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La Corée du Sud candidate au CPTPP : une décision tardive mais bienvenue

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Dans le sillage de la République populaire de Chine et de Taïwan, qui ont déposé leur candidature en septembre 2021, le ministre sud-coréen des Finances, Hong Nam-ki, annonçait le 13 décembre dernier que Séoul allait entamer les démarches en vue du dépôt à la mi-avril d’une demande formelle d’adhésion au Partenariat transpacifique global et progressiste (Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership – CPTPP), nouvelle mouture de l’Accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership TPP) suite au retrait des États-Unis en 2017.

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Crédits : Xtock/Shutterstock
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Cette décision, attendue de longue date[1], est bienvenue. Face à l’activisme de nombre de ses voisins, dont le Japon, les atermoiements de Séoul devenaient difficiles à justifier. Cette position était d’autant plus étonnante que la Corée a longtemps été à l’initiative en matière commerciale, défendant jusqu’à récemment une politique d’accords de libre-échange tous azimuts. Par ailleurs la Corée du Sud semblait un candidat naturel compte tenu de son niveau de développement, et le Président Moon avait réitéré à diverses reprises tout l’intérêt qu’il voyait à adhérer à un tel accord, le plus ambitieux jamais signé. Alors pourquoi continuer de rester à l’écart ?

Derrière les hésitations de Séoul

Les raisons de la retenue de Séoul sont à trouver tout autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Sur le plan domestique, le gouvernement doit composer avec certains groupes d’intérêt (notamment agricoles, mais aussi issus des petites et moyennes entreprises) traditionnellement hostiles à tout engagement international risquant de les mettre en difficulté en raison de leur manque de compétitivité. En outre, peut-être le gouvernement coréen estimait-il que la valeur ajoutée d’un tel accord serait limitée pour un pays qui est déjà lié par des accords bilatéraux avec la grande majorité des pays signataires du CPTPP (à l’exception notable du Japon et du Mexique). Et puis le leadership pris par le Japon sur le nouveau projet n’était pas non plus de nature à encourager la candidature coréenne. Mais c’est sans doute la crainte d’une réaction négative de la Chine qui a pesé le plus lourd dans la balance. La Corée sait d’expérience qu’elle est extrêmement vulnérable aux pressions chinoises et que déplaire à Pékin peut lui coûter cher.

À l’évidence, la décision de Pékin de déposer sa propre candidature a levé ces préventions, ce qui explique le « timing » de la demande d’adhésion coréenne. La candidature du Royaume-Uni, dont l’examen formel a débuté à l’automne, a peut-être constitué une incitation supplémentaire. Prenant conscience de l’importance d’un accord qui pourrait devenir le cadre dans lequel se définiront à l’avenir les règles du commerce international en l’absence d’une Organisation mondiale du commerce (OMC) en bon état de marche, Séoul a saisi l’urgence d’un changement de posture. Tout ceci semble confirmer le caractère essentiellement réactif de la stratégie coréenne en matière commerciale dénoncé par certains analystes, mais d’autres forces plus positives ont probablement également été à l’œuvre.

Les signes d’un changement de stratégie

En effet, certains signes laissaient penser par ailleurs que les conditions d’un changement de politique étaient réunies. Ainsi, l’annonce faite par Séoul en septembre 2021 de son intention de rejoindre l’Accord de partenariat sur l’économie numérique (Digital Economy Partnership Agreement – DEPA) aux côtés des trois initiateurs de l’accord (Singapour, Chili et Nouvelle-Zélande), suivie du lancement officiel de la procédure à l’occasion d’une réunion au siège de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le 5 octobre suivant, témoignait incontestablement de la volonté de la Corée de participer plus activement à la définition des règles du jeu dans des domaines nouveaux. Le DEPA constitue en quelque sorte un complément au CPTPP dans la mesure où son objectif est d’aller plus loin, en matière de réglementation de l’économie numérique, que le chapitre du CPTPP sur le commerce électronique. Il semblait logique que la Corée se positionne parallèlement dans les deux négociations.

Cette candidature s’inscrit par ailleurs dans un mouvement plus global de réengagement dans des accords de libre-échange (ALE). La Corée a en effet également confirmé s’apprêter à reprendre les discussions en vue de la conclusion d’un ALE avec le Mexique. À l’évidence, Séoul a effectué le calcul coût-bénéfice de sa non-participation aux accords commerciaux, dont la Corée s’était pourtant fait la championne au début des années 2000[2].

