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"Brexit" : le débat britannique est absolument un débat européen

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Il est désormais certain que le Royaume-Uni votera sur son maintien dans l'Union européenne. La réélection de David Cameron le confirme. En attendant le détail des réformes et demandes du Premier ministre britannique, les Etats-membres, à commencer par la France, doivent prendre conscience que le débat britannique n'est plus un débat strictement national. En filigrane se pose la question de l'avenir de l'Union européenne.

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Le retour de David Cameron comme Premier ministre britannique devrait avoir deux conséquences profondes sur l’Union européenne : les débats législatifs et politiques vont s’en trouver ralentis et les Etats membres vont devoir se demander s’ils sont prêts à faire des concessions aux Britanniques, si oui lesquelles.

Le scénario d’un parti unique majoritaire à la Chambre des Communes n’était pas le plus probable. En réalité, tout le monde avait parié sur la fin du bipartisme outre-Manche. La majorité du parti conservateur est faible, mais devrait lui permettre de gouverner sans constituer de coalition, et donc de ne pas devoir faire de compromis avec un autre partenaire de gouvernement, comme c’était le cas depuis 2010 avec les libéraux-démocrates. Les conséquences seront nombreuses, à commencer par la programmation désormais certaine d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Annoncé début 2013 par David Cameron, il aura lieu d’ici 2017 - voire dès l'an prochain.

Le débat britannique n’est plus que national

La « question britannique » commençait déjà à animer de nombreuses chancelleries en Europe, mais tous les scenarii pour ces élections n’impliquaient pas nécessairement un référendum. En conséquence, peu d’Etats membres avaient décidé de se positionner clairement et définitivement sur le sujet. L’évoquer oui, et le gouvernement français l’a fait ci et là, mais prendre position non : l’argument étant que débat britannique sur l’Europe est avant tout un débat interne.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui : le débat britannique est un débat européen. Tout d’abord, David Cameron devrait profiter du prochain Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement fin juin pour présenter une liste des concessions et de réformes qu’il souhaite. Il pouvait se permettre un certain flou jusqu’à présent – place au concret désormais. C’est donc un débat sur d’éventuelles concessions aux Britanniques qui va s’ouvrir, ou du moins un débat sur des réformes proposées par les Britanniques. Deuxièmement, une éventuelle sortie du Royaume-Uni aurait des implications majeures sur l’Union européenne. On ne peut pas écarter que le peuple britannique décide de sortir de l’UE.

Si tous les Etats-membres veulent éviter ce scénario, comment peuvent-ils intervenir dans cette campagne référendaire ? Il sera important de bien faire comprendre aux Britanniques que leur débat affecte toute l’Union. La France ne pourra pas faire preuve de mutisme et attendre péniblement le résultat du référendum. Il est important dès à présent d’établir une ligne directrice tant au sein des relations bilatérales qu’à l’échelon européen. Deux questions centrales se posent au gouvernement : qu’est-il prêt à concéder aux Britanniques afin qu’ils restent membres de l’Union ? Quelles sont les lignes rouges que le gouvernement n’acceptera pas de franchir pour ses voisins d’outre-Manche quitte à ce que cela amène à une sortie du Royaume-Uni ? En trame de fond, naturellement, se trouve la campagne présidentielle de 2017 où l’Europe sera un sujet agité par plusieurs partis. 

Le débat sur le « Brexit » pose la question de l'avenir de l'Union européenne

Les deux prochaines années vont également être particulièrement sensibles, car beaucoup d’Etats membres vont se retrouver face à un dilemme inconfortable : ils devront régulièrement s’interroger s’il est préférable d’apaiser les velléités britanniques quitte à ralentir certaines initiatives européennes, voire à les édulcorer, ou si leur intérêt national, donc le vote sur certaines décisions potentiellement polémiques outre-Manche, prédomine, ce qui pourrait faire le miel des opposants à l’UE au Royaume-Uni. Cette dynamique commence déjà à être à l’œuvre mais va naturellement s’accélérer dans les prochains mois. Cela touchera les questions liées à l’Union européenne dans son ensemble, mais potentiellement aussi les questions spécifiques à la zone euro. Plus on avance au sein de la zone euro, plus les partisans du « non à l’Europe » au Royaume-Uni pourront arguer que la place du pays dans cet ensemble devient de moins en moins évidente et que la zone euro ne veut pas accommoder les désidératas britanniques. Le fait est que les structures actuelles de l’Union pourrait amener à une situation absurde d’ici 10 à 15 ans où tous les Etats membres de l’Union, à l’exception du Royaume-Uni, feront partie de la zone euro. Le Danemark, qui a un opt-out formel sur l’euro, et la Suède, qui a scellé sa décision de la rejoindre à un référendum, ne resteront probablement pas seuls aux côtés des Britanniques. Il s’agira pour la France de s’interroger sur cette situation et de se positionner : si elle considère que l’avenir de l’Union est au sein de la zone euro, quel traitement réserver aux Britanniques ? Il est important de se poser cette question dès maintenant, aussi déplaisante soit la réponse.

Sans le vouloir, David Cameron va finalement forcer un débat sur l’avenir de l’Union. Il intervient dans un contexte économique et politique très sensible au niveau européen et parmi les Etats membres. La réponse n’interviendra probablement pas avant le référendum, mais le débat doit commencer dès maintenant. Ce sera l’occasion pour la France de redéfinir une vision européenne plus claire et de retrouver son leadership européen, qu’elle possède aujourd’hui davantage par défaut que par ses positions et ses actions.

 

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Vivien PERTUSOT

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