Marchés du GNL : choc de demande dans les pays émergents
Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant de marchés émergents a rejoint le club des importateurs de gaz naturel liquéfié (GNL).
De 7 pays en 2010, ils étaient 17 en 2017 : ceci inclut des régions traditionnellement tournées vers l’exportation (telles que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord) dont la demande de gaz et d’électricité est à la hausse, des économies émergentes avec des besoins croissants en énergie (Asie du Sud-Est), des pays qui, faisant face à de sérieuses pénuries en électricité et en gaz, remplacent le pétrole importé par du gaz pour produire leur électricité (Asie du Sud), et des pays à la recherche d’une plus grande sécurité et diversité de leur approvisionnement gazier (Amérique du Sud). La flexibilité et la compétitivité des unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU dans son acronyme anglais), des prix du GNL en baisse depuis 2015 et le soutien financier des fournisseurs de GNL et des institutions financières multilatérales ont permis à ces marchés émergents de développer leurs importations de GNL.
La demande de GNL des marchés émergents a bondi depuis 2010, passant de 9 millions de tonnes métriques (Mt) à 41 Mt en 2017 (14 % du marché mondial), dépassant ainsi la demande de la Chine en 2017, la Chine étant le pays le plus dynamique sur le marché mondial du GNL. Cette hausse récente a permis d’absorber l’offre excédentaire anticipée de GNL, la rendant bien plus basse que prévu. Les marchés émergents continuent à croître, et 16 pays prévoient maintenant de commencer à importer du GNL au cours des cinq prochaines années.
Tous les projets ne seront pas réalisés, et la demande future de GNL des pays émergents est difficile à évaluer. Les incertitudes principales incluent : l’élasticité-prix de cette demande, la capacité des gouvernements à payer des subventions ou celle des consommateurs à payer des prix plus élevés, particulièrement quand le GNL est fourni à des centrales électriques, et les tendances de la production domestique de gaz. Pour plusieurs pays qui importent du GNL, ou aspirent à le faire, le charbon demeure un concurrent important au gaz dans le secteur électrique. La demande de GNL des marchés émergents va certainement rendre le marché très volatil.
Cette nouvelle demande a contribué aux changements rapides et profonds qui affectent les marchés du GNL.
La demande de GNL des marchés émergents est bien différente de celle des marchés établis. Une caractéristique majeure est sa saisonnalité inversée – elle atteint son pic dans les mois estivaux de l’hémisphère nord – ce qui pourrait aider à équilibrer l’offre et la demande mondiale de GNL tout au long de l’année vu l’accroissement attendu de la demande de ces marchés. L’émergence de nouveaux acheteurs comporte également des défis : les contrats signés par les marchés émergents sont généralement plus risqués, pour des volumes plus petits et des périodes moins longues que dans les marchés traditionnels. Cette nouvelle demande ne permet pas de garantir le financement de nouveaux projets de liquéfaction. Combiné avec les bas prix du GNL enregistrés en 2015-2017, le manque d’engagements à long terme a ralenti l’investissement dans de nouveaux projets d’exportation de GNL. En conséquence, les producteurs et les agrégateurs de GNL s’adaptent : croître, se concentrer sur les projets les plus compétitifs, devenir acquéreurs à long terme de la production des nouveaux projets d’exportation GNL pour la revendre via leurs portefeuilles, lancer des projets de moins grande ampleur et intégrer la chaîne de valeur. Pour profiter de la hausse de la demande des marchés émergents, les nouveaux projets d’exportation de GNL devront s’appuyer sur un coût maîtrisé, plus de flexibilité, et des structures de prix créatives. De plus en plus, les agrégateurs de GNL et les traders devront cofinancer et participer aux projets en aval.
À court terme, la vague actuelle de projets d’exportation de GNL garantit un approvisionnement abondant, bien que le marché puisse être tendu pendant les périodes hivernales telles que celle de l’hiver 2017-2018. Mais sans l’approbation de nouveaux projets d’exportation, la hausse importante de la demande résultera en une pénurie mondiale de GNL au début des années 2020.
Poussée par le dynamisme de ce marché, la demande en GNL des marchés émergents pourrait tripler ou même quadrupler d’ici 2030. Mais une offre insuffisante au début des années 2020, due à un manque de nouveaux investissements en exportation de GNL, causerait une hausse des prix, limiterait très probablement l’augmentation de la demande future et découragerait le développement d’un certain nombre de projets d’importation. Le rôle des institutions financières multilatérales, qui facilitent l’établissement de nouvelles capacités d’importation, deviendra crucial, particulièrement dans un contexte où la seule alternative au gaz pour la production d’électricité en base semble toujours être le charbon pour beaucoup de pays émergents.
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