Confiance ! Le message rassurant des dirigeants chinois
Malgré les défis posés par la crise financière mondiale, le message majeur à l'issue des séances annuelles de l'Assemblée nationale populaire et de la Conférence consultative politique du peuple chinois, qui se sont tenues respectivement du 5 au 13 mars et du 8 au 12 mars 2009 est résolument positif : la Chine a confiance !
La confiance est désormais le maître-mot du discours officiel chinois. En septembre dernier déjà, le Premier ministre, WEN Jiaobao, déclara à New York que " la confiance est plus importante que l'or ou l'argent ". De même, sa visite récente en Europe juste après le Nouvel An chinois était labélisé " le voyage de la confiance ".
Bien sûr, on a aussi parlé " argent " à Beijing. Les séances annuelles de 2009 étaient forcément marquées par la pression économique due aux difficultés de l'ensemble des pays importateurs de produits chinois. Malgré une croissance toujours soutenue - 6,8% au quatrième trimestre 2008 - la dépendance aux exportations, le chômage croissant parmi les ouvriers migrants, et désormais même parmi les jeunes diplômés, et les inégalités sociales grandissantes ont été au centre des débats de plus de trois mille délégués.
En temps de crise mondiale, les incertitudes de l'économie chinoise ne soulèvent plus seulement des problèmes domestiques. Au sein des gouvernements étrangers et dans les milieux de la bourse, chaque message émanant de Beijing a aussitôt été analysé et décortiqué. Dans ce contexte, l'insistance avec laquelle la Chine parle de " confiance " - tant en sa capacité d'absorber l'impact de la crise qu'en sa stature de partenaire reconnu et écouté sur la scène mondiale - doit être entendue comme un message d'optimisme tranquille et comme une profession de foi en faveur de son intégration réussie dans la communauté internationale.
L'usage même du terme " crise économique " est beaucoup moins répandu en Chine qu'aux Etats-Unis ou en Europe. Certes, la Chine est concernée par la baisse de la demande pour les produits qu'elle fabrique, mais nombreux sont ceux qui affirment qu'elle est beaucoup moins exposée aux conséquences de l'écroulement du système financier mondial que les pays occidentaux. Il est intéressant de voir que ses banques ne connaissent aucun credit crunch : le volume total des crédits accordés a même augmenté au premier trimestre 2009, et cette disponibilité du crédit confirme par conséquent parfaitement le message de confiance des leaders politiques.
La confiance, c'est aussi la confiance en soi. Boostée par des J.O. spectactulaires, la Chine a affirmé sa position lors du sommet Asie-Europe (ASEM) de novembre à Beijing, ainsi qu'avec le déploiement de sa marine dans les eaux de Somalie.
L'année 2009 donnera beaucoup d'occasions à la Chine de démontrer sa capacité de leadership et de coopération internationale en temps de crise. Elle aura un rôle important dans les sommets du G20, de l'APEC (zone de coopération Asie-Pacifique), ainsi qu'au sommet environnemental de Copenhague. Mais pour beaucoup la confiance qu'elle souhaite inspirer en tant que partenaire fiable et responsable dépendra de l'accord entre le discours et les actes.
Il est vrai que les signes de bonne volonté se multiplient, que ce soit avec la Russie ou la nouvelle administration américaine. Même les relations avec Taïwan sont moins conflictuelles : lors de la session annuelle de l'Assemblée, une nouvelle déclaration en faveur de la détente a été faite par le Premier ministre.
Mais la confiance est un état d'esprit fragile. De l'intérieur, elle pourrait s'effriter rapidement si les mesures destinées à réduire les inégalités sociales, freiner le chômage et stimuler la consommation domestique devaient s'avérer moins efficaces que prévu. La confiance que la Chine entend inspirer à ses partenaires ne pourra être gagnée réellement qu'en évitant de réagir de façon agressive à des mesures qui entravent la politique chinoise, telles que la vente d'armes américaines à Taïwan, la prise de position en faveur du Tibet, voire même la possible attribution du prix Nobel de la Paix à un dissident chinois. La nervosité et la susceptibilité qui s'expriment alors ne sont guère compatibles avec le discours de confiance. La crise mondiale actuelle représente une excellente opportunité pour les dirigeants chinois de donner davantage de crédibilité à leur discours de confiance et d'engager un mouvement d'apprentissage et de connaissance mutuels entre la Chine et ses partenaires occidentaux. Le monde actuel ne pourrait qu'en bénéficier.
Wei SHEN est professeur à l'ESSCA, Angers, et chercheur associé au Centre Asie, Ifri.
Albrecht SONNTAG est titulaire de la Chaire " Intégration européenne ", ESSCA Angers.
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