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Crise kenyane : entretien avec Hervé Maupeu

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L'Afrique en questions
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L'Afrique en questions 1. : Crise kenyane
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L'ampleur des violences qui ont récemment frappé le Kenya a surpris la plupart des observateurs. L'image de stabilité politique et de réussite économique, que le pays s'était construite ces dernières années grâce à une transition démocratique qui semblait réussie et une solide croissance économique, a volé en éclat. Hervé Maupeu, directeur du CREPAO et spécialiste des questions de mobilisations électorales, commente la crise en détaillant les profondes fractures politiques, sociales, économiques et foncières qui tiraillent la société kenyane.

Sylvain Touati : Est-ce que Mwai Kibaki a gagné les élections ?

Hervé Maupeu : Non mais il est difficile de démontrer que Raila Odinga a gagné. Dans les résultats qui ont été dévoilés, on trouve trop de distorsions, dans de nombreuses circonscriptions, entre les résultats aux élections législatives et aux élections présidentielles. Rappelons qu'il s'agit d'élections générales où les électeurs choisissent à la fois le président de la République, les députés et les conseillers municipaux. Il peut arriver que les citoyens choisissent dans une même circonscription leur député dans un parti qui n'est pas celui du candidat à la présidentielle qu'ils plébiscitent par ailleurs. Pour autant, ces résultats peuvent être jugés comme troublants quand, dans un même lieu, le nombre de votants à la législative est très inférieur à celui des votants à la présidentielle. C'est encore plus problématique quand ces votants à la présidentielle sont plus nombreux que le nombre d'inscrits sur les listes électorales. Bref, les tricheries sont manifestes et le rapport des observateurs pour l'Europe qui sera prochainement publié[1] devrait donner une liste assez exhaustive de ces décomptes de voix qui ne sont pas cohérents. Pour autant, il semble difficile de procéder à un nouveau décompte des voix car de nombreux PV ont été trafiqués, égarés. Certaines urnes auraient disparu. Les gouvernants se sont employés à rendre impossible l'organisation d'un nouveau décompte des voix.

ST : Comment s'est déroulée la campagne ?

HM : Plutôt correctement au regard des standards kenyans. A posteriori, la campagne électorale de 2002 apparaît comme atypique dans l'histoire de la démocratisation kenyane. En effet, les acteurs politiques avaient plutôt respecté les règles du jeu démocratique : on avait enregistré peu de violences électorales, les administrations étaient restées relativement neutres, les médias n'avaient pas subi de censures, les pratiques d'achat de vote avaient reculé... Autant de caractéristiques que l'on ne retrouve plus en 2007. À cet égard, cette dernière campagne électorale rappelle davantage les élections des années 1990, quand l'autocratie du président Daniel Arap Moi usait de tous les moyens pour s'accrocher au pouvoir. En 1992 comme en 1997, des nettoyages ethniques ont garanti une réélection facile des leaders du régime Moi. En 2007, on n'a pas assisté à des conflits ethniques préélectoraux. Mais dans le cadre de la campagne électorale, les violences ont été nombreuses, occasionnant, selon des associations des droits de l'homme, plusieurs dizaines de morts. De plus, des tensions ethniques ont repris dans les zones habituelles de crise dans la Rift Valley (Molo, proximité d'Eldoret et région du Mont Elgon à la frontière avec l'Ouganda). En outre, la lutte contre une secte néo-traditionnelle gikuyu, Mungiki, a provoqué le massacre par la police d'au moins 500 jeunes entre juin et octobre 2007. On doit inclure ces exécutions dans les violences électorales car la répression contre ces milices de jeunes n'aurait pas été aussi sanglante si les gouvernants n'avaient pas considéré Mungiki comme une intolérable opposition dans leur propre communauté gikuyu[2]. La campagne électorale de 2007 fut également tendue en raison de l'utilisation systématique de l'administration en faveur des sortants. En particulier, l'administration préfectorale s'est montrée partisane en empêchant certains meetings de l'opposition et en protégeant les exactions et les violences des équipes proches du pouvoir. De plus, les libertés publiques ont été fragilisées : les médias ont subi des censures ; les populations musulmanes ont vécu comme des persécutions la mise en œuvre des mesures anti-terroristes qui ont pris de l'ampleur durant la période électorale. La campagne électorale de 2007 fut donc tendue. Par contre, le scrutin s'est correctement déroulé (contrairement par exemple aux élections de 1997). C'est au moment du décompte des voix que les choses se sont détériorées.

ST : Quelle est la nature des relations entre Kibaki et Odinga ? Quels sont leurs désaccords ?

