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L'offensive africaine de la Chine

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L'offensive africaine de la Chine
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Le président Hu Jintao s'est rendu pour la troisième fois depuis 2004 en Afrique, voyage particulièrement riche en ce qui concerne le nombre de pays visités, Cameroun, Liberia, Soudan, Zambie, Namibie, Afrique du Sud, Mozambique et Seychelles.. Pékin confirme ainsi, après le sommet sino-africain organisé dans la capitale chinoise à l'automne 2006, l'importance prise - ou reprise - par l'Afrique dans sa stratégie extérieure.


Cette politique africaine de la Chine s'appuie sur un socle solide, celui de la coopération révolutionnaire sino-africaine qui remonte aux années 1960-70. A l'époque, la Chine maoïste, cherchant à rivaliser avec " l'hégémonisme soviétique ", avait établi des liens solides avec plusieurs pays africains autour d'une thématique révolutionnaire et anti-colonialiste partagée. De cette époque demeurent de nombreux projets de coopération, dont le fameux chemin de fer Tanzam.

La Chine ensuite s'est repliée sur les nécessités de son propre développement, mais depuis le début des années 2000, Pékin s'intéresse à nouveau de très près à l'Afrique. Les raisons de cet intérêt sont multiples et complexes. La question de la reconnaissance de Taiwan a longtemps constitué un enjeu majeur, c'est beaucoup moins le cas aujourd'hui, même si la vigilance reste de mise à Pékin, alors que la Chine semble l'avoir emporté. En 1996 l'Afrique du sud, alliée symbolique de Taipei reconnaissait la RPC et en 2006, dernier des grands pays africains, le Tchad, voisin du Soudan allié de la Chine et confronté à des tensions croissantes, reconnaissait à son tour le régime de Pékin.

Mais l'Afrique, diplomatiquement, demeure essentielle en raison du nombre de voix représentées à l'ONU, soigneusement comptabilisées par les autorités chinoises. Sur l'ensemble des questions qui vont des droits de l'homme aux grandes négociations commerciales en passant par la nomination d'une Chinoise à la tête de l'OMS, et le rejet d'une candidature du Japon au conseil de sécurité de l'ONU, le poids des votes africains s'avère très utile aux intérêts de Pékin.

Au niveau stratégique, la Chine dont la croissance demeure particulièrement gourmande en énergie et en matières premières trouve en l'Afrique un nouveau " grenier " où s'approvisionner en pétrole, minerais, bois d'œuvre et même produits agricoles grâce au rachat, par des intérêts chinois, de nombreuses terres agricoles notamment au Zimbabwe.

L'Afrique enfin pour la Chine est un marché immense, ouvert sans contrainte aux produits chinois de grande consommation dont la piètre qualité est compensée par un coût adapté au pouvoir d'achat des pays africains. Les échanges sino-africains connaissent donc un nouveau record, ne dépassant pas 10 milliards de dollars en 2000 ils atteignaient 40 milliards de dollars en 2005 puis 55 milliards de dollars en 2006 et l'objectif de 100 milliards de dollars en 2015 pourrait être atteint. Qui plus est, et c'est une nouveauté, ces échanges globalement sont positifs en faveur de l'Afrique, même si, au niveau bilatéral, ça n'est le cas que pour les pays fournisseurs d'énergie ou de matière première.

Les pays africains sont également progressivement conquis par les grandes entreprises chinoises de bâtiment et travaux publics ou de télécommunication, dont les coûts particulièrement bas et une attention très limitée aux prises de risque, constituent une concurrence majeure pour les grandes entreprises occidentales traditionnellement présentes dans ce secteur.

Mais la Chine en Afrique a également pu jouer du relatif retrait de l'Occident qui, après la fin de la guerre froide et la disparition de l'URSS, et alors que l'importance stratégique de l'Afrique diminuait, a progressivement assorti ses programmes d'aide de conditions liées à l'amélioration des règles de gouvernance et de la démocratie. La Chine aujourd'hui, qui dispose de moyens nouveaux, est donc apparue comme un recours face à cette nouvelle exigence occidentale.

Le montant de l'aide chinoise à l'Afrique est aujourd'hui significatif. Une promesse d'aide de 3 milliards de dollars a été faite avant le départ de Hu Jintao pour le continent Africain, qui devrait être doublée avant 2010. Cette aide, selon un principe constamment réitéré par Pékin, est accordée " sans conditions " c'est à dire sans " ingérence dans les affaires intérieures " des pays africains. Mais cette caractéristique chinoise de la politique d'aide au développement en Afrique entre en contradiction avec la volonté de Pékin d'apparaître sur la scène internationale comme une puissance responsable, attachée aux règles du multilatéralisme. L'Union européenne notamment, souhaiterait voir la Chine accepter un dialogue stratégique plus approfondi portant notamment sur les effets pervers de sa stratégie d'aide à l'Afrique.

L'aide chinoise au Zimbabwe, sans conditions, avec la négociation d'un nouveau prêt de 2 milliards de dollars, suscite des interrogations. La politique de la Chine au Soudan est mise en cause. Pékin, après avoir construit l'industrie soudanaise du pétrole, importe plus de 65 % de la production de pétrole. La Chine est aujourd'hui, comme dans le cas de la Corée du Nord ou de la Birmanie, le premier soutien du régime soudanais, au travers notamment d'une aide militaire qui s'applique également au Darfour. En revanche, en dépit des pressions exercées par la communauté internationale, Pékin refuse de revenir sur sa politique de rejet des sanctions et insiste sur la nécessité d'un accord des autorités soudanaises pour l'envoi de troupes de l'ONU.

La Chine rencontre également des difficultés dans un certain nombre de pays africains où ses intérêts se sont renforcés et, de plus en plus, les accusations de néocolonialisme s'expriment avec force. Le président Sud-Africain M'Beki a ainsi dénoncé ce néocolonialisme chinois qui voit Pékin n'acheter à l'Afrique que des matières premières, créant une nouvelle économie de rente mais interdisant l'émergence d'une industrie locale en submergeant le continent de produits bon marché, notamment textiles.

En Zambie, autre pays visité, les pratiques chinoises d'exploitation des mines ont occasionné des grèves et de violentes manifestations et la Chine était devenu un enjeu des élections présidentielles au mois de décembre 2006. Enfin, au Nigeria, des ingénieurs chinois ont été enlevés et Pékin n'est plus à l'abri d'attaques jusqu'alors réservées aux pays du Nord.

L'Afrique apparaît donc pour la Chine comme un immense terrain d'opportunités et de richesses à exploiter, rendu d'autant plus attractif par ses vulnérabilités et son isolement international. Pékin toutefois voit aujourd'hui sa stratégie africaine contestée non seulement par les anciens partenaires occidentaux de l'Afrique mais également en Afrique même, notamment dans la population. Les déclarations du président Hu Jintao au cours de ce voyage permettront de mesurer le degré de pragmatisme et la capacité d'adaptation d'un régime chinois toujours tenté par le bilatéralisme et la politique de puissance, mais également soucieux de son image sur la scène internationale.

 

Valérie Niquet est directeur du Centre Asie Ifri.

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