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L’Asie de l’Est et le COVID-19 : le spectre du retour de la pauvreté

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« Quand la Chine tousse, le reste de l’Asie s’enrhume. » Jamais cette boutade n’aura été aussi appropriée. La crise du COVID-19 a révélé l’ampleur de la dépendance de l’ensemble des pays d’Asie orientale à l’égard de la Chine, avec des implications profondes sur l’ensemble de la région, et un probable retour de la pauvreté.

 

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En Chine, une crise sanitaire devenue économique

La crise sanitaire qui a éclaté à Wuhan au début de l’année s’est rapidement muée en une crise économique de grande ampleur, suite à la décision des autorités chinoises d’imposer le confinement à l’ensemble de la province du Hubei, puis à la mise en place de restrictions générales de déplacement sur l’ensemble du territoire chinois et de mesures de distanciation sociale. Dans ces conditions, sous l’effet de l’effondrement de la demande et de la rupture des chaînes d’approvisionnement, tous les circuits économiques se sont grippés et l’économie chinoise s’est retrouvée littéralement à l’arrêt. Dans les régions les moins touchées par l’épidémie, l’activité ne parvenait pas non plus à se maintenir faute de main-d’œuvre, nombre de travailleurs migrants ne pouvant quitter les campagnes sous l’effet des mesures de quarantaine et autres interdictions de déplacements. Selon le Bureau national des statistiques chinois, au premier trimestre le PIB aurait reculé de 6,8 % par rapport à l’année précédente, une première depuis 1992.

Dans le reste de l’Asie, une crise économique avant d’être sanitaire

Même si la situation sanitaire semble désormais à peu près maîtrisée en Chine, les répercussions de la crise économique sur le reste de l’Asie de l’Est demeurent. Le secteur des services, et plus particulièrement du tourisme (agences de voyages, hôtels, restaurants), a été la première victime : les interdictions de voyager imposées par la Chine ont privé ce secteur de précieuses recettes. La Thaïlande ou encore le Cambodge, pour lesquels le secteur représente respectivement 12 et 20 % de leur produit intérieur brut (PIB), comptent parmi les économies les plus rudement touchées, mais, bien qu’à des degrés divers, tous les secteurs touristiques des pays de la région ont souffert.

Puis est venu le tour du secteur manufacturier. Comme la Chine constitue l’épicentre des réseaux régionaux de production dans de nombreux secteurs, toute la région s’est trouvée économiquement paralysée avant même d’être touchée par l’épidémie de COVID-19. En effet, une fois les usines chinoises à l’arrêt, c’est l’intégralité des chaînes de valeur qui se sont retrouvées bloquées : dans le secteur automobile, les usines coréennes, par exemple, ont dû progressivement interrompre leur production faute de pièces suffisantes en provenance de leurs fournisseurs chinois ; de même, nombre d’usines textiles en Birmanie, au Cambodge et au Vietnam ont été contraintes de tourner au ralenti faute d’approvisionnement en matières premières depuis la Chine. Avec la propagation de l’épidémie en Europe puis aux États-Unis, les chances de voir l’horizon s’éclaircir s’amenuisent car si l’économie chinoise doit pouvoir repartir, c’est maintenant la demande européenne et américaine qui s’est effondrée.

Des réponses inégales à la propagation de l’épidémie

Comme on pouvait s’y attendre, l’épidémie s’est rapidement propagée à l’ensemble de la région d’Asie orientale et a mis en évidence la grande disparité dans les réponses des différents régimes en place. Rapide à Singapour, Taïwan et en Corée du Sud, lente au Japon, hésitante et désorganisée en Thaïlande, aux Philippines, en Malaisie ou encore en Indonésie. D’autres pays se sont enferrés jusqu’à une date très récente dans le déni de la pandémie (Laos, Myanmar, Cambodge).

Or de la rapidité de la réponse dépend en grande partie son efficacité. Ce n’est sans doute pas un hasard si le gouvernement qui est a priori le mieux parvenu à endiguer l’épidémie sur son territoire est celui qui a été le plus prompt à réagir, à savoir Taïwan. Des mesures y ont en effet été mises en place dès le 31 décembre 2019, qui instauraient une procédure de contrôle de la température des passagers en provenance de Wuhan, avant même d’une part la confirmation par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de la transmission du virus d’homme à homme (27 janvier) et d’autre part le signalement du premier cas de contamination au COVID-19 sur le territoire de l’île (21 janvier). Cette rapidité de réaction tient probablement au souvenir de l’épidémie de SRAS, qui avait fait une quarantaine de victimes en 2003, mais ce n’est pas là la seule explication. La méfiance (si ce n’est la défiance) des autorités à l’égard des informations en provenance de Pékin les a très certainement incitées à anticiper le pire et à prendre les mesures qui s’imposaient pour l’éviter.

Rien de tel en revanche, dans la grande majorité des pays d’Asie du Sud-Est (à l’exception de Singapour et, dans une moindre mesure, du Vietnam). Ainsi, alors que le premier cas est signalé en Thaïlande le 13 janvier, même si des mesures de contrôle de température ont été mises en place dans les aéroports et certains autres points d’entrée, les frontières sont restées ouvertes aux voyageurs chinois jusqu’au mois de février 2020. Les 11 millions de touristes chinois qui avaient visité le royaume en 2019 ont certainement pesé lourd dans la décision.

Un « grand bond en arrière » ?

En ne prenant pas les devants, ces gouvernements se sont privés de la possibilité de réduire l’ampleur de la crise sanitaire, qui viendra immanquablement aggraver la crise économique déjà profonde à laquelle ils sont confrontés. Or dans nombre de ces pays, les systèmes de santé sont au mieux sous pression et au pire défaillants. Jusque-là, les chiffres de cas avérés semblent relativement peu élevés, mais il y a fort à parier qu’ils soient largement sous-estimés en raison de la faible capacité de dépistage, voire, dans certaines communautés parmi les plus démunies, du refus de déclarer les malades de crainte de voir toute la famille, voire toute la communauté, perdre la capacité de s’approvisionner ou d’aller travailler.

 

 

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979-10-373-0161-1

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L’Asie de l’Est et le COVID-19 : le spectre du retour de la pauvreté

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Françoise NICOLAS

Françoise NICOLAS

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Conseillère au Centre Asie de l'Ifri

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L’Asie est le théâtre d’enjeux multiples, économiques, politiques et de sécurité. Le Centre Asie de l'Ifri vise à éclairer ces réalités et aider à la prise de décision par des recherches approfondies et le développement d’une plateforme de dialogue permanent autour de ces enjeux.

Le Centre Asie structure sa recherche autour de deux grands axes : les relations des grandes puissances asiatiques avec le reste du monde et les dynamiques internes des économies et sociétés asiatiques. Les activités du Centre se concentrent sur la Chine, le Japon, l'Inde, Taïwan et l'Indo-Pacifique, mais couvrent également l'Asie du Sud-Est, la péninsule coréenne et l'Océanie.

Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

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