HM : En 1992 comme en 1997, l'opposition a perdu les élections présidentielles alors qu'elle rassemblait davantage de voix que le représentant de la KANU (le parti au pouvoir depuis l'Indépendance, de 1963 à 2002). Mais ces opposants allaient au combat désunis. En 2002, ils réussissent à forger une alliance et à s'entendre sur le nom d'un seul candidat, M. Kibaki. Cette union de l'opposition est largement le fruit de l'entregent et de l'habileté manœuvrière de Raila Odinga qui a débauché d'anciens leaders de la KANU (le vice-président Saitoti, ainsi que d'anciens ministres comme William Ole Ntimama ou John Kamotho) et a réussi à faire accepter Mwai Kibaki comme le candidat de l'opposition. À l'époque, Kibaki était perçu comme l'homme du compromis. Ce politicien modéré était jugé trop âgé et trop malade pour envisager plusieurs mandats. En ce sens, ses concurrents de l'opposition acceptaient de calmer leurs ambitions présidentielles et d'œuvrer en sa faveur. Dès lors, un accord fut signé entre les différentes forces de l'opposition. Il prévoyait la répartition des postes ministériels et les mesures que le nouveau régime devait mettre en place. Une fois élu, Kibaki a oublié cette entente. Les partis proches d'Odinga n'ont pas hérité du nombre prévu de ministères et surtout la réforme constitutionnelle promise ne fut pas mise en œuvre. Pendant plusieurs années, les gouvernants ont tergiversé pour finalement proposer en 2005 un texte constitutionnel très éloigné du projet originel. Lors du référendum, ce texte fut rejeté. Le camp d'Odinga qui appelait à se prononcer pour le non a largement gagné et cela a entériné le divorce net et clair entre les deux leaders.

ST : Sur quels aspects/programmes politiques les candidats à l'élection présidentielle se sont-ils différenciés durant la campagne ?

HM : Les trois principaux candidats aux élections présidentielles, Odinga (ODM), Kibaki (PNU) et Musyoka (ODM Kenya) ont des programmes et même des projets de société assez différents. Odinga et Musyoka ont des programmes plutôt similaires mais reposant sur des idéologies et des fondements théoriques différents. Raila Odinga propose la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle promise depuis 2002 (et même 1997 pourrait-on dire) dans les 90 premiers jours de son mandat. Elle viserait essentiellement à mettre en œuvre une forte décentralisation (60% de l'argent public serait affecté aux collectivités territoriales), une limitation des pouvoirs de l'exécutif afin de favoriser le développement d'un véritable parlementarisme. Bien sûr, Odinga dénonce la corruption du régime et promet que les fruits de la croissance économique seront redistribués plus équitablement. Kalonzo Musyoka préconise une décentralisation moins poussée qu'Odinga et il manifeste davantage de réserve à l'égard du parlementarisme. L'originalité de son programme tient dans la promesse de la mise en œuvre d'un État-providence. Il se présente comme un social-démocrate persuadé que l'économie kenyane est capable de financer une véritable protection sociale. Il souhaite apparaître comme le défenseur de la classe moyenne appelée à devenir à moyen terme la principale force sociale du pays. Mwai Kibaki en tant que sortant doit défendre un bilan. Il peut mettre au crédit de son régime la réussite du programme d'éducation primaire obligatoire et gratuite. Il a également bénéficié d'une croissance économique de près de 5% par an alors que la dernière décennie de la présidence de Daniel Arap Moi fut marquée par une récession profonde et une 'criminalisation de l'Etat[3] très poussée. La kleptocratie de l'ère Moi a laissé la place à un pouvoir moins corrompu sous la présidence Kibaki. Néanmoins, les sommets de l'Etat ont été impliqués dans des scandales financiers. La grande corruption a diminué (du fait notamment de la surveillance des médias) mais la petite corruption prospère et pourrit la vie quotidienne des wananchi (citoyens). Dans ces conditions, Kibaki peut promettre un gouvernement 'propre' mais il a du mal à convaincre. En 2007, l'essentiel de son programme a porté sur la gratuité de l'enseignement secondaire et une amélioration des services publics. Il a annoncé la création de nombreux emplois liés à la croissance économique mais contrairement à 2002, il n'a pas chiffré ses annonces car les 500 000 postes promis cinq ans auparavant se font encore attendre.

ST : La situation actuelle avec Kibaki comme président et le parti d'Odinga à la tête du parlement peut-elle fonctionner ?

