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Organiser la "transition énergétique" : les leçons du "tournant" allemand pour le débat français

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Organiser la "transition énergétique": les leçons du "tournant" allemand pour le débat français
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Alors que s'est ouvert le débat sur la transition énergétique en France, quels enseignements peut-on tirer de la sortie du nucléaire en Allemagne, compte tenu des relations énergétiques au sein de l'Union européenne ?

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Malgré une forte volonté politique, l'Energiewende ("tournant énergétique") est fortement pénalisé par l'état du réseau électrique allemand. En l'absence de lignes de transmissions du nord - où la production d'électricité d'origine éolienne augmente régulièrement - vers le sud - où se situent les principaux centres de consommation -, les flux d'électricité se dirigent... vers l'est, mettant en péril la stabilité des réseaux tchèque et polonais.

Prague et Varsovie ont même menacé d'installer des déphaseurs à leurs frontières pour ne recevoir que l'électricité qui leur serait nécessaire, à l'encontre de la construction d'un marché de l'électricité européen !

Les besoins de lignes électriques à haute tension ne sont pourtant pas nouveaux en Allemagne. Déjà en 2009, 1 800 km de lignes nouvelles étaient planifiés, dont quatre "autoroutes de l'électricité" sur un axe nord-sud. Seuls 214 km ont été construits à ce jour. Il faudrait également moderniser 4 400 km de lignes existantes.

20 MILLIARDS D'EUROS

Les gestionnaires de réseau allemands estiment le montant des investissements dans le seul réseau électrique à 20 milliards d'euros. Les raisons du retard pris dans la modernisation du réseau relèvent de la lenteur des procédures, mais surtout des fortes oppositions locales.

Le coût de la transition énergétique est désormais très présent dans le débat public allemand. La grande industrie allemande reste exempte du surcoût dû au développement des énergies renouvelables, ce qui fausse le jeu de la concurrence à l'échelle européenne, notamment pour les industries fortement consommatrices d'énergie. Les ménages en supportent en réalité la majeure partie : le coût de l'électricité est, pour eux, deux fois plus élevé qu'en France.

Jusqu'à quel point l'engagement citoyen en faveur d'une énergie verte primera-t-il sur les considérations économiques ? C'est sans doute une question qui mérite d'être posée, mais qu'il faut replacer dans un contexte plus large. En effet, il est certainement plus facile d'absorber une augmentation des factures d'électricité lorsque, comme en Allemagne, le coût de l'accès à la propriété et les loyers représentent une part plus faible du revenu des ménages qu'en France...

Par ailleurs, l'investissement dans l'isolation des logements contribue à renchérir le parc immobilier. En France, l'Union française de l'électricité (UFE) estime à 20 milliards d'euros par an, d'ici à 2020, les investissements que devraient consentir les consommateurs finaux pour améliorer l'efficacité énergétique (et on reste loin des objectifs de Grenelle, inatteignables dans l'état actuel des politiques publiques).

FREIN MAJEUR

La question du financement reste un frein majeur aux économies d'énergie, et on ne peut se permettre de se tromper de priorité. Les nouvelles réglementations thermiques qui pénalisent l'usage de l'électricité dans les bâtiments neufs, en principe bien isolés, alors que, dans ce cas, le chauffage électrique est deux fois plus performant que la moyenne du parc, en sont un exemple frappant.

C'est plutôt l'identification des bâtiments énergivores et, plus généralement, des réservoirs réellement accessibles à la fois sur le plan technique et financier, qui permettra la réalisation des potentiels d'économie d'énergie.

L'Allemagne semble prête à assumer le coût du Energiewende. Pour ce faire, elle s'appuie en moyenne et dans un premier temps sur des importations d'électricité, notamment d'origine nucléaire, qui lui assurent une fourniture à moindre coût de ses besoins de base.

Elle a également tout intérêt à augmenter les coûts de production d'électricité des pays voisins en insistant, au niveau européen, sur l'imposition de mesures de sûreté toujours plus contraignantes dans le cas du nucléaire (son industrie n'est plus concernée) et en militant pour des objectifs toujours plus ambitieux sur la part des énergies renouvelables, sans que, dans l'état actuel des réseaux, on en retire un effet bénéfique en termes de réduction des gaz à effet de serre.

INCONVÉNIENTS DES DISPOSITIONS EUROPÉENNES

Cela renforce les inconvénients des dispositions européennes qui ne mettent pas les coûts au centre des politiques énergétiques et ne tiennent pas compte des horizons de maturité des nouvelles technologies. Ce qui a entraîné un revirement spectaculaire des politiques de soutien des gouvernements, avec des conséquences désastreuses sur ces industries nouvelles.

Une coordination des politiques française et allemande autour du rôle du nucléaire français dans le bouquet européen et sur la place des gaz de schistes en Europe (l'Allemagne y est favorable !) pourrait permettre de mieux informer l'opinion publique et d'orienter les politiques européennes vers la création d'une solidarité entre pays, plutôt que sur l'établissement d'un marché intérieur qui ne peut fonctionner efficacement compte tenu de la liberté laissée aux Etats de leurs investissements de production d'énergie.

Il ne faut pas oublier que la diminution de la part du nucléaire en France se traduira par une augmentation des importations de gaz, aggravant la facture énergétique française qui représente 90 % du déficit de la balance commerciale.

En matière de transition énergétique, il serait mensonger d'occulter, dans le débat en cours, les coûts, les ordres de grandeur et les horizons temporels.

Texte paru dans Le Monde Économie, 11 décembre 2012
 

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Énergie et Climat
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Le Centre énergie et climat de l’Ifri mène des activités et recherches sur les enjeux géopolitiques et géoéconomiques des transitions énergétiques. Il travaille à la fois sur les enjeux de sécurité énergétique, de compétitivité, de maîtrise des chaînes de valeur, et d'acceptabilité. Spécialisé dans l’étude des politiques européennes de l’énergie et du climat, et des marchés de l’énergie en Europe et dans le monde, ses travaux portent aussi sur les stratégies énergétiques et climatiques des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. Il offre une expertise reconnue, enrichie de collaborations internationales et d'événements à Paris et à Bruxelles, notamment.

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