Farm Bill 2024 : les raisons du blocage de la loi agricole aux États-Unis
À rebours de l’image très libérale de l’économie américaine, le secteur agricole bénéficie aux États-Unis d’un interventionnisme fédéral solide depuis les années 1930. L’effondrement des prix agricoles à la suite de la crise de 1929 avait en effet plongé les farmers américains dans la misère et justifié le passage du Agriculture Adjustment Act dans le cadre du New Deal, dès mai 1933. Depuis, la loi agricole est renouvelée tous les cinq ans.
Elle met en place un soutien fédéral aux grandes productions agricoles, ainsi que de nombreux systèmes d’assurance-désastre et d’assurance-récolte. Viennent ensuite divers programmes visant à une meilleure gestion environnementale, au développement des zones rurales ou à la recherche agronomique.
Mais le poste le plus important de la Farm Bill est celui de l’aide alimentaire intérieure. Ce programme de Food Stamps créé en 1936, qui a pris le nom de Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP) en 2008, concerne actuellement plus de 40 millions d’Américains et absorbe 75 à 80 % du budget agricole. Le SNAP fait l’objet de débats idéologiques intenses entre les Démocrates, qui y voient une politique sociale indispensable, et les Républicains, qui contestent une aide injustifiée aux minorités urbaines.
Du fait des déchirements de l’automne 2023 entre Républicains à la Chambre des représentants, la loi 2024-2028 n’a pas pu être votée. La loi précédente, couvrant 2019-2023, a donc été prolongée. Fin 2024, il faudra que la nouvelle loi soit adoptée ou que la précédente soit de nouveau prolongée. En l’absence d’accord, c’est une « loi permanente » de 1938 qui s’appliquerait automatiquement. Or, cette dernière pose des conditions d’égalité des revenus des agriculteurs avec les autres catégories professionnelles inimaginables dans le contexte présent.
Le blocage actuel pose plus largement la question de la raison d’être d’une telle loi agricole dans l’avenir. Ne serait-il pas temps d’en détacher l’aide alimentaire – une politique publique plus sociale qu’agricole après tout ? De même, la trop bonne assurance des agriculteurs les détourne de la transition écologique, leur permettant par exemple de poursuivre des cultures trop gourmandes en eau. Mais les tensions internationales autour du blé et du maïs depuis la guerre en Ukraine et les choix économiques post-libéraux des administrations Trump et Biden laissent penser que l’intervention fédérale va se poursuivre dans le domaine de l’agriculture.
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