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Les relations germano-polonaises ne sont pas au beau fixe. L’absence de Donald Tusk à la rencontre du 18 octobre dernier à Berlin en est certainement l’une des meilleures illustrations. L’Allemagne a pourtant une responsabilité historique à l’égard de la Pologne. Hans Stark explique.

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Les relations germano-polonaises sont à la fois étroites et compliquées. Les deux pays partagent une frontière commune de 469 km. Ils sont alliés dans le cadre de l’OTAN et partenaires au sein de l’UE. 800 000 Polonais vivent en Allemagne, 150 000 Allemands, pour la plupart des citoyens polonais appartenant à ce que l’on appelle la minorité allemande, en Pologne. Berlin est le principal partenaire commercial de Varsovie : 27,8% de ses exportations lui sont destinées (contre 6,16% pour la France et 4,94% pour le Royaume-Uni). Mais la Pologne occupe elle aussi une place de plus en plus importante dans les exportations allemandes. Elle a même dépassé la Chine et se situe désormais en quatrième position derrière les États-Unis, la France et les Pays-Bas. Et si on additionne les importations et exportations allemandes, on voit alors qu’elle pointe à la cinquième place, derrière les États-Unis, la Chine, les Pays-Bas et la France. Aucun de ces pays n’a augmenté ses importations de manière aussi forte depuis le grand élargissement de 2004. C’est un énorme succès.

1300 milliards

Mais avec aucun autre pays, l’Allemagne n’entretient une relation à ce point chargée d’histoire qu’avec la Pologne. La demande de réparation de 1300 milliards d’euros que le gouvernement PiS n’a cessé de réclamer à l’Allemagne lorsqu’il était aux affaires en est peut-être la meilleure illustration. Le gouvernement Tusk ne l’a certes pas reprise à son compte mais il a déjà donné à voir qu’il ne la considérait pas comme infondée et qu’il attendait une initiative allant dans ce sens. L’affaire est donc loin d’être réglée. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le1er septembre 2024, date du 85ème anniversaire de l’attaque de la Pologne par l’Allemagne, le président Andrzej Duda a réitéré les demandes de ses collègues du PiS. Dans les faits, il est toutefois très difficile d’y répondre compte tenu de l’ampleur de la culpabilité allemande et plus largement, du poids du passé.

Au XVIIIe siècle, la Prusse a participé activement aux trois partages et, par-là, à la destruction de la république aristocratique polono-lituanienne, s’appropriant pas moins de 136 000 km2 de territoire. En 1919, la renaissance de la Pologne en tant qu’État souverain est allée de pair avec le rattachement de territoires ayant appartenu à l’Empire allemand, un fait qui n’a pas manqué d’approfondir l’hostilité entre les deux pays. Celle-ci a connu son point d’orgue dans l’attaque du1er septembre 1939 : 6 millions de citoyens polonais trouvèrent alors la mort, dont 3 millions de Juifs, soit la moitié des victimes de l’Holocauste.

Une mémoire en berne

La mémoire de ces crimes est peu répandue en Allemagne alors qu’en Pologne, elle est omniprésente. C’est un fait qui pèse aujourd’hui lourdement sur les relations bilatérales. La mémoire allemande de la Seconde Guerre mondiale se concentre sur l’Holocauste, les bombardements des villes allemandes par les Alliés ainsi que le découpage des frontières (au profit de la Pologne) tel que décidé par la conférence de Potsdam. Il en découla l’expulsion de 6,3 millions d’Allemands – de Poméranie, de Silésie et de Prusse occidentale -, un chiffre qui,  » mis dans la balance « , a parfois fait croire aux Allemands qu’ils étaient du côté des victimes. C’est aujourd’hui encore parfois le cas. Cette déformation de l’histoire, qui n’est finalement rien d’autre qu’une forme de révisionnisme, doit être combattue par les historiens, les journalistes, ainsi que par les enseignants. La Pologne se plaint à juste titre que tel n’est pas encore le cas. Et pour cause : dans un discours du1er août 1994, Roman Herzog, alors président de la République fédérale, confond même le soulèvement du ghetto de Varsovie (1943) avec l’insurrection de Varsovie (1944). Une étude de 2018 a d’ailleurs révélé que sur 40 manuels d’histoire, seuls deux traitaient de l’insurrection de Varsovie. De là l’importance qui échoit au chancelier et président fédéral lorsqu’il s’agit de commémorer la mémoire des crimes allemands en Pologne : de l’agenouillement de Willy Brandt (1971) à la participation de Frank-Walter Steinmeier aux commémorations du 80ème anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie en passant par le discours du président Richard von Weizsäcker le 8 mai 1985, l’histoire des cinquante dernières années en offre plusieurs exemples.

[...]

Hans Stark est professeur de civilisation allemande à Sorbonne Université depuis 2012. Il est conseiller des relations franco-allemandes à l'Ifri. Il a été secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri) jusqu’en 2020. Après des études de sciences politiques à Sciences Po Paris, il a obtenu un doctorat à la Sorbonne (2001) et une habilitation à diriger des recherches en études germaniques à l’Université de Lille (2011).

  • Cet article est publié dans la revue "deutsch-französischer Dialog (dialogue franco-allemand)" dokdoc.eu.
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Hans STARK

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Conseiller pour les relations franco-allemandes à l'Ifri

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Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa)
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Le Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) a été créé en 1954 par un accord intergouvernemental entre la République fédérale d’Allemagne et la France, afin de mieux faire connaître l'Allemagne en France et analyser les relations franco-allemandes y compris dans leurs dimensions européennes et internationales. Dans ses conférences et séminaires, qui réunissent experts, responsables politiques, hauts décideurs et représentants de la société civile des deux pays, le Cerfa développe le débat franco-allemand et suscite les propositions politiques. Il publie régulièrement des études à travers deux collections : les « Notes du Cerfa » et les « Visions franco-allemandes ». 

Le Cerfa entretient des relations étroites avec le réseau des fondations et des think tanks allemands. En plus de ses activités de recherche et de débat, le Cerfa promeut l’émergence d’une nouvelle génération franco-allemande à travers des programmes de coopération originaux. C'est ainsi qu'en 2021-2022, le Cerfa a conduit un programme sur le multilatéralisme avec la Fondation Konrad Adenauer de Paris. Ce programme s'adresse à des jeunes professionnels des deux pays intéressés par les enjeux du multilatéralisme dans le contexte de leurs activités. Il a couvert une large gamme de thèmes relatifs au multilatéralisme, tel que le commerce international, la santé, les droits de l’homme et la migration, la non-prolifération et le désarmement. Auparavant, le Cerfa avait participé au dialogue d’avenir franco-allemand, co-piloté de 2007 à 2020 avec la Deutsche Gesellschaft für auswärtige Politik (DGAP) et soutenu par la Fondation Robert Bosch, ou encore le groupe Daniel Vernet (anciennement Groupe de réflexion franco-allemand) qui avait été fondé en 2014 à l’initiative de la Fondation Genshagen.

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