Les politiques migratoires en France, en Italie et en Espagne : un système complexe d’interdépendances internes et régionales
Depuis la crise de l’accueil des migrants de 2015, la question migratoire est au cœur de l’évolution des débats politiques sur l’Europe. Cinq ans après, nous disposons aujourd’hui du recul nécessaire pour mieux saisir l’enchevêtrement entre les dimensions internes et externes des politiques migratoires européennes et les intérêts propres aux États membres.
Cette étude entend mettre en lumière l’enjeu des frontières internes et externes en comparant les relations entre trois pays – la France, l’Espagne et l’Italie – qui s’inscrivent dans un système de très forte interdépendance en matière de gestion des flux.
Du côté italien, l’arrivée de plus de 600 000 migrants entre 2014 et 2017 a créé une forte pression sur le gouvernement. Pour y répondre, M. Minniti, ministre de l’Intérieur (2016-2018), conçoit une stratégie centrée sur la réduction des départs de Libye et une réorganisation, plus restrictive, du système d’accueil italien, qui montre son efficacité à partir de 2017 en termes d’arrivées sur le territoire italien. Ce tarissement de la route de la Méditerranée centrale contribue à réorienter une partie des flux migratoires vers l’Espagne. Si, en 2016, environ 8 100 personnes sont arrivées en traversant la mer d’Alboran ou l’océan Atlantique, le chiffre triple quasiment en 2017 et atteint 58 500 en 2018.
Or, cette réorientation des flux n’est pas sans conséquences pour la France, qui constitue de fait une sorte de trait d’union entre la route de la Méditerranée centrale et celle de la Méditerranée occidentale. En 2019, la France est devenue le premier pays d’accueil de demandeurs d’asile en Europe. Une partie de ces demandeurs de protection internationale entre en France de façon irrégulière, en traversant les Alpes et les Pyrénées. L’une des conséquences a été de faire des frontières avec l’Italie et l’Espagne un enjeu des relations bilatérales que la France entretient avec ces deux pays.
D’une manière générale, les politiques migratoires de la France et de l’Italie cristallisent les soubresauts de la relation entre Rome et Paris. L’intensité des crispations à la frontière franco-italienne (qui a atteint une acuité inédite pendant le premier gouvernement Conte) est davantage de nature politique que la conséquence de la pression migratoire dans cette zone. La frontière franco-italienne est devenue progressivement le théâtre d’un affrontement de visions sur les intérêts nationaux et les ambitions européennes de chaque gouvernement. Au contraire, les incidents à la frontière franco-espagnole ont été utilisés dans le but de ressouder les liens entre Madrid et Paris. L’Espagne trouve dans les zones frontalières le long des Pyrénées un espace de relance de la coopération franco-espagnole en ligne avec les ambitions européennes du nouveau gouvernement.
Rome et Madrid ont impulsé des politiques spécifiques envers les pays de départ – Libye et Maroc – et envers les pays d’origine et de transit dans la bande sahélienne, en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Ces stratégies d’externalisation des politiques migratoires italiennes et espagnoles interfèrent significativement avec les intérêts français dans cette région. Cela crée des opportunités de coopération ou, à l’inverse, des tensions ou concurrences. Cette étude souligne que les tensions franco-italiennes et la coopération franco-espagnole observées aux frontières terrestres s'exportent en Méditerranée, en Afrique du Nord et dans le Sahel.
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