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Interrogations autour de l'accord de sécurité nippo-australien

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Interrogations autour de l'accord de sécurité nippo-australienLe 13 mars 2006, le Japon et l'Australie ont signé une déclaration conjointe sur la coopération en matière de sécurité. Cet accord, en dépit de sa portée relativement modeste, est significatif à plusieurs titres. Pour le Japon, il signale la volonté de Tokyo de jouer un rôle plus important, y compris en matière de sécurité au niveau régional à l'heure où l'agence de défense  a officiellement  obtenu au mois de janvier 2007 le statut de ministère à part entière.  Pour l'Australie et le gouvernement de John Howard, il s'agit de rééquilibrer en direction du Japon une politique régionale qui, récemment, avait paru plus orientée vers le géant chinois et les perspectives offertes par son développement économique.

Au niveau bilatéral la portée de l'accord n'est pas négligeable. Le cadre des manœuvres communes pour des missions humanitaire ou dans le contexte des opérations de maintien de la paix de l'ONU, est précisé ainsi que celui des activités de l'armée japonaise sur le territoire australien. Dans le domaine spatial et celui de l'observation, le champ d'activité est étendu. Un approfondissement de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme est également prévu avec notamment des mécanismes de partage de l'information.

Mais c'est au niveau régional, et global, dans le cadre du système d'alliance mis en place avec les Etats-Unis, que cette " déclaration conjointe " prend toute sa dimension. Au niveau régional, dans le contexte difficile de la zone Asie-Pacifique, l'affirmation des intérêts stratégiques communs de l'Australie et du Japon l'emporte sur des divergences concernant par exemple la chasse à la baleine ou la vision de l'histoire, particulièrement après les déclarations maladroites du Premier ministre Abe sur les femmes de réconfort.

Tokyo partage les préoccupations de Canberra concernant l'Asie du Sud-est, où les nouveaux risques liés à la sécurité des voies d'approvisionnement maritimes, notamment dans la zone des détroits, et aux menaces qui pèsent sur la stabilité des Etats fragilisés sont pris en compte. Mais au-delà, si le Japon et l'Australie ont pris soin d'indiquer que cette coopération n'était dirigée contre aucun Etat tiers, le rôle futur de la Chine au niveau régional, en Asie du Nord-est comme en Asie du sud-est a sans doute été l'un des principaux facteurs pris en compte.

L'émergence de la puissance chinoise inquiète en effet en raison de sa dimension militaire indéniable avec un budget en augmentation rapide et constante depuis plus de 17 ans,  mais plus encore sans doute en raison des incertitudes qui l'accompagnent. Ni Tokyo ni Canberra,  ne veulent voir émerger en Asie un système international où la république populaire de Chine occuperait le rôle central. En Asie du Sud-est, la volonté d'équilibrer l'influence croissante de la Chine, économiquement et stratégiquement, l'emporte également sur le soutien à un espace régional asiatique " sinisé ".

Au travers de cet accord, Tokyo et Canberra ont donc souligné les intérêts stratégiques communs qui doivent être pris en compte, dans un cadre multilatéral sous l'égide des Etats-Unis en Asie. La coopération en matière maritime, notamment dans le cadre de la PSI doit être renforcée. Le nouveau pacte entre Tokyo et Canberra, signale ainsi la volonté de cristalliser un réseau d'alliance  en Asie qui apparaît comme une réponse directe au discours chinois sur la nécessité au contraire d'abandonner les alliances héritées de la guerre froide pour construire une architecture de sécurité " asiatique ", dont les Etats-Unis seraient dans l'idéal exclus ou marginalisés.

Ce modèle souple de déclarations communes pourrait demain se voir étendu à l'Inde, qui a signé le même type de déclaration avec les Etats-Unis en 2005,  aux grandes puissances d'Asie du Sud-est à commencer par l'Indonésie avec laquelle Canberra a signé un accord en 2006 et Tokyo en 2007. Enfin la Corée du Sud, en dépit des distances que Seoul a récemment prises avec  Washington en matière de défense, pourrait à nouveau se joindre à ce format multilaréal en cas de changement de majorité lors des prochaines élections.

Au-delà, ce rapprochement s'inscrit également dans une vision plus globale de la sécurité impliquant, comme l'a indiqué le premier ministre japonais Abe lors de sa visite en Europe au mois de janvier 2007, un rapprochement même informel avec l'Otan. On assiste donc à l'amorce de mise en place d'un réseau serré d'alliances plus ou moins formalisé, construit autour de la thématique des valeurs communes, dont l'objectif en Asie ne peut être que de marginaliser une puissance chinoise idéologiquement isolée. Dans ce contexte, si l'Australie et le Japon ont pris soin d'indiquer que le nouvel accord n'était pas dirigé contre la Chine, il n'est pas certain  que les autorités de Pékin, qui voient leur stratégie du pourtour et le concept de société harmonieuse étendu à l'ensemble de l'Asie remis en cause, aient  été convaincues.

 

Valérie Niquest est directeur du Centre Asie Ifri.


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