW d'électricité au réseau national d'ici la fin 2018 permettra de surmonter les pénuries d'énergie tout en dynamisant fortement l'économie. De la même manière, le développement des routes et autres infrastructures de transport permettra d'améliorer la connectivité dans le pays aussi bien qu'avec les pays voisins. La connectivité inhérente au projet pourrait réellement changer la donne au Pakistan.
Néanmoins, il pourrait avoir des implications fâcheuses pour les finances publiques du Pakistan si ce dernier n'ajuste pas ses politiques en conséquence. L'argent chinois pourrait venir à un prix que beaucoup considère comme excessif, et peser à long terme sur la balance des paiements du Pakistan. Même si la Chine dispose d'une image très positive auprès des Pakistanais, le manque de transparence d'un certain nombre de projets CPEC a suscité un scepticisme croissant dans la société civile et les milieux d'affaires pakistanais. Par exemple, ils redoutent que les concessions faites aux entreprises chinoises soient dommageables à l'industrie domestique. De même l'importation de main-d'oeuvre par les entreprises chinoises priverait les Pakistanais d'importantes opportunités d'embauche.
En d'autres termes, le défi principal pour le Pakistan est de négocier de meilleures conditions avec les entreprises chinoises afin de tirer au mieux parti de ces investissements. Le problème sous-jacent pour les autorités pakistanaises est de mettre en place le programme CPEC de manière à ce qu'il élimine les déséquilibres structurels et place l'économie sur une trajectoire de croissance durable. Le CPEC peut aussi devenir une source d'intégration économique régionale en favorisant la réduction des disparités inter-provinciales et en mettant plus l'accent sur les régions économiquement isolées du pays. Malgré des désaccords autour de la répartition des projets CPEC, les provinces et partis politiques reconnaissent les bénéfices à long terme que pourraient apporter les investissements chinois dans le pays. L'idée que la croissance économique apportera de la stabilité politique est aussi largement partagée.
Enfin, l'axe Chine Pakistan reflète la géopolitique émergente et la redistribution des forces en Asie. L'éloignement du Pakistan vis-à-vis des Etats-Unis et l'accroissement des tensions avec l'Inde ont mené Islamabad à accroître sa dépendance envers la Chine, dont l'amitié semble indéfectible. La relation naissante entre les Etats-Unis et l'Inde est aussi un facteur de renforcement de l'axe Chine-Pakistan. Dans le même temps, le CPEC a soulevé l'espoir d'une meilleure connectivité et de coopération économique entre les pays de la région. Une fois les projets réalisés, la position géostratégique du Pakistan pourrait faire de lui le point de rencontre entre la "Ceinture économique de la route de la soie" eurasiatique et la "Route de la soie maritime" du sud-est asiatique. Le CPEC pourrait ainsi non seulement changer la donne au Pakistan mais aussi dans la région toute entière.
Ce contenu est disponible en anglais: The China Pakistan Economic Corridor and the New Regional Geopolitics
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLa coopération de sécurité maritime dans le Pacifique
La France joue un rôle important dans la sécurité maritime du Pacifique, notamment à travers la participation active de ses territoires d'outre-mer et la contribution de ses forces armées stationnées aux initiatives de coopération régionale.
L'IA et les normes techniques en Chine et dans l'UE : Priorités divergentes et le besoin de terrain d'entente
Vu le potentiel hautement perturbateur de l'IA, la coopération mondiale en matière de sécurité et de gouvernance de l'IA est primordiale. Cependant, le potentiel profondément transformateur de l'IA garantit également qu'un niveau élevé de concurrence et de rivalité systémique est probablement inéluctable. Comment l'UE peut-elle gérer au mieux sa relation complexe avec la Chine dans le domaine de l'IA afin d'assurer un niveau nécessaire de coopération malgré la concurrence et les rivalités ?
L’essor du programme spatial taïwanais : Construire une industrie, soutenir la sécurité nationale
Taïwan, connu pour son leadership dans le domaine des semi-conducteurs et des technologies de l’information et de la communication (TIC), fait aujourd’hui des progrès significatifs dans l’industrie spatiale. Bien qu’historiquement modeste, le programme spatial taïwanais s’est transformé depuis 2020, sous l’impulsion de la présidente Tsai Ing-wen qui s’est engagée à développer les capacités spatiales du pays. Parmi les étapes clés figurent l’adoption de la loi sur le développement spatial et la création de l’Agence spatiale taïwanaise (TASA), qui a renforcé les ressources et la visibilité des ambitions spatiales de Taïwan.
La surproduction chinoise de puces matures : Des craintes infondées
La Chine, plutôt que d’inonder le marché mondial des semi-conducteurs à technologies matures, s’en dissocie. Si les politiques industrielles chinoises favorisent de plus en plus la production nationale de semi-conducteurs, sa propre demande en puces, en constante augmentation, devrait empêcher une arrivée massive de puces chinoises à bas prix sur les marchés étrangers. Cependant, à mesure que Pékin progresse dans son objectif de réduire la dépendance des industries nationales aux puces étrangères, les entreprises européennes et américaines de semi-conducteurs à technologies matures pourraient ressentir les effets d’un écosystème de semi-conducteurs chinois de plus en plus « involué » (内卷).