HM : Le parti d'Odinga a réussi à faire élire un de ses chefs à la tête du parlement (Speaker). Pour autant, l'ODM n'a pas la majorité absolue. Avec 99 parlementaires sur 210[4], il détient 47.14 % des sièges contre le PNU (43 sièges), ODM Kenya (16), KANU (14), SAFINA (5), NARC KENYA (4). Au final, 17 autres partis ont remporté entre une et trois circonscriptions[5]. Dans le système politique actuel où l'exécutif dispose de l'essentiel des pouvoirs, l'équipe de Kibaki peut gouverner le pays même si leur parti le PNU ne détient que près de 20 % des sièges au parlement. Elle doit donc négocier des ententes avec les autres partis. En nommant K. Musyoka Vice-président, Kibaki s'est adjoint le soutien de l'ODM Kenya. Une alliance de petits partis a déjà négocié son rapprochement du pouvoir. Tous les parlementaires savent que le moment est propice pour discuter en position de force avec le régime. Ils peuvent facilement obtenir de l'argent pour rembourser les dépenses occasionnées lors d'une campagne électorale particulièrement onéreuse. De plus, l'Etat a tendance à n'investir que dans les circonscriptions des parlementaires de la majorité. Dans ce mode de fonctionnement, on peut s'attendre à ce que des députés de l'ODM passent du côté de Kibaki. Ainsi, le président doit négocier des coalitions. Cela coûte cher au Trésor public mais cela a fonctionné plus ou moins correctement durant l'essentiel du premier mandat de Kibaki. Les institutions kenyanes permettent cette façon de faire mais est-ce que les conditions politiques actuelles n'ont pas drastiquement changé la donne ? L'ampleur des violences post-électorales et donc l'approfondissement des clivages politiques ont modifié les marges de manœuvre des acteurs politiques mais il est encore trop tôt pour voir dans quel sens.

ST : Pourriez-vous revenir sur le déroulement des élections et les violences qui sont apparues pendant le processus électoral ?

