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Six Nightmares: Real Threats in a Dangerous World and how America Can Meet Them

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Nous savons, depuis plusieurs mois, à quel point les différents services de renseignement américains détenaient, dans les mois et même les années qui ont précédé le 11 septembre, de nombreux indices leur permettant, du moins en théorie et moyennant un minimum de coordination inter agences, de déceler le complot et de le déjouer. Nous savons aussi ce qu’il en fut, le FBI gardant soigneusement pour ses propres services des renseignements qui auraient dû être impartis à la CIA, et vice versa.

Or, dès l’an 2000, l’ancien conseiller à la Sécurité nationale du président Clinton, Anthony Lake, dans un ouvrage peu remarqué au moment de sa parution, prévoyait précisément –et alertait ses concitoyens– le genre d’attaques terroristes qui se sont concrétisées le 11 septembre. Il est vrai que, parmi les 'six cauchemars' d'A. Lake ne figure pas, en l’occurrence, une attaque sous forme d’utilisation par des pilotes suicidaires d’un avion de ligne comme missile de croisière. Mais toutes les autres menaces possibles ou imaginables se trouvent dans ce livre prémonitoire. Attaques biologiques, chimiques et même nucléaires; guerre cybernétique (e-terror; e-crime –où il est néanmoins prévu l’occupation d’une tour de contrôle par des terroristes-aiguilleurs du ciel afin de téléguider deux avions commerciaux vers une collision en plein ciel); implosion de la Corée du Nord et mainmise 'terroriste' sur ses missiles nucléaires; attaques 'ambiguës' contre des intérêts américains où la signature d’un Etat voyou ne serait pas clairement lisible.

Par ailleurs, A. Lake mettait fermement en garde contre un Irak incontrôlé par les inspecteurs des Nations unies, déjà partis du pays en 1998, et montait un scénario de prise de décision éventuelle en faveur d’une guerre préventive –de la part d’un gouvernement américain détenteur de soupçons (mais pas de preuves) sur la culpabilité de 'l’I****' en matière d’attentats terroristes. L’ancien conseiller de Clinton évoquait également les menaces brandies contre les Etats-Unis par Ben Laden, qui bénéficie, remarquait-il lucidement, des atouts de la mondialisation: techniques de communication à distance et perméabilité des frontières –notamment américaines. En 1996, pas moins de 75 millions de voitures particulières, 3,5 millions de camions et de voitures ferroviaires et 254 millions de voyageurs ont traversé la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Moins de 5% des véhicules ont subi des contrôles douaniers. Pendant les débats passionnés sur la défense antimissile qui ont eu cours en 1999-2000, il était souvent dit qu’un terroriste déterminé se servirait plus vraisemblablement d’une valise que d’un missile balistique pour faire sauter un bâtiment, voire une ville américaine. A. Lake dresse la liste des attentats biologiques déjà commis contre les Etats-Unis en 2000. Sait-on que la bombe qui a failli, en 1993 déjà, faire tomber le World Trade Center était assaisonnée à la cyanide: si celle-ci s’était vaporisée (comme prévu) au lieu de brûler (comme ce fut le cas), la totalité des gens qui se trouvaient dans la tour attaquée aurait péri.

Le livre n’est pas seulement un inventaire d’horreurs imaginables, voire inimaginables. On y trouve aussi des propos sages et nuancés sur l’état du monde au seuil du XXIe siècle: 'Dans un monde où notre adversaire militaire peut figurer parmi nos partenaires commerciaux les plus importants, et dans lequel nos alliés militaires deviennent nos rivaux économiques les plus féroces, l’Amérique cherche-t-elle des voisins globaux forts ou faibles?' La question mérite réflexion de part et d’autre de l’Atlantique. Que faire des nombreux Etats où règne le chaos et qui structurent la vie quotidienne en Afrique, dans de grands morceaux d’Asie et en Amérique latine ?

A. Lake, qui fut, au moment de la guerre de Bosnie, l’un des seuls à plaider en faveur d’une intervention américaine ponctuelle, musclée et efficace, propose tout un programme de contre-mesures –à commencer par des propositions de fusion entre la CIA et le FBI afin de prévenir le manque de communication inter-agences qui a précisément coûté si cher aux Etats-Unis le 11 septembre. Il se penche sur le problème des opérations de maintien de la paix, mettant en garde son pays contre des interventions irréfléchies ou trop nombreuses. Il évoque ouvertement le problème du nation building, actuellement au cœur des débats entre Européens et Américains, conseillant prudence sur le plan militaire là où les Etats-Unis ne seraient pas prêts à assurer le suivi nécessaire sur les plans politique, économique et social. 'The USA doesn’t do windows' ('Les Etats-Unis ne font pas le ménage') constatait Ch. Krauthammer. Qui donc s’occupera du côté 'soft' des relations internationales ? Il n’est pas soutenable que les Etats-Unis et les Européens continuent de façon durable à s’occuper de tâches totalement distinctes.

Dans un dernier chapitre, A. Lake évoque ce qu’il considère comme l’ultime cauchemar: l’impasse politico-diplomatique des Etats-Unis, provoquée par des divisions purement partisanes. Que les démocrates bloquent la politique étrangère républicaine –ou vice versa– par esprit partisan, ce serait la pire des choses. Le monde est dangereux. Les Américains, qui lisent peu la presse étrangère (et voyagent peu: un sondage récent démontre que plus de 90% des Américains ne sont jamais sortis des 50 Etats de l’Union) sont néanmoins appelés à faire la pluie et le beau temps dans un monde qu’ils fréquentent peu et ne comprennent pas beaucoup plus. Voilà une recette porteuse d’avenir. A. Lake ne prétend pas détenir le monopole de la sagesse; il esquive clairement la question de savoir comment concilier le respect des droits de l’homme et la nécessaire chasse aux 'vrais' terroristes. Mais son livre subtil et pondéré nous invite à réfléchir sur la véritable nature du monde que nous laisse le 11 septembre. Par la force des choses, l’événement a dépassé le livre, mais ne l’a pas rendu obsolète, loin de là. Ceux qui veulent voir ce qui était visible aux sages de ce monde bien avant le '9/11', seraient bien avisés de faire la connaissance de M. Lake.

 

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Six Nightmares: Real Threats in a Dangerous World and how America Can Meet Them, de L'Ifri par
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