Le recyclage des batteries lithium-ion : un enjeu stratégique pour l'Alliance européenne des batteries
Le marché des véhicules électriques, s’il reste marginal, est en forte croissance. Selon l’Institut Français du pétrole et des énergies renouvelables (IFPEN), ces derniers représenteraient un peu plus de 2 % du marché des véhicules légers en 2019, en augmentation de 54 % par rapport à 2018 et environ 0,8 % du parc automobile mondial.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime de son côté que le marché de la mobilité électrique pourrait représenter entre 15 et 30 % des ventes de véhicules en 2030.
Or, si les industriels européens ont développé des véhicules tels que la Zoé (Renault) ou la i3 (BMW), ils sont fortement dépendants des entreprises asiatiques pour ce qui est de la fabrication des précurseurs des batteries électriques. L’Asie concentre plus de 90 % de la production mondiale, dont la moitié pour la Chine. La dépendance européenne n’est pas seulement liée à la fabrication des batteries, mais s’observe sur une grande partie de leur chaîne de valeur, de l’extraction et du traitement des matières premières à l’élaboration des procédés de traitement nécessaires à leur recyclage. Le marché du recyclage des batteries issues des petits objets électroniques (smartphones, ordinateurs, tablettes…) a en outre été drainé par les pays asiatiques. Ces déséquilibres ont été identifiés par la Commission européenne qui a lancé en 2017 l’Alliance européenne des batteries, dont le but est de rattraper une partie du retard accumulé sur les différents segments de la chaîne de valeur des batteries et notamment sur l’aspect du recyclage.
Le potentiel de recyclage des batteries dans l’Union européenne (UE) est significatif et représente un triple enjeu : environnemental, car le recyclage permet une économie d’énergie en comparaison de l’extraction minière ; économique, car le développement d’une infrastructure de recyclage et d’un écosystème industriel lié au stockage électrique permettra la création d’emplois et de valeur ; stratégique, car elle permettra la récupération de ressources minières que l’UE n’exploite pas sur son sol et qu’elle pourra réinjecter directement dans son industrie.
Cependant, les obstacles sont nombreux car le marché est encore incertain et peu mature. Le nombre de véhicules électriques est marginal et la plupart n’ont pas encore atteint leur fin de vie, ce qui laisse de nombreuses questions ouvertes. Quid de leur durée de vie, de leur collecte, de leur état et de leur adaptabilité aux processus de recyclage ? Le manque de connaissances à propos de la fabrication et de la composition des batteries est un frein à l’efficience des procédés de recyclage, voire même un danger pour les infrastructures. Malgré une croissance importante, le marché de la batterie est caractérisé par des évolutions technologiques rapides, qui ont une influence directe sur les matières premières utilisées. Elles-mêmes sont soumises à une certaine volatilité financière ce qui rend les investissements dans le recyclage incertain. Ainsi, le cobalt, considéré comme le métal le plus rentable à recycler, a vu son prix tripler entre 2017 et 2019, lequel a ensuite été divisé par quatre en quelques mois avant de remonter, sans pour autant retrouver des niveaux similaires. Par ailleurs, l’utilisation croissante du nickel, qui remplacera partiellement le cobalt à l’horizon 2021, oblige les entreprises à faire évoluer leur modèle économique, du second au premier nommé. Quid également d’une possible « seconde vie » pour ces batteries qui seraient alors utilisées pour des usages stationnaires ? Ces interrogations demeurent en suspens et ne pourront trouver leurs réponses qu’à travers une « pratique » de la filière recyclage par l’industrie européenne. Cette dernière souffre encore trop de l’absence d’acteurs d’envergure internationale (à l’exception d’Umicore) et d’un morcellement, voire même d’une absence de certains segments de la chaîne de valeur.
Il faudra donc lui donner les moyens réglementaires et financiers pour mettre en œuvre cette « pratique ». Ainsi, suivant les différentes étapes du cycle de vie de la batterie, la législation devra imposer des normes précises pour encourager la soutenabilité du modèle productif et l’intégration de l’industrie européenne. Pour cela, l’extraction responsable tant d’un point de vue environnemental qu’éthique, doit être privilégiée, tout comme la production de matières premières secondaires à travers le recyclage. Le traitement de ces dernières devra être facilité par des normes d’éco-design et d’éco-fabrication pour les batteries qui permettront la standardisation de leur fabrication et ainsi, la récupération des matériaux à moindres coûts. Cela supposera de repenser la cible du recyclage et sa comptabilisation, de réorganiser le système de collecte, de mettre en œuvre la certification des filières de collecte et de recyclage et, plus important, d’accélérer la révision de la directive batterie afin de l’adapter le plus rapidement possible aux nouveaux enjeux rencontrés par l’industrie. À l’heure actuelle, l’obligation de recyclage d’une batterie lithium-ion n’est que de 50 % alors qu’elle est de 90 % pour une batterie au plomb. Il faudra également adopter une approche en termes d’analyse de cycle de vie pour mesurer l’impact carbone d’une batterie lors de sa fabrication, de son utilisation ou encore lors de la gestion de sa fin de vie. Cela permettra de mieux contrôler les importations ayant une empreinte carbone trop élevée ou les exportations de batteries en fin de vie dans des pays ne respectant pas les standards environnementaux minimaux. Plus globalement, une vision systémique est nécessaire pour penser le cadre d’un écosystème industriel européen intégré, permettant la coopération horizontale d’entreprises, soutenues financièrement, législativement et stratégiquement par les États membres et la Commission européenne.
Cette étude est disponible en anglais uniquement: The Recycling of Lithium-Ion Batteries: A Strategic Pillar for the EU’s Battery Alliance
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