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Europe’s Black Mass Evasion: From Black Box to Strategic Recycling

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Visuel étude Gherasim et Michel
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Le recyclage des batteries de véhicules électriques (VE) est un élément essentiel pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne (UE) dans le domaine des chaînes de valeur des matières premières critiques. Pourtant, les évolutions récentes de la chaîne de valeur européenne des véhicules électriques, marquées par des annulations ou des reports de projets, tirent la sonnette d’alarme sur les perspectives de l’industrie du recyclage des batteries en Europe.

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© Audreycmk/Shutterstock.com
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Le recyclage des batteries recouvre des processus et des réalités complexes et quelque peu opaques, avec différentes étapes et des difficultés associées à la mise à l’échelle de toutes les étapes industrielles en parallèle. Le processus de recyclage commence par la collecte et la désactivation des batteries, avant qu’elles ne soient désassemblées et broyées, dans un processus appelé « prétraitement ». Cette étape de prétraitement produit une poudre noire communément appelée black mass. Le défi consiste ensuite à raffiner cette poudre (post-traitement) afin de récupérer ses métaux constitutifs, en particulier le nickel, le cobalt et le lithium. Normalement, les prix auxquels le lithium, le nickel et le cobalt provenant de sources primaires sont négociés sur les plateformes internationales dédiées (ex. London Metal Exchange) sont suffisamment élevés pour encourager leur recyclage, et leur présence dans le contenu de la black mass peut être utilisée pour lui attribuer une valeur, une estimation communément appelée dans l’industrie sous le nom de « payable ».

Actuellement, la pyrométallurgie (la fonte de la black mass pour produire un alliage métallique et éliminer les impuretés) et l’hydrométallurgie (réactions chimiques pour isoler les métaux à récupérer) sont les méthodes les plus courantes pour la récupération des matériaux, mais d’autres sont à l’étude, comme le recyclage direct. La comparaison de ces méthodes reste difficile, notamment en ce qui concerne la consommation d’énergie ou les émissions de gaz à effet de serre, notamment parce que les données et les analyses du cycle de vie sur ces questions sont rares et que les études existantes varient souvent dans leurs résultats. Les métaux récupérés sont ensuite purifiés pour arriver à une forme métallique (notamment pour une utilisation dans l’industrie métallurgique) ou transformés en sels de qualité batterie pour former de nouveaux matériaux de batterie, c’est-à-dire des précurseurs de cathode (pCAM) puis des matériaux actifs de cathode (CAM).

L’UE et les États-Unis tentent de développer leurs propres industries de recyclage (obligations du règlement européen sur les batteries concernant les taux minimaux de recyclage et de réincorporation ; cadre de soutien de l’IRA américain, etc.), ce qui s’avère particulièrement difficile pour la phase de post-traitement (récupération de matériaux à partir de la black mass). D’après les tentatives existantes de cartographie des capacités, l’Allemagne occupe une place importante dans le paysage européen en termes d’installations, avec de nombreux recycleurs nationaux. La Hongrie dispose également de capacités de recyclage importantes, notamment grâce à la présence du sud-coréen SungEel. Au-delà des acteurs sud-coréens, des entreprises nord-américaines ont installé des installations de prétraitement dans l’UE, tandis que les recycleurs chinois n’étaient pas présents jusqu’à présent. Alors que le marché de l’UE présente une part importante de recycleurs hors UE, l’Amérique du Nord est fortement dominée par des acteurs nationaux.

Le manque de données précises sur les capacités réelles installées en Europe est un problème majeur pour comprendre l’état du marché du recyclage de l’UE. Certaines études suggèrent que les capacités européennes de recyclage de la masse noire pourraient être d’environ 300 000 tonnes pour le prétraitement et 350 000 tonnes pour le post-traitement, tandis que les entretiens menés avec des industriels nous conduisent à évaluer les capacités cumulées de l’Europe à environ 200 000 tonnes, avec peu de capacités de post-traitement – des données anecdotiques qui semblent être confirmées par les différences de prix entre la black mass (« payables) sur le marché européen par comparaison à ceux en Corée du Sud (les prix de la black mass européenne étant systématiquement inférieurs à ceux de la Corée du Sud).

Bien que la black mass ait une valeur stratégique, un défi majeur réside dans le fait que la situation actuelle sur les marchés européens favorise les exportations de black mass en dehors des frontières de l’UE, notamment en Corée du Sud actuellement, avec des données anecdotiques indiquant que plus de 50 % de la black mass et des déchets d’usine quittent actuellement l’Europe. Cela s’explique par les obstacles majeurs à surmonter pour construire un modèle économique solide, à commencer par la nécessité de sécuriser les intrants (rebuts des gigafactories, batteries en fin de vie) et des contrats d’achat pour les matériaux récupérés (notamment vu le manque de production à l’échelle des pCAM et CAM au sein de l’UE), ce qui s’ajoute à la question des prix de l’énergie, des prix des matières premières, de la maîtrise des technologies et de la capacité à améliorer le degré de récupération des métaux et leur qualité.

