Allemagne post-élections : stabilité retrouvée ou coalition sous tension ?
Jeanette Süß revient sur les résultats des élections en Allemagne du 23 février, le vote fort pour l'extrême droite et les conséquences pour la stabilité du pays ainsi que le nouvel air qui pourrait souffler dans les relations franco-allemandes au sein de l'Union européenne.

Après les élections fédérales, l'Allemagne se dirige-t-elle vers un retour à la stabilité ou vers une coalition fragile ?
La CDU a remporté les élections avec 28,5 % des voix et s’apprête à gouverner en coalition avec le SPD. Bien que cette alliance rappelle les précédentes "grandes coalitions", elle est plus fragile que par le passé. Ensemble, la CDU et le SPD ne représentent que 41,9 % des votes, une baisse historique qui montre une érosion des partis traditionnels.
Cette coalition pourrait apporter une certaine stabilité, mais des divergences majeures persistent, notamment sur la politique migratoire, les dépenses militaires et la fiscalité. De plus, l’AfD et Die Linke disposent d’une minorité de blocage qui pourrait compliquer l’adoption de réformes constitutionnelles.
La montée en puissance de l'AfD marque-t-elle un tournant historique pour l'Allemagne ?
L’AfD a doublé son score en atteignant 20,8 %, réalisant la deuxième plus forte progression électorale en Allemagne depuis 1953. Si le parti reste dominant en Allemagne de l’Est, il a aussi progressé à l’Ouest, obtenant jusqu’à 20 % dans certaines régions comme le Bade-Wurtemberg.
L’AfD a notamment attiré de nombreux jeunes électeurs (21 % des moins de 25 ans) grâce à une forte présence sur les réseaux sociaux. Le parti bénéficie d’un processus de "normalisation", bien que certaines figures, comme Björn Höcke, restent associées à l’extrême droite radicale. Malgré son succès, il ne pourra pas gouverner en raison du "cordon sanitaire" des autres partis.
Peut-on parler d’un électorat déboussolé ?
Les élections de 2025 marquent une nouvelle fragmentation du paysage politique allemand. Le SPD a enregistré son pire score historique (16,4 %), tandis que les Verts ont chuté à 11,6 %. En parallèle, Die Linke est remontée à 8,8 %, et la BSW a frôlé les 5 %. Cette recomposition traduit une défiance croissante envers les partis dits "de rassemblement" (Volksparteien). Les électeurs ont sanctionné la coalition "feu tricolore", perçue comme inefficace, et se sont tournés vers des partis aux positions plus tranchées sur l’immigration, l’économie et la défense.
Jeanette, peut-on dire qu'il existe une fracture électorale entre l'Allemagne de l'Est et de l'Ouest ?
L’ancienne frontière entre la RDA et la RFA est plus visible que jamais dans les urnes. L’AfD a dépassé 36 % à l’Est, atteignant même 38,8 % en Saxe-Anhalt, tandis qu’il reste sous les 20 % à l’Ouest. Ce vote s’explique par un sentiment d’abandon économique et politique chez une partie des électeurs de l’Est, où 57 % des habitants se considèrent comme des citoyens de "seconde zone".
L’AfD a également bénéficié d’un électorat ouvrier qui se détourne du SPD. Cette fracture souligne les disparités socio-économiques persistantes entre les deux Allemagne, notamment en termes de revenus et de perspectives d’emploi.
Quels étaient les grands absents de ces élections ?
Le FDP (4,4 %) et la BSW (4,97 %) n’ont pas atteint le seuil des 5 %, ce qui les exclut du Bundestag. Cela signifie que 13,9 % des électeurs ne sont pas représentés, un record depuis la réunification. Cette situation relance le débat sur la pertinence du seuil des 5 %, qui pourrait être jugé trop élevé dans un contexte de fragmentation politique croissante.
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