Palestine : l'histoire avance plus vite que les idées
Sari Nusseibeh est un des grands intellectuels palestiniens contemporains. Il a été président de l’université Al-Qods de Jérusalem de 1995 à 2014. En 2002, il a proposé un plan de paix avec Ami Ayalon, ancien chef du Shin Bet (service de renseignement intérieur israélien). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont What is a Palestinian State Worth? (Harvard University Press, 2011) et Une allumette vaut-elle toute notre philosophie ? (Flammarion, 2012).
Près d’un demi-siècle après l’annexion de Jérusalem-Est par Israël et 20 ans après la signature des accords d’Oslo, l’Union européenne (UE) commence à réaliser que l’absorption de cette partie du territoire occupé par Israël rend impossible une solution classique à deux États. La création d’un État palestinien le long des frontières de 1967 ayant pour capitale Jérusalem-Est ne paraît en effet plus réalisable. Les responsables européens ont brusquement pris la mesure de la multiplication des atteintes commises par Israël à l’encontre de la population arabe dans cette partie de la ville et ont estimé qu’il était urgent d’agir. Ainsi Jérusalem-Est commence-t-elle à figurer dans les rapports officiels de l'UE et dans le plan de soutien financier de l'UE au prétendu processus de création d’un État palestinien.
Comme Palestinien de Jérusalem, j’ai désespérément tenté pendant 20 ans d’attirer l’attention de l’UE et d’autres émissaires internationaux sur les effets néfastes de la politique israélienne sur une solution à deux États. Je ne sais donc pas si je dois ressentir du soulagement ou de la colère. D'une part, il est positif que la communauté internationale voie enfin les choses en face. De l’autre, il est frustrant de constater que cela arrive trop tard : quoi que l’on fasse aujourd’hui, on ne pourra revenir en arrière. La Jérusalem-Est qui était appelée à devenir la capitale d’un futur État palestinien a tout simplement cessé d’exister.
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