HM : Pour les besoins de l'analyse, on peut distinguer au moins deux types de violences post-électorales : d'une part, les nettoyages ethniques, une vaste catégorie qui recouvre des phénomènes divers et pas toujours très comparables ; des pratiques également qui provoquent des contre-violences de la part des populations agressées. D'autre part, les violences policières sont également à l'origine d'un grand nombre de morts. Pour ces deux types de mobilisations, on hésite à parler de planification. Néanmoins, ces violences ne sont pas le fruit d'accidents. Si l'on s'intéresse d'abord aux décès causés par les forces de l'ordre, il ressort que les gouvernants s'attendaient à des débordements liés à l'annonce de résultats pour le moins inattendus. De fortes concentrations de policiers ont été prévues dans certaines villes avec ordre de tirer à balles réelles. Dès les débuts de la crise, la police a massacré plusieurs dizaines de jeunes dans les rues de Kisumu[6], le fief d'Odinga. Les bidonvilles de Nairobi ont été très vite l'objet d'exactions et de tueries de la part des forces de l'ordre. D'autant que la répression contre Mungiki durant tout l'été 2007 a rodé ces équipes dans les prises d'assaut des bidonvilles de la capitale. Les violences policières ont été d'autant plus intenses que les policiers sont assurés de ne pas être poursuivis judiciairement. Tout au long de l'ère Kibaki, ils ont bénéficié d'une impunité sans faille alors que leurs pratiques étaient de plus en plus dénoncées[7]. En fait, depuis la présidence de Daniel Arap Moi, les forces de l'ordre ont développé une culture professionnelle de violence abusive et inconsidérée. Durant le régime Kibaki, ils ont continué de fonctionner comme les outils d'un pouvoir autocrate, même si des apparences démocratiques sont concédées. Ainsi, en 2006, un bureau a été créé pour recevoir les plaintes contre les abus policiers. Aucune de ces plaintes n'a été suivie d'effets même quand les preuves étaient accablantes. Les nettoyages ethniques ne sont pas apparus en 2008. Ils visent à expulser certaines populations de certaines circonscriptions. À un premier niveau, c'est donc la stratégie d'une élite politique qui voit dans ces méthodes une adaptation au retour au multipartisme. Cette pratique s'appuie et se légitimise sur un sentiment d'invasion perçu ou inculqué à certaines communautés. Ainsi, certains lignages se perçoivent comme les vrais autochtones menacés par des allogènes qui leur voleraient leurs droits fonciers ou leur prospérité. Sur ce terreau idéologique, des tensions se développent et s'accentuent en période électorale car certaines populations sont vues comme bénéficiant de privilèges du fait de leur supposée proximité avec le pouvoir.Si l'on se penche plus en détail sur les foyers de tension de 2008, on constate que la crise au pied du Mont Elgon (Rift Valley à la frontière avec l'Ouganda) est particulièrement intense depuis au moins deux ans. Tout au long de 2007, les conflits entre ces communautés ont provoqué de nombreux morts. Les élections ont alimenté ces antagonismes mais sans en être la cause. Peu après l'annonce des résultats des élections, les premiers incendies et massacres sont apparus autours d'Eldoret puis dans la région de Molo. Comme dans les années 1990, des bandes de jeunes probablement financées par des politiciens ont été amenées dans ces zones pour s'attaquer aux familles gikuyu. Ces régions de la Rift Valley étaient au cœur des 'terres blanches' de l'ère coloniale. Les fermiers blancs s'étaient accaparés ces terres fertiles et en avaient fait le grenier à céréale du pays. Leur main d'œuvre était souvent constituée de familles gikuyu qui venaient comme squatter du fait qu'il n'y avait plus suffisamment de terres disponibles dans la 'Central Province' dont elles étaient originaires[8]. Après l'indépendance, les fermes des Blancs ont souvent été rachetées par de riches Gikuyu proches du régime de Jomo Kenyatta ou revendues après avoir été parcellisées à de petits paysans venant souvent du Mont Kenya mais pas exclusivement. Ces vagues d'immigrations furent vécues comme une invasion par les populations kalenjin qui se perçoivent comme les communautés originaires de ces régions[9]. Les nettoyages ethniques des années 1990, qui n'ont pas touché exclusivement la Rift Valley, auraient provoqué plusieurs milliers de morts et près de 500 000 déplacés[10]. La plupart de ces familles ne sont pas revenues dans les régions qui les ont rejetées. Pour autant, les migrations internes n'ont pas cessé et la Rift Valley est restée la destination de nombreuses personnes en quête de réussite ou plus souvent de survie. Même au sein des populations kalenjin, les mouvements de populations ont été nombreux. On a donc des zones où les gens se connaissent mal et certains sociologues parleraient aisément d'anomie. Cette situation décourage la solidarité entre voisins et facilite les manipulations de bandes de jeunes. Mais ces conditions ne suffisent pas pour provoquer des massacres ethniques. Il faut également un contexte de privatisation de la sécurité à l'échelle de quasiment tout le pays et une culture de milice de jeunes. Depuis au moins une vingtaine d'années, l'insécurité est devenue un problème majeur de nombreuses régions. Devant l'impuissance ou la passivité des forces de l'ordre, les communautés ont organisé des milices chargées de limiter la délinquance. Cela s'est fait souvent avec le soutien de l'administration préfectorale[11]. Cette pratique des milices a gagné, au début des années 1990, les bidonvilles de Nairobi puis les autres villes du pays. Dans une situation de crise économique grave et de démographie déséquilibrée où les moins de 40 ans sont très nombreux, les jeunes hommes se voient de plus en plus contraints de rejoindre ces milices qui constituent les rares opportunités d'emplois. Mais ces groupes sont plus ou moins contrôlés par leurs différents sponsors qui peuvent être à un moment donné les commerçants d'un quartier et à un autre des politiciens qui doivent assurer la sécurité de leurs meetings. Ainsi, ces cohortes de jeunes se transforment souvent en organisations mafieuses qui rançonnent les communautés où elles se développent. Dans un tel contexte, les politiciens souhaitant 'nettoyer' leur circonscription peuvent aisément louer les services de ces jeunes impécunieux.

ST : Est-ce que les violences post-électorales étaient prévisibles ? Celles-ci auraient-elles pu être évitées ?

HM: L'équipe de Kibaki savait que la manipulation des résultats électoraux amènerait une réaction. Parmi les leaders de l'opposition, on trouve plusieurs personnes impliquées dans les massacres ethniques des années 1990. De plus, Odinga et Fred Gumo contrôlent les milices les plus aguerries de Nairobi. Les sortants se sont probablement assurés de la fidélité des forces de police et de l'armée. Fort de ce soutien, ils ont misé sur la capacité des administrations régaliennes à faire taire les inévitables réactions de l'opposition. Ce refus de l'alternance a provoqué un bain de sang et l'approfondissement de clivages qui menacent l'idée même de citoyenneté kenyane, cela dans un des pays africains où l'identité nationale était forte en dépit de l'ethnicisation de la vie politique en particulier depuis le retour au multipartisme en 1992. Les politistes qui analysent la crise politique actuelle n'ont aucun mal à souligner les racines profondes des dynamiques en cours. Pour autant, peu de spécialistes auraient prédit l'ampleur des violences. L'alternance réussie de 2002 laissait croire que la culture démocratique de la classe politique était réelle et sincère.

ST : Pourriez-vous détailler les raisons pour lesquelles la police et l'armée ont apporté leur soutien à Kibaki ?