Il est en pratique difficile d’avoir une vision claire des quantités précises de black mass exportées en raison de l’absence de classification harmonisée (i.e. produit ou déchet dangereux) utilisée pour désigner la black mass par les exportateurs dans chaque État membre, du manque de standardisation des concentrés de métaux secondaires et, en fin de compte, du manque de statistiques centralisées qui en résulte.

L’Asie domine largement le paysage mondial du recyclage des batteries, avec en tête la Chine qui représente 80 % des capacités de recyclage en prétraitement et post-traitement. La Corée du Sud joue également un rôle important, en tant que destination majeure de la black mass en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord, bien que les volumes et les flux concernés ne soient pas précisément documentés. Le commerce transfrontalier de déchets est régi par la convention de Bâle (1989), tandis que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a également établi un cadre de surveillance et de contrôle entre ses membres (1992), largement basé sur les dispositions de cette convention. Néanmoins, ces règles restent poreuses, et le statut de « déchet » ou de « déchet dangereux » dépend largement des législations nationales, qui interprètent la nature de la black mass en fonction des intérêts économiques du pays concerné.

La Chine était autrefois un importateur de black mass en provenance de l’UE et des États-Unis, mais le pays a instauré des restrictions d’importation sur une série de matières secondaires, la black mass étant également concernée, en 2013, pour des raisons environnementales. Les flux de black mass ont ensuite été redirigés vers d’autres pays d’Asie, notamment la Corée du Sud (qui est membre de l’OCDE et bénéficie donc de son cadre simplifié d’échange de déchets) et les pays d’Asie du Sud-Est. Malgré cela, la Chine a récemment montré sa volonté d’assouplir ces restrictions, probablement afin de sécuriser davantage l’approvisionnement de l’industrie chinoise du recyclage. De plus, les capacités de recyclage de la Corée du Sud ont récemment augmenté mais pas dans les mêmes proportions que l’approvisionnement en black mass. Son principal objectif à long terme semble donc être de sécuriser les flux entrants pour alimenter ses installations de post-traitement, le pays bénéficiant de son statut de membre de l’OCDE.

Le développement d’une industrie européenne du recyclage compétitive et résiliente apparaît aujourd’hui comme un défi à la mesure des ambitions de décarbonation de l’Europe. Pour y parvenir, quatre points semblent essentiels :

1. Développer une base de données précise et centralisée sur les flux de black mass et les capacités de recyclage (en faisant la distinction entre prétraitement et post-traitement) en Europe, pour permettre l'élaboration de politiques pertinentes par les pouvoirs publics ainsi qu’une compréhension précise du marché et de ses opportunités par les investisseurs.

2. Maximiser les efforts pour maintenir la black mass en Europe. Dans un premier temps, établir clairement que la black mass et les déchets de batteries ne peuvent être classés que comme déchets dangereux. Ensuite, l’UE devrait chercher à déployer un bouclier de protection proactif pour le secteur naissant du recyclage des batteries, qui devrait au moins prendre la forme d’une obligation pour les producteurs de black mass de donner la priorité aux installations de recyclage européennes, tout en soutenant la structuration de la production de pCAM et de CAM en Europe.

3. Renforcer le modèle économique du recyclage de masse noire en Europe par un ensemble combiné d'actions : inclure dans le prix de la batterie du VE une redevance pour le recyclage ; assurer la possibilité pour les acteurs du recyclage d'avoir des flux diversifiés pour leurs produits afin d'augmenter leur résilience à court terme ; créer un système européen d'échange des métaux recyclés (à un niveau de raffinage de base) pour créer une transparence sur les volumes disponibles et les prix mais aussi pour assurer que les métaux recyclés en Europe sont consommés au niveau domestique ; système de bonus/malus ; faciliter les flux de black mass entre les États membres de l'UE pour favoriser les économies d'échelle ; mettre en place des règles sur la conception des batteries et des VE qui favorisent le démontage et la recyclabilité.

4. Poursuivre, développer et soutenir la recherche sur le recyclage des batteries en Europe, pour permettre d’améliorer les techniques de post-traitement (pyrométallurgie, hydrométallurgie) (i.e. impact environnemental, consommation énergétique, mais aussi concernant d’autres composants des batteries et de nouvelles chimies), et construire l’écosystème de financement adéquat pour soutenir le passage à l’échelle des innovations.

 

Cette étude est disponible en anglais uniquement

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ISBN / ISSN

979-10-373-0950-1

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Diana-Paula GHERASIM

Intitulé du poste

Chercheuse, responsable des politiques européennes de l’énergie et du climat, Centre énergie et climat de l'Ifri

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Thibault MICHEL

Thibault MICHEL

Intitulé du poste

Chercheur, Centre énergie et climat de l'Ifri

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Énergie et Climat
Centre énergie et climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

Image de couverture de la publication
Couverture Politique étrangère 4-2024

Nouvelles géopolitiques de l'énergie - Politique étrangère, vol. 89, n° 4, hiver 2024

Date de publication
03 décembre 2024
Accroche

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Visuel étude Gherasim et Michel
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