Des gains considérables pour la Corée

Les préoccupations politiques évoquées plus haut n’auraient pas dû peser lourd face aux bénéfices économiques que le pays peut espérer tirer de son adhésion au CPTPP. Même si celle-ci impliquera des sacrifices, voire des coûts, comme la suppression des subventions au secteur de la pêche ou de diverses mesures de soutien à l’agriculture, selon certaines estimations, les gains seront conséquents. En rejoignant l’accord, la Corée du Sud gagnerait 86 milliards de dollars par an et émergerait comme l’un des principaux bénéficiaires, alors qu’en restant à l’écart elle perdrait d’ici 2030 quelque 3 milliards de dollars par an du fait des détournements d’échange au bénéfice des membres du groupe[3].

Les gains engrangés ne se limiteront pas aux effets positifs de la libéralisation tarifaire mais résulteront également du démantèlement de nombre de barrières non tarifaires, de l’expansion des réseaux régionaux de production rendue possible par l’harmonisation des règles d’origine, de l’amélioration de la protection de la propriété intellectuelle ou encore de l’accroissement des opportunités d’investissement. L’ouverture du marché japonais, plus conséquente que dans le cadre du Partenariat économique régional global (Regional Comprehensive Economic Partnership – RCEP), devrait notamment constituer un avantage de taille pour les entreprises coréennes.

L’accord implique certes une baisse substantielle des tarifs douaniers, mais impose aussi des standards très exigeants en matière de libéralisation économique ou de droit du travail. Même si les résistances ne manqueront pas, Séoul devrait parvenir à satisfaire ces exigences sans trop de difficultés.

Certes, des points de friction demeurent et des discussions sont à prévoir avec Tokyo, notamment sur les mesures d’interdiction d’importations de produits de la pêche en provenance des zones proches de Fukushima, mais il y a fort à parier que les convergences de vue finiront par l’emporter.

Un impact mitigé pour ses partenaires

Évidemment, la candidature de la Corée n’est certainement pas une bonne nouvelle pour certains de ses concurrents directs, en tête desquels Taïwan. En effet, la candidature de cette dernière a a priori peu de chances d’aboutir car il est difficile d’imaginer que Taïwan soit intégrée au CPTPP sans que le même sort soit réservé à la République populaire de Chine. Or les chances de succès de la candidature chinoise demeurent pour l’heure assez faibles, pour des raisons tant politiques (opposition de différents pays signataires comme l’Australie) qu’économiques (niveau d’exigence requis trop élevé pour Pékin dans des domaines sensibles comme les entreprises d’État ou les marchés publics par exemple).

À l’inverse, si les tensions avec Pékin perdurent et si la sécurisation des approvisionnements technologiques demeure une préoccupation de première importance, nombre des États signataires du CPTPP (en tête desquels les latino-américains) verront sans aucun doute d’un très bon œil qu’une économie technologiquement aussi avancée que la Corée rejoigne le partenariat et ils ne manqueront pas d’appuyer sa candidature. En outre, la Corée peut s’afficher comme une porte d’entrée vers le marché asiatique. Les chances de succès de la candidature ne semblent guère faire de doute et les risques de blocage devraient demeurer limités.

Tout semble donc en place pour que la Corée intègre sans tarder ce qui a toutes les chances de devenir l’accord commercial le plus important au monde, devant le RCEP, dont les dispositions sont loin d’être aussi larges et ambitieuses. En Corée, les voix de plus en plus nombreuses en faveur de cette option semblent enfin avoir été entendues. Il était temps. Il ne faudrait pas toutefois que l’arrivée d’un nouveau dirigeant à la tête du pays en mai prochain[4] remette cette décision en question et débouche sur un nouveau retour en arrière.


[1]. Les premières manifestations d’intérêt datent de 2013.

[2]. Sohyun Zoe Lee (2021), « Ideas and Policy Transformation: Why Preferences for Regionalism and Cross-regionalism Diverged in Japan and Korea », The Pacific Review, vol. 34, n° 2, p. 290-320.

[3]. P. Petri et M. Plummer, « Why South Korea Should Join the CPTPP », Nikkei Asia, 30 novembre 2021.

[4]. L’élection présidentielle est prévue le 9 mars prochain mais le nouvel élu ne prendra ses fonctions qu’en mai.

 

 

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979-10-373-0464-3

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Françoise NICOLAS

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Conseillère au Centre Asie de l'Ifri

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Le Centre Asie structure sa recherche autour de deux grands axes : les relations des grandes puissances asiatiques avec le reste du monde et les dynamiques internes des économies et sociétés asiatiques. Les activités du Centre se concentrent sur la Chine, le Japon, l'Inde, Taïwan et l'Indo-Pacifique, mais couvrent également l'Asie du Sud-Est, la péninsule coréenne et l'Océanie.

Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

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