HM : L'armée n'a jamais joué dans l'histoire du Kenya indépendant un rôle politique important. Au début des années 1960, une révolte de l'armée a été matée par les troupes britanniques restées dans le pays après l'Indépendance. Cela a convaincu Jomo Kenyatta[12] de constituer une armée modeste et politiquement muette. Néanmoins, en 1982, des sous-officiers de l'armée de l'air fomentent une tentative maladroite de coup d'État. Cela a permis aux gouvernants de purger cette institution mais également de la professionnaliser, en améliorant les formations et en promouvant les hommes en fonction de leurs mérites et pas seulement en raison de leur proximité des réseaux politiques. Depuis, l'armée (près de 45 000 hommes) est particulièrement disciplinée et légitimiste. Jusqu'à présent, les gouvernants n'ont pas beaucoup utilisé l'armée pour calmer les tensions dans l'Ouest du pays. Ils ont recouru à des bataillons pour amener des vivres dans les camps de réfugiés ainsi que pour détruire certains barrages routiers. Les associations de droits de l'Homme ainsi que les médias ont dénoncé des violences commises par des soldats. Néanmoins, la gestion de l'ordre public est d'abord le fait des forces de police. Le régime dictatorial du président Moi a beaucoup usé des forces de l'ordre tout en s'en méfiant. En vertu du vieux principe du diviser pour mieux régner, la police est fragmentée entre plusieurs services qui ont en principe des fonctions différentes. Les effectifs les plus nombreux se trouvent dans la Kenya Police. Ses 18 000 membres sont mal rémunérés et ils ont des conditions de vie difficiles (avec notamment des logements vétustes). Ils survivent grâce à la corruption qui est largement tolérée par les sommets de l'État. Dans les campagnes, on trouve plutôt l'Administration Police (AP) qui est sous les ordres des District Commissioners (les préfets). Ces officiers de police sont souvent recrutés grâce à l'entremise de 'big men'. Ils sont mal formés et peu performants. Depuis 2002, le régime Kibaki a assuré sa main mise sur la hiérarchie de ces administrations. Les gouvernants se sont surtout assurés la fidélité des troupes d'élite. La très redoutée General Service Unit (GSU) (près de 5 000 personnes) a des troupes entraînées en Israël. Ces paramilitaires sont connus pour leur extrême violence. Ils sont bien rémunérés tout comme les membres du Criminal Investigation Division (CID) qui sont spécialisés dans lutte contre le terrorisme ou les personnels du Kenya National Security Intelligence Service (NSIS), les services secrets. Tous ces services relèvent de l'office of the President ou sont sous les ordres directs du président (c'est le cas du CID). Aucune force de police n'est donc mise sous l'autorité du ministre de l'Intérieur ou du ministre de la Sécurité intérieure. Ainsi, le chef de l'État s'attache à établir des liens directs avec ses polices dont il attend une fidélité qui pour l'instant n'a pas fait défaut.

ST : Le terme de 'mafia du Mont Kenya' est évoqué dans certains commentaires pour désigner certains soutiens du président sortant, pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

HM : Ce terme fait référence d'abord à la 'camarilla' qui entourait Jomo Kenyatta dans les années 1970. Le vieux leader était malade, très affaibli et le pays était gouverné par cette petite équipe constituée de membres de la famille Kenyatta et de quelques autres leaders. On lui attribue de nombreuses exactions et coups bas politiques. L'expression est apparue à nouveau en 2003, quand un petit groupe autour de Kibaki est devenu plus visible et apparemment plus puissant. On y trouve l'épouse du chef de l'État ainsi que sa seconde femme (officieuse mais très impliquée dans la vie politique gikuyu), un de ses fils, des neveux, des politiciens de sa génération (John Michuki[13] et Njenga Karume[14] en particulier) ainsi que quelques hauts fonctionnaires et jeunes ministre (notamment Martha Karua[15]). La plupart d'entre eux ont été impliqués dans le plus gros scandale de corruption de l'ère Kibaki, le scandale de l'Anglo-Leasing Cie. Ainsi, ces 'big men' sont accusés de chercher d'abord à s'enrichir massivement. On les soupçonne également de gouverner le pays à la place du leader vieillissant qui est souvent malade.

ST : Comment qualifier Mungiki ? Comment ses membres sont-ils utilisés politiquement ?

