Recension d'ouvrages
Politique étrangère 2023/1 (Printemps)
L’invasion de l’Ukraine est un évènement historique qui suscite de nombreuses incompréhensions et accroît le besoin de prospective. Dans ces conditions, le retour à l’histoire a une double vertu : ramener du sens et s’armer contre la déformation et l’instrumentalisation de l’histoire, qui se trouvent au cœur des actions et discours belliqueux de Moscou. Dans son ouvrage publié en 2017 et récemment traduit en français, l’historien de la Russie et de l’Ukraine Andreas Kappeler écrit la première histoire croisée des deux pays. Pour Kappeler, si la relation entre l’Ukraine et la Russie est complexe, elle est d’abord asymétrique. Pourtant, cette relation a commencé dans un berceau commun, la Rous’ de Kiev, une confédération de Slaves orientaux apparentée à un « âge d’or », dont l’Ukraine et la Russie revendiquent la paternité. Mais, à la suite de l’invasion des Mongols, la « fratrie » est propulsée sur des voies différentes qui seront rejetées par les modernes. D’un côté, l’ouest de la Rous’, à savoir une partie de l’Ukraine actuelle, se voit progressivement dominée par les Lituaniens mais surtout par les Polonais, dont elle connaît l’oppression des nobles et la menace religieuse catholique. De l’autre côté, la « Moscovie » subit le joug de la Horde d’or qui l’a éloignée du reste de l’Europe et avec laquelle elle collabore. Toutefois, ces vérités historiques ne sont que partielles, tempère Kappeler : la Russie a aussi profité de son intégration à l’Empire mongol, et l’Ukraine a une mémoire positive de la domination polonaise grâce à l’ouverture à l’Occident qu’elle a induit…
Dimitri Minic est chercheur au centre Russie/Eurasie de l'Ifri.
Lectures publiées dans Politique étrangère 2023/1 (Printemps), pages 204 à 228
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