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Quelle politique énergétique dans un environnement aussi incertain ?

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Les politiques énergétiques ont toujours été déterminées en fonction du paysage économique et énergétique mondial qu’on pouvait anticiper. Au siècle dernier, le contexte semblait prévisible et stable, et les moyens à mettre en œuvre étaient clairs. Aujourd’hui, le secteur de l’énergie se trouve confronté à un environnement qui n’a jamais été aussi incertain.

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Pendant les Trente Glorieuses, les politiques énergétiques étaient fondées sur une croissance économique forte et de plus en plus vorace en énergie : rappelons que la consommation d’électricité croissait à l’époque à un rythme de 7 % par an ! L’approvisionnement énergétique dépendait des ressources pétrolières dont les découvertes se multipliaient, en particulier dans les pays du Moyen-Orient. Les politiques énergétiques menées au niveau national visaient essentiellement à renforcer la sécurité des approvisionnements. Certes il y avait des débats, notamment sur l’origine de la production électrique (thermique ou hydraulique), sur la production nationale de charbon ou son importation, ou sur les choix de la filière nucléaire… S’il y avait des désaccords d’intérêt, il n’y avait pas d’état d’âme sur les orientations générales.

Le premier choc pétrolier a fait entrer le monde dans une nouvelle ère. L’avenir qui se dessinait suscitait des inquiétudes, mais il y avait consensus sur les perspectives à long terme et sur les moyens à mettre en œuvre. On mettait alors en avant le caractère épuisable des ressources d’hydrocarbures (cf. le rapport du Club de Rome) ainsi que leur forte insécurité. Les prix du pétrole allaient augmenter inexorablement : ne prévoyait-on pas à l’époque un prix du pétrole à 500 $ par baril avant la fin du siècle ?

La vision essentiellement nationale de la politique énergétique s’est ensuite progressivement élargie au niveau européen et mondial. L’embargo de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) imposait une réaction forte des pays de l’OCDE qui à l’époque consommaient l’essentiel de l’énergie mondiale. Ainsi, dès 1974 les pays de l’OCDE créent l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui garantit une solidarité des pays consommateurs en réponse à l’embargo de l’OPEP. La politique mise en œuvre était partagée par ces pays : développement des économies d’énergie, relance des productions nationales (par exemple en mer du Nord), diversification des sources d’énergie (gaz, charbon, nucléaire) etc.

Le deuxième choc pétrolier n’a fait que renforcer ces orientations et les politiques adoptées ont été couronnées de succès : baisse de l’intensité énergétique, augmentation de la production non-OPEP, développement du gaz naturel, du charbon et du nucléaire. Une période de relative stabilité de la scène énergétique mondiale s’en est suivie pendant les années 1990. À côté de ces préoccupations de sécurité énergétique, sont ensuite apparues d’autres dimensions telles que la protection de l’environnement et le développement de la concurrence.

À partir des années 2000, le contexte est devenu plus complexe et les incertitudes se sont multipliées. La scène énergétique s’est mondialisée, bien au-delà des acteurs traditionnels, et de nouvelles dimensions doivent désormais être prises en compte.

Une nouvelle donne géopolitique a émergé tant au niveau de la demande que de l’offre. Les moteurs de la scène énergétique ne sont plus uniquement liés aux acteurs traditionnels : la demande d’énergie mondiale est désormais tirée par les pays non-OCDE dont la part dans la consommation passera de 45 % en 1990 à près de 70 % en 2040 : c’était la Chine hier, l’Inde demain. La révolution des hydrocarbures non conventionnels a bouleversé les rapports de force bien établis sur les marchés mondiaux du pétrole et du gaz. La production de pétrole de schiste aux États-Unis pèse sur le marché pétrolier mondial, alors que les exportations de GNL américain modifient en profondeur la structure du marché gazier mondial. La situation politique au Moyen-Orient crée en outre une incertitude majeure à court terme. La catastrophe de Fukushima modifie les perspectives de développement du secteur nucléaire. Enfin, le développement des énergies renouvelables transforme en profondeur le secteur électrique.

Les préoccupations environnementales prennent une place croissante sur la scène énergétique mondiale. C’est en particulier le cas du changement climatique. Si l’importance de la dimension environnementale est incontestable, il ne faut pas oublier les autres aspects du développement durable, dans ses dimensions économiques et sociales. La place de chaque dimension de ce « Trilemme » est différente d’un pays à l’autre. La prise en compte de ces divers objectifs conduit parfois à des incohérences comme on le constate en Europe.

L’énergie est aussi confrontée, comme tous les secteurs économiques, à la révolution du numérique qui est un game changer majeur. On est loin de mesurer l’ampleur des changements induits dans le secteur énergétique. De nouveaux besoins émergent, de nouveaux acteurs apparaissent (les « GAFA »). De nouvelles technologies sont disponibles qui contribuent, avec les renouvelables, à une décentralisation progressive du système énergétique : le consommateur devient acteur (« consomacteur »). La politique énergétique n’est plus seulement l’apanage des États, nécessitant alors la mise en place d’une nouvelle gouvernance.

Les débats se complexifient par la multiplication des acteurs. Il n’y en a plus deux, l’AIE et l’OPEP, comme dans les années 1970 mais ce sont 200 États qui défendent des intérêts divergents. Les ONG et la société civile interviennent de plus en plus activement. Dans certains cas, les débats deviennent idéologiques et la rationalité économique passe souvent au deuxième plan…

Les interrogations sur la croissance économique mondiale renforcent ces incertitudes. Les signaux prix sont incertains : c’est bien entendu le cas du pétrole, du gaz et du charbon. Si tous s’accordent sur la nécessité d’avoir un signal clair sur le prix du carbone, les espoirs passés n’ont pas encore été couronnés de succès. Les solutions passent par la mise en œuvre de politiques volontaristes. Mais les mesures les plus simples et efficaces ont été déjà mises en œuvre. De plus, contrairement aux défis rencontrés au siècle dernier, il n’existe pas de politique unique qui puisse convenir aux contraintes de chaque pays. Il suffit pour s’en convaincre d’analyser la diversité des contributions nationales (INDC) qui ont été soumises en amont de la COP21. Certains mettent en avant les avancées technologiques qui sont présentées comme des panacées, mais rien ne garantit que les technologies en cours de développement trouveront un business model qui permettra leur déploiement à grande échelle. L’histoire est pavée de technologies d’avenir qui n’ont pas débouché. Encore faut-il que la communauté internationale investisse suffisamment dans ces technologies, ce qui à l’évidence n’est pas le cas aujourd’hui.

Il subsiste enfin l’hypothèse d’un changement drastique du mode de consommation de l’énergie. Comment décréter de nouveaux modes de vie, en particulier dans les pays en développement confrontés au défi de la croissance de leur population et de l’amélioration de leur niveau de vie ?

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Olivier APPERT

Intitulé du poste

Conseiller, Centre énergie et climat de l'Ifri

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Énergie et Climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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