HM : Mungiki est un mouvement prophétique néo-traditionnel gikuyu. La culture politique gikuyu produit de nombreux prophétismes, en particulier en période de crise. Mungiki est vraisemblablement apparu dans les années 1990, dans le contexte des nettoyages ethniques de la Rift Valley. Cette secte a accueilli de nombreux jeunes déplacés qui ont fait connaître le groupe dans toutes les villes gikuyu. Mungiki rencontre un grand succès dans les milieux déshérités car il propose une vision de la société gikuyu où les jeunes remplissent un rôle social clair et valorisé. Il explique la situation actuelle des jeunes au regard d'une histoire plus ou moins mythifiée de la communauté. Il leur donne ainsi des racines, une mémoire historique et militante, des méthodes enfin. Ainsi Mungiki se pense clairement comme l'héritier du mouvement Mau Mau, perçu par beaucoup de Kenyans comme la guerre de libération contre les Britanniques. Les fondateurs de la secte sont issus de familles de généraux Mau Mau particulièrement fameux. Mungiki pense donc avoir un rôle politique à jouer ce qui ne manque pas d'inquiéter des politiciens gikuyu qui craignent de voir une partie conséquente de la jeunesse échapper à leur contrôle. D'autant que tous les politiciens de la 'Central province [16]' connaissent bien les Mungiki. Depuis une dizaine d'années, ils ont eu recours aux services de ces groupes de jeunes pour surveiller leurs meetings ou s'assurer de la fidélité politique d'un quartier. En effet, une des raisons (et pas des moindres) du succès de Mungiki vient du fait que le mouvement organisé en milices offre des emplois ou du moins des sources informelles de revenus à de très nombreux jeunes. D'autant que la secte contrôle (rançonne diront certains) de nombreuses lignes de matatus (les minibus qui constituent l'essentiel des moyens de transport en commun du pays) et a la mainmise sur plusieurs bidonvilles où ils font payer la distribution d'électricité, la gestion des toilettes publiques et régulent la sécurité. Ainsi, Mungiki est une milice comme il en existe beaucoup d'autres mais c'est une milice qui a particulièrement bien réussi[17].

ST : Est-ce que Mungiki est utilisé actuellement par l'élite gikuyu pour contrer les massacres orchestrés par l'opposition ?

HM : En l'état actuel des informations disponibles, c'est difficile de répondre. Mais comme indiqué précédemment, Mungiki a été très fortement persécuté durant l'été 2007 (au moins 500 morts) et des associations des droits de l'homme estiment que depuis 2002, près de 8 000 jeunes, en particulier gikuyu, auraient disparu. Dans ces conditions, est-ce que les gouvernants ont su renouer les contacts avec un mouvement qu'ils ont combattu si vigoureusement ? Depuis la seconde moitié de janvier, on constate que des bandes de jeunes Gikuyu commettent des meurtres sinon des massacres, en particulier à Nakuru et à Naivasha[18]. Cela n'est pas nécessairement des Mungiki. Il existe de très nombreuses milices gikuyu plus ou moins anciennes et importantes. Le modèle de Mungiki a fait beaucoup de petits.

ST : Quelles sont les positions des mouvements religieux dans cette crise (Eglises, Musulmans) ?

HM : En 2007, les Musulmans ont massivement voté contre Kibaki. Sur la Côte, le PNU n'a remporté que 3 sièges alors que l'ODM en détient 12 sur 21 circonscriptions. Le second fief des Musulmans est la province 'North Eastern'. Sur 10 sièges, le PNU n'en a emporté aucun alors qu'ODM a 5 députés et la KANU (un parti proche du PNU) en a 4. Plusieurs facteurs ont joué. D'abord, les Musulmans ont tendance à se considérer comme des citoyens de seconde zone, que la capitale déconsidère et oublie systématiquement quand il s'agit d'investir de l'argent public. Ce ressenti tend à devenir un sentiment de persécution quand l'application des lois anti-terroristes vise uniquement ces populations. Et apparemment, certaines arrestations ont été particulièrement arbitraires. Egalement, certaines communautés se plaignent de la gestion du foncier par l'élite politique du pays. En 2002 et 2005, l'équipe de Kibaki a promis des titres de propriété aux familles de squatters qui résident, souvent depuis plusieurs générations, sur des terres publiques. Bien sûr, les promesses n'ont pas été tenues. Au contraire, certaines familles ont été expulsées car des parcelles ont été cédées à des entrepreneurs ou des agents immobiliers. Du côté chrétien, il convient de distinguer entre les différentes Eglises. L'une des plus influentes est l'église catholique (entre 20 à 25% de la population kenyane). Elle a soutenu Kibaki lors de l'élection présidentielle et au niveau local, de nombreux curés ont fait campagne pour le PNU (les primaires du PNU se sont souvent déroulées dans les bâtiments et sous le parrainage des paroisses). Après les élections, les prélats ont plutôt dénoncé les nettoyages ethniques attribués à l'opposition et se sont peu attardés sur les massacres perpétrés par les policiers. Chez les Protestants, la haute hiérarchie de l'église presbytérienne milite clairement en faveur de Kibaki, ce qui n'est pas étonnant de la part d'une organisation religieuse qui est quasi-exclusivement gikuyu. Les Méthodistes se trouvent essentiellement dans la 'Central Province' et eux aussi sont plutôt du côté du PNU mais ils se montrent plus discrets. Les Anglicans ont des fidèles dans l'ensemble du pays et ils ne peuvent pas prendre parti ouvertement. Néanmoins, l'évêque de Kisumu s'est clairement positionné en faveur d'ODM et a dénoncé les exactions policières dans sa ville. Enfin les pentecôtistes et les fondamentalistes sont plutôt dans l'opposition.

