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L'Inde courtisée

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L'Inde courtisée
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En moins de deux semaines, le président Chirac, puis le président Bush se sont succédé à New Delhi. À la fin du mois de février, et avant de recevoir également le président américain, Pervez Musharraf, le président pakistanais, se rendait de son côté à Pékin. La multiplication de ces visites de très haut niveau dans la région témoigne des enjeux économiques, bien entendu, mais également stratégiques, qui gouvernent l'ensemble de la zone bien au-delà du cadre sud-asiatique.

L'Inde, dont la croissance en 2005 a atteint 8%, fait partie de ces puissances émergentes que le monde -et tout particulièrement la France- découvre. À Paris, l''affaire Mittal' a brusquement mis sur le devant de la scène ces grands groupes indiens ou assimilés dont Mittal Steel est loin d'être l'unique représentant. Cependant la croissance indienne, longtemps sous-estimée, à l'aune de la croissance chinoise, signifie aussi croissance de la consommation, portée par l'émergence d'une classe moyenne très ouverte sur le monde extérieur, et développement des infrastructures. En 2006, l'Inde prévoit ainsi d'accélérer considérablement le rythme de construction des infrastructures, notamment routières et autoroutières. Les besoins sont colossaux, l'ensemble des grandes entreprises du BTP, de l'énergie, de la gestion des ressources, de l'aéronautique mais également de l'agroalimentaire ou du luxe sont intéressées. Les échanges entre la France et l'Inde, qui n'ont été que d'à peine 3 milliards de dollars en 2005 doivent se développer et des signes extrêmement positifs ont d'ores et déjà été donnés avec l'achat -entre autres- d'une centaine d'Airbus en 2005.

Toutefois la dimension politique et stratégique est loin d'être absente, y compris pour la France, et plus encore aujourd'hui pour les États-Unis. Avec Paris, qui avait fait preuve de compréhension à la suite des essais nucléaires indiens de 1998, mais aussi avec l'Union européenne (UE), le 'partenariat stratégique' amorcé en 2004 s'est apporfondi, témoignant de la maturation de la politique étrangère de l'UE et de ses États membres, qui prennent aujourd'hui mieux en compte le caractère multipolaire de l'Asie.

Dans le cas des États-Unis, il s'agit véritablement d'un choix stratégique, amorcé dès le printemps 2000 par le président Clinton et considérablement approfondi après les attentats du 11 septembre 2001 par une commune volonté de lutte contre le 'terrorisme islamique'. À cette dimension antiterroriste s'est ajoutée la volonté également partagée d'équilibrer en Asie la puissance chinoise, même si les relations entre Pékin et New Delhi sont aujourd'hui moins tendues. Le partenariat stratégique est accompagné d'un volet économique majeur pour les firmes américaines, ainsi que d'accords spécifiques en matière de coopération et de transferts de technologie dans le domaine du spatial ou du nucléaire, moyennant l'accord du Congrès. Les échanges dans le domaine de la défense devraient en outre s'intensifier, même si New Delhi tentera toujours de conserver une marge de manoeuvre suffisante en diversifiant ses sources d'approvisionnement.

Dans ce contexte, Islamabad apparaît comme le parent pauvre. Washington précise que les accords passés dans le nucléaire avec l'Inde ne sont pas transposables au Pakistan. Fondé sur des critères idéologiques de distinction entre les régimes 'démocratiques' et les États voyous ou semi-faillis, et non plus, comme à l'époque de la guerre froide, entre l'Est et l'Ouest, la différence de traitement entre l'Inde et le Pakistan n'a pas été comblée par le statut d''allié' des États-Unis dans la guerre contre le terrorisme accordé par le président Bush au président Moucharraf en dépit de fragilités du système pakistanais.

Islamabad se tourne donc vers Pékin, son soutien traditionnel en Asie. Si la Chine aujourd'hui recherche l'apaisement avec l'Inde, encourage les échanges économiques et refuse de soutenir un éventuel aventurisme pakistanais au Cachemire, elle n'a pas pour autant renoncé à cultiver un partenariat stratégique privilégié avec Islamabad, qui permet de ralentir l'émergence de l'Inde en tant que nouveau pôle de puissance en Asie. Les accords conclus en 2005 prévoient la poursuite de la coopération dans le domaine du nucléaire civil, le développement des installations portuaires du Pakistan, qui offrent par la même occasion un accès privilégié à la Chine sur l'océan Indien et les voies de communication maritimes en direction des pays du Golfe, et prévoient de reconstruire la route stratégique du Karakoram(1) afin de la rendre accessible en toutes saisons.

C'est donc à un véritable grand jeu que l'on assiste dans cette région du monde, jeu dont les implications économiques et stratégiques ne peuvent laisser l'Europe indifférente.

 

Valérie Niquet est directeur du Centre Asie Ifri.


(1) La 'grande route du Karakoram' (Karakoram Highway, KKH), portion de la route de la soie, a aujoud'hui un intérêt plus stratégique qu'économique car elle permet de relier le Pakistan et la Chine (NDLR)

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