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Tremblement de terre au Sichuan : nouvelle étape vers la reconnaissance de la société civile

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Tremblement de terre au Sichuan : nouvelle étape vers la reconnaissance de la société civile
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Le tremblement de terre qui a frappé la Chine le 12 mai a eu un impact important sur la société et le monde politique. On avait pu juger la crise tibétaine gérée avec quelque maladresse, une stratégie de communication datée ne correspondant déjà plus à la réalité chinoise. Au sein même de la direction, des débats ont pu surgir à cette occasion qui n"étaient pas visibles de l"extérieur. La rapidité du changement de pied des autorités chinoises pour la gestion de la crise actuelle, témoigne du même grand pragmatisme dont la Chine sait faire preuve dans le domaine économique, et démontre l"existence de ces débats, tout comme la capacité des dirigeants chinois à trancher dans le bon sens face à des enjeux dont ils ont parfaitement conscience, comme l"avait démontré le XVIIème congrès du PCC.

Tout a été géré habilement et avec humanité dans cette crise. Alors que le nombre des victimes augmentait dramatiquement, les plus hauts dirigeants du pays, dans leur fonction de représentants de l"Etat plus que du parti - Wen Jiabao d"abord dont c"est le rôle traditionnel, puis Hu Jintao et Li Keqiang - se sont rendus sur place, dans des conditions difficiles. Les images de la proximité des dirigeants vis-à-vis de la population se sont ainsi multipliées. Xi Jinping, porte-parole des intérêts des provinces côtières les plus riches, et dont la prééminence vient de sa position hiérarchique dans le Parti, a lui été moins présent. Mais il est sans doute trop tôt pour voir là le signe d"une réorientation au profit de “ populistes ” qui, à l"issue du XVIIème Congrès, avaient dû composer avec la tendance plus économiquement libérale des “ héritiers ”.

Autour du thème confucianiste de la société harmonieuse, trois jours de deuil national ont été décrétés par un pouvoir qui entend souligner son lien quasi organique avec la nation chinoise, dans sa dimension historique et culturelle.

Il y a bien sûr là aussi une volonté de couper court aux critiques éventuelles. Les dirigeants chinois ont conscience des attentes très grandes - souvent déçues - de la population. Le Sichuan est précisément une région où les “ oubliés de la croissance ” sont nombreux et qui a été le théâtre de protestations virulentes. Mais l"attitude des dirigeants chinois relève aussi d"un acte de contrition public devant l"ampleur de la tragédie. En direct à la télévision chinoise, on semblait assister à une prise de conscience : celle de la nécessité urgente et absolue pour le régime de vraiment “ servir le peuple ” (wei renmin fuwu), selon l"expression inscrite au fronton de Zhongnanhai[1]. Plus encore, alors que nombres d"analyses insistaient sur l"absence d"idéal de la population urbaine, la plus aisée en Chine, un extraordinaire mouvement de mobilisation s"est amorcé. Le rôle des ONG, souvent critiquées mais de plus en plus actives en Chine notamment dans le domaine de l"environnement, a été mis en valeur. Les représentants des classes les plus privilégiées se sont également mobilisés pour organiser des donations très importantes, “ à l"américaine ”. Tous phénomènes qui témoignent de la soudaine entrée de la Chine dans une société internationale commune, balayant la question du relativisme des valeurs et signant la reconnaissance d"une société civile en pleine émergence. Alors que les chaînes d"Etat multipliaient les reportages, les journalistes s"exprimaient en direct selon un modèle directement inspiré de CNN. Les quotidiens chinois eux-mêmes se sont fait l"écho de l"inquiétude des populations face aux risques d"épidémies, de rupture des barrages, ou de leurs interrogations devant la qualité de la construction des écoles, particulièrement touchées par le tremblement de terre. Hu Jintao, qui dénonçait dans son rapport au XVIIème congrès la corruption, risque majeur pour le régime chinois, a demandé des enquêtes : là aussi la prise de conscience de l"urgence du problème est évidente. L"armée de son côté, avec les moyens dont elle dispose et qui demeurent à l"évidence limités, a joué un rôle majeur dans les opérations de secours. Comme dans le cas des forces d"autodéfense du Japon, dont le rôle “ civil ” est toujours souligné, on pourrait assister en Chine à une réorientation du discours officiel dans un sens plus conforme au principe de “ l"émergence pacifique ”.

Enfin la fièvre olympique elle-même, omniprésente dans les déclarations officielles et les médias jusqu"au tremblement de terre, semble s"être apaisée. Le parcours de la flamme a été suspendu pendant la période de deuil, pour répondre aux attentes d"une partie de la population qui, dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre, avait protesté sur certains sites internet devant les images souriantes et apparemment imperturbables des athlètes portant la flamme en triomphe.

A plus long terme, le tremblement de terre du Sichuan sera peut-être perçu comme le révélateur d"une société chinoise prête pour des réformes politiques que les dirigeants, tout en étant conscients des enjeux, hésitent à mettre en œuvre. Il ne s"agirait pas ici d"un bouleversement fondamental du système, mais d"ouvrir la porte à une évolution graduelle, du type de celle qu"ont connue les différentes sociétés asiatiques, depuis leur engagement, dans les années 1970, sur la voie du développement économique. Il s"agirait en quelque sorte d"une “ normalisation ” de la Chine. Cette capacité d"adaptation permettrait de distinguer la Chine d"Etats de la région dont elle était proche - au premier rang desquels la Birmanie, qui offre aujourd"hui, au monde, mais aussi sans doute aux yeux des dirigeants chinois, l"image négative d"un régime refusant de s"ouvrir aux attentes internationales et à celles de sa propre population. Cette évolution, favorable à l"apaisement, pourrait avoir des conséquences considérables sur les relations de la Chine avec ses voisins, comme avec le reste du monde et contribuer à un bouleversement majeur des équilibres internationaux.

 

Valérie Niquet est directeur du Centre Asie Ifri.

 

[1] Quartier de résidence des hauts dirigeants de l'Etat et du Parti communiste chinois. Le terme tend à désigner par métonymie la sphère du pouvoir

 

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