Ukraine-Russie : vers une vraie guerre ?
Revue des deux mondes, juin 2014, p. 45-58. Entretien avec Pierre Hassner.
1989 : le mur de Berlin s’effondre. 1991 : le bloc soviétique se désagrège. L’Occident sourit devant le spectacle d’un tel triomphe : l’URSS a perdu la bataille ; sa force militaire, son économie, ses valeurs sont réduites à néant. En face, l’Amérique jubile et consolide son rôle de superpuissance. Un nouvel ordre mondial se dessine dans les esprits : on ne pense plus en mode bipolaire mais multipolaire ; on sonne l’heure de la mondialisation heureuse ; une ère démocratique s’ouvre. Fort de ces belles perspectives, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) signe la charte de Paris le 21 novembre 1990. De quoi s’agit-il ? D’améliorer les liens Est-Ouest en attirant les ex-pays communistes. Les accords d’Helsinki (1975) avaient déjà amorcé un dialogue multilatéral ; la charte veut le renforcer en déployant des coopérations économique, militaire et humaine. La CSCE devient alors l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le 5 décembre 1994, les États-Unis, la Russie, l’Ukraine et le Royaume-Uni paraphent le mémorandum de Budapest : dans le cadre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, l’Ukraine accepte de confier son arsenal à la Russie, qui le démantèlera ; en échange, Bill Clinton, Boris Eltsine et John Major s’engagent, devant le président ukrainien Leonid Koutchma, à respecter l’indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l’Ukraine (article 1) (1). L’article 2 stipule que les pays signataires réaffirment leur obligation de s’abstenir de la menace ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance de l’Ukraine, et qu’aucune de leurs armes ne sera jamais utilisée contre l’Ukraine, sauf en cas de légitime défense ou en conformité avec la charte des Nations unies (2).
2014 : tout vole en éclats. Vladimir Poutine a violé les traités internationaux. Il n’est plus possible de nourrir une quelconque illusion : la Russie est redevenue un acteur majeur de l’échiquier international, aspirant à toujours plus de pouvoir. Le président russe multiplie les actions en ce sens. L’ancien membre du KGB veut rétablir la grandeur de l’État russe en structurant un empire post-impérial. Il souhaite fonder une union eurasiatique qui serait une vaste zone de libre-échange entre les pays de l’ex-URSS. Sur la liste des futurs États membres figurent la Géorgie et l’Ukraine. En 2008, les tensions entre le président géorgien Mikheil Saakachvili et le Premier ministre russe Vladimir Poutine aboutissent à une guerre éclair (cinq jours). Les problèmes vont de mal en pis avec l’Ukraine : en 2013, l’ancien président Viktor Ianoukovitch entretient l’indécision sur le partenariat oriental qui devrait se traduire par un rapprochement de son pays avec l’Union européenne (et non son adhésion). Le grand frère russe réagit violemment et veut couper court aux velléités de son voisin. Si Ianoukovitch cède sous la pression de Moscou, le peuple ne l’entend pas de la même manière. Ce sont les rassemblements et les morts à Maïdan fin 2013. Depuis, on assiste à une escalade de plus en plus inquiétante. La Russie est entrée dans une phase offensive ; l’Occident, lui, tout en voulant calmer le jeu, commet des maladresses. Plus les jours s’écoulent, plus les écarts se creusent donnant l’impression d’assister à un véritable dialogue de sourds. Que cherche réellement Poutine ? Dans quelle mesure comprenons-nous sa mentalité et celles des Russes ? Quelles stratégies adopter ? Quelles relations voulons-nous, avec quelle Russie ? Pierre Hassner, spécialiste des relations internationales, et Thomas Gomart, développeur stratégique à l’Institut français des relations internationales, répondent.
Lire le texte dans son intégralité en cliquant ici
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLes commandants russes de la guerre en Ukraine : purges, remaniements et mécontentements
Les remaniements du haut commandement militaire russe au cours de la guerre en Ukraine ont eu lieu de manière inégale, aussi bien dans le temps que dans les structures des forces armées. Les motifs et le calendrier des décisions prises par Vladimir Poutine concernant les cadres de l’armée défient souvent toute logique.
Les effectifs de l'armée russe après deux ans et demi de guerre en Ukraine
En plus d’une victoire militaire en Ukraine, les dirigeants russes souhaitent constituer d’importants effectifs militaires en vue d’un éventuel conflit avec l’OTAN dans l’espace Baltique et la péninsule de Kola. Les prévisions actuelles comptent sur une augmentation des effectifs militaires russes d’environ 350 000 hommes, pour atteindre un total de 1,5 million de soldats et d’officiers. Dans le contexte du conflit qui se déroule actuellement en Ukraine, cet objectif ne peut être atteint sans une nouvelle vague de mobilisation massive.
La relation russo-iranienne à l'épreuve de l'escalade militaire au Moyen-Orient
Les relations entre Téhéran et Moscou ont connu un nouvel élan depuis le début de la guerre en Ukraine, passant d'une relation transactionnelle et asymétrique depuis 1991 à la construction d'un véritable partenariat stratégique. Néanmoins, malgré l’approfondissement des coopérations militaire, spatiale, cyber, policière et nucléaire civile, Moscou se montre réticent à s’engager directement aux côtés de Téhéran contre les États-Unis et leurs alliés au Moyen-Orient. Des différences de statut et d’approches freinent ainsi toujours la construction d’une alliance anti-occidentale entre la Russie et l’Iran.
La Russie a-t-elle des alliés ? Chine, Iran, Corée du Nord
Depuis son agression en Ukraine, la Russie développe ses liens avec trois États qui l’accompagnent dans sa contestation de l’ordre occidental. Le partenariat avec la Chine, inégal, est cependant destiné à durer. Avec l’Iran fonctionne une solidarité de sanctionnés. Et la relation avec Pyongyang est essentiellement opportuniste.