Pour la vérité des prix de l'énergie aux consommateurs
L"un des objectifs de l"Etat-protecteur est d"améliorer le niveau de vie des plus démunis dans la société, mais depuis l"origine, deux moyens sont en concurrence : la modulation d"impôts ou de subventions sur le revenu global de chaque ménage ou la fourniture directe de biens ou de services gratuits ou à tarif réduit. La théorie économique du welfare recommande en général le premier moyen, car le second fausse les choix des ménages et les conduit à ne pas prendre en compte le coût des ressources rares nécessaires à la production de chaque bien et service, coût que sous certaines hypothèses le prix représente.
Le dilemme du choix entre les deux moyens est en train de devenir particulièrement aigu dans le secteur de l"énergie compte tenu de la hausse et de la volatilité des prix des énergies primaires et secondaires et de la nécessité d"améliorer l"efficacité de l"utilisation de l"énergie.
On peut observer en effet plusieurs situations dans le monde où le prix de l"énergie pour les consommateurs est fixé à des niveaux inférieurs à son coût, l"assistance sociale était jugée plus importante que la gestion économique de la ressource.
(1) Dans de nombreux pays du tiers-monde où l"électricité est considérée comme un bien essentiel, les gouvernements accordent des subventions aux exploitants pour maintenir des tarifs bas inférieurs aux coûts. C"est cette politique qui, dans certains cas, a empêché des exploitants électriques des pays développés de pouvoir installer et gérer des IPPs (centrales électriques indépendantes) en apportant des investissements et des technologies nécessaires à la croissance du système électrique. Faute de garanties sur les prix futurs, le risque de non-rentabilité était trop élevé.
Pour les zones rurales n"ayant pas encore accès à l"électricité, le paiement par l"Etat des infrastructures peut se justifier, mais on devrait s"efforcer d"habituer les consommateurs à acquitter le coût proportionnel de kwh.
(2) Dans des pays producteurs de gaz naturel (et parfois de pétrole), les gouvernements maintiennent des prix intérieurs très faibles n"ayant aucun rapport avec les cours internationaux. Ils incitent ainsi au gaspillage d"une ressource rare et découragent tout effort d"amélioration de l"efficacité dans l"utilisation des hydrocarbures.
Dans ces deux premières catégories de cas, les gouvernements devraient progressivement relever les prix intérieurs pour les aligner sur les coûts ou les cours mondiaux en substituant d"autres formes de transfert aux subventions énergétiques.
(3) Reste le cas de pays (en Europe en particulier, et notamment en France) où la hausse du prix des produits pétroliers menace la rentabilité de certaines professions (transporteurs routiers) et même leur existence (pêcheurs par exemple).
Il faut d"abord que ces professions puissent en permanence répercuter sur leurs acheteurs les hausses de coût. Il n"y a pas si longtemps que les transporteurs routiers se plaignaient d"être liés par des contrats annuels fixant leurs tarifs de livraison. Il était évident que dans ce cas, il valait mieux invalider ces clauses plutôt que de subventionner les consommations de gazole. De même, le prix du poisson doit aujourd"hui croître et ne pas se heurter à des quasi-monopsones, c"est-à-dire des monopoles d"achat. Naturellement, la hausse des prix engendrera une baisse de la demande. D"où la nécessité de développer la recherche pour que l"activité ait à sa disposition des technologies modernes utilisant toutes les énergies envisageables dans les meilleures conditions. Si ces mesures sont insuffisantes, il faudra internationalement faire face à la reconversion de l"activité en essayant de rendre cette reconversion socialement la moins douloureuse possible. Mais n"oublions pas la leçon : aucun gouvernement n"a réussi à maintenir durablement une activité dont les coûts n"étaient pas couverts par les consommateurs.
Ainsi, gérer la transition énergétique, c"est aussi s"assurer que dans toutes les régions du monde, les politiques de prix aux consommateurs reflètent les coûts, quitte à accroître les aides directes aux revenus des plus défavorisés.
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