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Crise en Thaïlande et manipulation politique

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Crise en Thaïlande et manipulation politique
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Les derniers événements violents qu'a connus la Thaïlande entre mars et mai 2010 se sont terminés dramatiquement avec plus de 80 morts, plusieurs milliers de blessés, militaires et manifestants, l'incendie de centres administratifs dans 4 provinces du Nord-est, de plusieurs immenses complexes commerciaux et bâtiments officiels à Bangkok. Loin d'être le simple reflet d'un mécontentement social profond, cette crise est aussi le fruit de l'instrumentalisation d'un mouvement de contestation par des politiciens menacés dans leur impunité.

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Depuis la Constitution de 1997, si des poursuites pour fait de corruption ont été engagées contre des hommes politiques d'importance, comme Rakiat Sukthana, ancien Ministre de la Santé, jugé et emprisonné, l'ingérence du politique dans la nomination des membres d'institutions supposées indépendantes a conduit le plus souvent à l'abandon de l'ensemble des procédures judiciaires.

La mise en place d'une nouvelle Constitution en 2007, suite au coup d'Etat de septembre 2006 renversant le Premier Ministre Thaksin Shinawatra (2001-2006), a levé ces entraves. Depuis, des hommes politiques ont été condamnés, comme Wattana Asavahem, ancien Vice-Ministre de l'Intérieur, et Thaksin Shinawatra. Mais ce dernier dispose d'immenses moyens financiers, d'un réseau d'influence, et d'une popularité sans précédent. Il les a utilisés dans une partie de bras de fer contre l'Institution judiciaire.

Ainsi, on ne peut que constater son implication directe dans l'organisation et le soutien de ces mouvements contestataires et dans les troubles actuels. Le déclenchement de chaque grande manifestation de ses partisans, les chemises rouges, a généralement coïncidé avec les décisions de la Haute Cour le concernant. Le soutien populaire, principalement rural, a été utilisé comme menace pour tenter, en vain, d'infléchir les décisions de justice.

Renversé en 2006 alors qu'il était soupçonné de corruption à grande échelle, et alors même qu'il verrouillait tous les contre-pouvoirs, Thaksin s'est exilé à l'étranger. Après la victoire de son parti Phua Thai aux élections législatives il est revenu en Thaïlande au début de 2008, espérant alors pouvoir échapper aux multiples enquêtes en cours contre lui. Mais c'était sans compter sur une instruction solide entreprise par la Commission nationale de lutte contre la corruption dont les règles de nomination des membres avaient été modifiées. En octobre 2008, Thaksin a été condamné par la bonne marche de la justice, et non par le tribunal d'exception, à deux ans de prison ferme dans une première affaire. Le jugement avait été rendu par contumace puisqu'il avait fui le pays quelques mois auparavant, sentant l'étau se resserrer sur lui et après avoir assisté au procès de son épouse, qui avait écopé en première instance de trois ans de prison ferme pour évasion fiscale.

Thaksin condamné, les chemises rouges marchaient alors sur Bangkok, réclamant son retour, et en filigrane une amnistie. Les manifestations étaient jusque-là plutôt pacifiques car son parti Phua Thai était encore au gouvernement. Les actes violents se sont amplifiés à partir de l'arrivée en décembre 2008 d'Abhisit Vejjajiva, chef du Parti Démocrate, au poste de Premier Ministre. En avril 2009, les opérations militaires ont pu restaurer un calme provisoire, après une vague de chantages de la part de groupuscules extrémistes, comme la menace de faire exploser à Bangkok un camion-citerne de gaz. Arrêtés, les meneurs ont été par la suite libérés sous caution. Les manifestants ont été renvoyés chez eux, gardant le goût amer d'une bataille perdue.

Connaissant l'issue inéluctable des procès, la seule solution était de susciter un renversement du pouvoir en place. Thaksin avait pressenti l'échec de sa démarche pour obtenir une grâce royale, malgré une pétition portant la signature de 3 millions de ses partisans. Comment le Roi Bhumibol pouvait-il accorder une grâce à un ancien Premier Ministre, impliqué dans les faits de corruption majeurs, d'autant plus qu'il s'était soustrait à toutes les obligations de justice ?

Dès lors Thaksin se profile derrière une machine de propagande. Des radios locales privées, une chaîne de télévision et des journaux multiplient des propos d'une rare violence, appelant à la quasi-insurrection et réactivant des idées d'autonomie des régions du Nord-est et du Nord (Isan-Lanna). Le verdict rendu fin février 2010 par la Haute Cour pour corruption, abus de pouvoir et prise illégale d'intérêt est assorti de la confiscation d'une partie de ses biens. Les manœuvres d'intimidation par tirs de roquettes et poses de bombes sur des sites sensibles recommencent. Deux semaines plus tard, les chemises rouges marchent vers la capitale et exigent la dissolution immédiate du Parlement. L'instrumentalisation et le détournement du mécontentement populaire avaient pour objet de faire oublier que Thaksin était corrompu, mais aussi d'exacerber le sentiment d'inégalité. La fracture sociale, la lutte des classes et une justice à deux vitesses ont été les leitmotivs des slogans pour mener au désordre et à la révolte. L'intensité de la violence, la présence d'armes lourdes parmi les manifestants n'étaient-elles pas la preuve d'une tentative avortée de s'emparer du pouvoir par la rue ?

 

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Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

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