ST : La description du Kenya comme un pays stable, démocratique et modèle de développement économique était-elle une réalité vécue par ses habitants ? L'Etat kenyan est-il reconnu/estimé/présent partout au Kenya ?

HM : Les Kenyans ont jusqu'à présent perçu leur pays comme un pays stable du moins au regard des conflits qui agitent tous les pays voisins à l'exception de la Tanzanie. Pour autant, ils voient leur contrée comme une société particulièrement violente. On l'a vu, l'insécurité est rampante dans tout le pays. En juin dernier, des collègues de l'Université de Nairobi m'expliquaient qu'ils ne pouvaient pas dormir chez leurs parents. Quand ils se rendaient à la campagne, ils prenaient une chambre dans un hôtel du chef-lieu de département car à la nuit tombée, les risques étaient trop importants dans les fermes de leurs proches. La violence se situe également dans les rapports de travail. Le nombre d'emplois salariés est très insuffisant et même les diplômés ont du mal à trouver et garder un travail. Ainsi, le modèle de développement du pays ne convainc pas de nombreux Kenyans qui constatent que la croissance économique ne profite qu'à certains et en particulier aux plus riches. Ainsi, des statistiques sérieuses (notamment celles du PNUD) montrent que le nombre des Kenyans vivant avec moins de deux dollars par jour a augmenté depuis le début des années 2000 alors que le pays connaît une embellie économique.Dans ces conditions, l'État n'est pas reconnu comme un organisme neutre, producteur de services publics et porteur de l'intérêt général. En effet, les Kenyans savent bien que la politique est l'un des plus sûrs moyens d'enrichissement. Les sommets de l'État n'inspirent pas confiance. Ils sont plutôt vus comme des Diables avec lesquels on doit vivre. On subit les politiciens plus qu'on attend d'eux. La corruption touche le haut de l'État mais également les différentes administrations. Et pourtant, l'Etat kenyan reste l'un des plus performants d'Afrique. Les structures de santé souffrent d'une absence de médicaments et d'instruments mais le personnel est particulièrement bien formé. Le système éducatif fonctionne très correctement, du niveau primaire aux universités. Pour autant, cet État est essentiellement présent au Kenya dit 'utile' c'est à dire situé au-dessus de 1300 mètres d'altitude. Les périphéries du pays qui sont souvent des zones désertiques, sont largement laissées à l'abandon. Dans les villes, l'État est visible au centre-ville mais brille par son absence dans les bidonvilles qui, notamment à Nairobi, abritent la majorité de la population urbanisée.

ST : Les scénarios de sortie de crise ?

HM : On est encore dans une période de montée des tensions et il est difficile de discerner les dynamiques de sortie de crise. Jusqu'à présent, l'équipe au pouvoir a peu diplomatiquement rejeté les tentatives internationales de médiation : la sous-secrétaire d'État américaine pour l'Afrique, Jendayi E. Frazer a été soupçonnée d'être trop partisane (en faveur de l'opposition) et ses services ont été aimablement refusés; le président sortant de l'UA, John Kufuor, a subi des rebuffades sinon des humiliations peu diplomatiques ; la médiation de Kofi. Annan est apparemment mieux acceptée mais jusqu'à présent, elle n'obtient pas d'avancée majeure et les massacres se poursuivent avec une intensité renouvelée. De même, les tentatives de médiation interne ne semblent pas être entendus. Jusqu'à présent, l'équipe de J. Kiplagat, un des diplomates et politiciens les plus respectés du pays, garde un profil bas. Quant à la société civile, très vivace au Kenya, elle est jusqu'à présent très clivée.


[1] Afin de ne pas apparaître comme partisans dans cette période cruciale de négociations, les représentants des institutions européennes ne divulguent pas un rapport qui est accablant pour le camp de M. Kibaki.

[2] Le Président Kibaki est gikuyu. Les Gikuyu représentent à peu près 20% de la population kenyane. Surtout, les Gikuyu constituent avec les Luo, la seule ethnie du pays qui a développé un véritable ethno-nationalisme. À l'occasion des élections générales, les gouvernants gikuyu ont du mal à supporter les contestations de certains jeunes de leur propre communauté.

