Chine/États-Unis : l’Europe en déséquilibre

En amont de la visite d'Emmanuel Macron et d'Ursula von der Leyen en Chine, une vingtaine de chercheurs de l'Ifri décryptent les enjeux du triangle stratégique États-Unis/Chine/Europe.

Cette étude composée de 16 textes, fait suite à la visite à Pékin d’Olaf Scholz (novembre 2022) et précède celle d’Emmanuel Macron (avril 2023). Elle intervient surtout un an après le début d’un choc géopolitique et géoéconomique d’une rare ampleur : l’invasion de l’Ukraine par la Russie
La guerre d’Ukraine ou le retour de la géopolitique des blocs ?
La guerre d’Ukraine rompt durablement les liens entre l’Union européenne (UE) et la Russie, en particulier dans le domaine énergétique, mais elle a aussi des conséquences au Moyen-Orient, en Afrique et dans l’Indo-Pacifique. Cette guerre est surtout devenue le premier théâtre de la confrontation indirecte active entre les États-Unis, qui soutiennent militairement les Ukrainiens avec l’appui de leurs alliés européens, et la Chine, qui aide la Russie politiquement et économiquement. En février 2022, Moscou et Pékin ont déclaré leur « amitié sans limites » ; en mars 2023, Xi Jinping apporte son soutien personnel à Vladimir Poutine au lendemain du lancement à son encontre d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale.
Dans sa position sur le règlement politique de la crise ukrainienne présentée en février 2023, la Chine indique : « Il faut s’opposer à ce qu’un pays recherche sa propre sécurité au prix de celle d’autrui, prévenir la confrontation des blocs, et œuvrer ensemble à la paix et à la stabilité sur le continent eurasiatique ». Pas plus que les États-Unis, la Chine n’occupe une position de médiatrice. Il serait illusoire de le croire. C’est bien à un retour de la géopolitique des blocs auquel on semble assister, mais dans un contexte fort différent de celui de la guerre froide (1947-1991). La mondialisation a en effet produit d’étroites interdépendances économiques et technologiques qui rendent toute perspective de découplage exorbitantes, voire impossible. Les partenaires économiques ne sont plus forcément des alliés militaires, et réciproquement. Autrement dit, un fossé s’est creusé entre perceptions géopolitiques et réalités géoéconomiques.
Le terme de découplage est en vogue aux États-Unis, mais beaucoup moins ailleurs. Le refus de la logique des blocs est particulièrement vif en dehors du camp occidental, où une approche « pragmatique » est souvent mise en avant. Le ministre des Affaires étrangères saoudien l’a clairement exprimé lors de la World Policy Conference en décembre 2022 : « La polarisation est la dernière chose dont nous ayons besoin aujourd’hui ! […] Nous devons construire des ponts, renforcer les connexions et trouver des secteurs de coopération ». Quelques mois plus tard, c’est la Chine qui réalisait un coup diplomatique de premier ordre en servant d’intermédiaire au rétablissement des relations entre Riyad et Téhéran.
Pour l’UE, la situation est particulièrement délicate : l’Europe appartient au monde occidental, mais une rupture avec Pékin serait économiquement redoutable. En 2022, la Chine représentait plus de 20 % des importations des différents membres de l’UE, et les États-Unis environ 12 %. À l’horizon 2030, les prévisions du produit intérieur brut s’élèvent à 20 500 milliards de dollars pour l’UE, 30 500 milliards pour les États-Unis et 33 700 milliards pour la Chine. En janvier 2023, la présidente de la Commission européenne déclarait à Davos : « Nous aurons encore besoin de travailler et de commercer avec la Chine […]. Nous devons donc nous concentrer sur la réduction des risques plutôt que sur le découplage ». De son côté, Pékin encourage les velléités européennes d’« autonomie stratégique », comprises en Chine comme une forme de distanciation à l’égard des États-Unis. Parallèlement, l’UE ne cesse de resserrer ses liens militaires, technologiques, financiers et énergétiques avec ces derniers.
Cette étude collective constate une hypothétique recherche d’équilibre de la part des Européens, qui se trouvent face à une guerre sur leur territoire – péninsule occidentale de la plaque eurasiatique –, qui ne peuvent se soustraire ni aux mécanismes sino-américains ni au soutien à l’Ukraine, et qui ne forment pas un ensemble monolithique.
Elle analyse également la stratégie de plusieurs acteurs importants en dehors de notre continent, et montre que, de l’Ukraine à Taïwan, en passant par l’Afrique et le Moyen-Orient, les Européens disposent d’une étroite marge de manœuvre. C’est pourquoi elle propose des recommandations pour tenter, à un moment crucial, de renforcer leur positionnement.
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