[3] J.F. Bayart, Criminalisation de l'état en Afrique, 1999, Editions Complexe, Paris.[4] En fait, 97 parlementaires puisque deux de leurs députés sont morts depuis le début de la crise. [5]Sources officielles de l'Office of Government (www.communication.go.ke/elections/constituency.asp)

[6] Troisième plus grande ville du Kenya après Nairobi et Mombasa.

[7] Oscar Foundation, Licence to Kill. Extra-judicial execution and police brutality in Kenya , 2007, Nairobi. Même des organismes de l'État comme la Kenya National Commission on Human Rights ont fortement critiqué les pratiques policières : KNCHR, Preliminary Report on Alleged Executions and Disappearance of Persons between June and October 2007, 2007, Nairobi.

[8] Molo fut durant la guerre Mau Mau des années 50 un foyer de guérilla intense. De nombreux squatters gikuyu se sont rebellés contre les fermiers qui se mécanisaient rapidement et n'avaient plus besoin d'autant de main d'œuvre.

[9] John O. Oucho (Undercurrents of Ethnic Conflict in Kenya, 2002:64, Brill, Leiden) explique bien cette situation: " The predominance of the Kalenjin in Rift Valley Province is a myth as census figures verify. The province was home to some 19.3 Kikuyu, 9.7 percent Luhya, 7.3 percent Maasai, 5.2 percent Turkana and 3.9 percent Luo- a total of 45.4 percent non-Kalenjin population in the 1989 population census. This explains why the Kalenjin tend to be hypersensitive about the non-Kalenjin whom they refer to as " invaders " as the non-Kalenjin claim an increasing stake of the provincial population. Clearly, this feature is a recipe for political wrangling and ethnic clashes in Rift Valley Province ".

[10] Jacqueline M. Klopp, " Kenya's Internally Displaced : Managing Civil Conflict in Democratic Transitions " in Dorina A. Bekoe (Ed.), East Africa and the Horn. Confronting Challenges to Good Governance, London, 2006, p. 59.

[11] Chez les Kuria, les milices Sungu Sungu ont longtemps travaillé en collaboration ouverte avec les forces de l'ordre. À la frontière ougandaise, l'administration a armé certains groupes Pokot ce qui a provoqué de fortes tensions avec les communautés Marakwet.

[12] Premier ministre du Kenya de 1963 à 1964 puis président de la république (1964-1978).

[13] Né en 1932. Ministre des routes et des travaux publics depuis le 8 janvier 2008. De 2002 à 2007, il a occupé les postes de Ministre des Transports et des Communications (12/2002 - 12/2005) puis de Ministre de la Sécurité Intérieure (12/2005 - 8/01/2008).

[14] Né en 1929. Ministre de la Défense de décembre 2005 au 8 janvier 2008.

[15] Actuelle ministre de la Justice et des Affaires Constitutionnelles.

[16] Ce district administratif couvre la région du Mont Kenya.

[17] Autres milices kenyanes : Jeshi la Embakasi, Jeshi la Mzee, Bagdad Boys, Sungu Sungu, Amachuma, Chinkororo, Dallas Muslim Youth, Runyenjes Football Club, Jeshi la Kingole, Kaya Bombo Youth, Sakina Youth, Charo Shutu, Uzacha Boys, Kosovo Boys, Banyamulenge and KamJesh.

[18] Villes au nord-ouest de Nairobi.

 

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Crise kenyane : entretien avec Hervé Maupeu

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Afrique subsaharienne
Centre Afrique subsaharienne
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Créé en 2007, le centre Afrique subsaharienne de l’Ifri produit une analyse approfondie du continent africain, de ses dynamiques sécuritaires, géopolitiques, politiques et socio-économiques (en particulier le phénomène d’urbanisation). Le Centre se veut à la fois, via les différentes publications et conférences, un espace de diffusion d’analyses à destination des médias et du public mais aussi un outil d'aide à la décision des acteurs politiques et économiques à l'égard du continent.  

 

 

Le centre produit des analyses pour différents organismes tels que le ministère des Armées, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Agence française de développement (AFD) ou encore pour différents soutiens privés. Ses chercheurs  sont régulièrement auditionnés par les commissions parlementaires.

 

 

L’organisation d’événements de divers formats complète la production d’analyses en amenant les différentes sphères de l’espace public (académique, politique, médiatique, économique et société civile) à se rencontrer et à échanger outils d’analyse et visions du continent. Le Centre Afrique subsaharienne accueille régulièrement des responsables politiques de différents pays d’Afrique subsaharienne. 

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L'Afrique en questions 1. : Crise kenyane
Crise kenyane : entretien avec Hervé Maupeu, de L'Ifri par
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Crise kenyane : entretien avec Hervé Maupeu