Politique étrangère américaine : la sombre vision de Monsieur Trump
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Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, la politique étrangère américaine est devenue plus imprévisible. Plusieurs cohérences se dégagent pourtant, notamment en faveur d’une posture nationaliste. L’examen de son entourage montre aussi des personnalités plus classiques qui peuvent avoir une certaine influence. Mais des surprises sont encore possibles.
Depuis juin 2015, lorsqu’un Donald Trump descendant l’escalator de la Trump Tower à New York a officiellement lancé sa campagne, et jusqu’à aujourd’hui, au lendemain de son premier discours sur l’état de l’Union, dans la nuit du 28 février au 1er mars, les observateurs de la politique américaine restent confrontés à une difficulté permanente d’analyse. En effet, le président des États-Unis peut changer d’avis d’une semaine à l’autre sur les mêmes sujets. Il tweete de manière incontrôlée, souvent agressive. Il dit des âneries et ne paraît pas gêné quand on le lui démontre. La Maison blanche connaît un nouveau psychodrame chaque semaine et un taux de rotation des conseillers si élevé qu’il rappelle l’émission de téléréalité qui a rendu célèbre l’homme d’affaires Trump, The Apprentice. La situation contraste non seulement avec la présidence de Barack Obama, dont les actions étaient toujours si réfléchies et si mesurées, mais aussi avec la présidence de Georges W. Bush. Au lendemain du 11 septembre, cette dernière avait en effet adopté un projet international d’intervention unilatérale sinon consensuel, du moins tout à fait clair.
Il y a pourtant des points d’ancrage bien définis dans la démarche de Trump, qui permettent de faire sens de ce chaos. Ainsi, pendant sa première année aux commandes de la politique étrangère du pays le plus puissant du monde, le Président a oscillé de manière assez régulière entre trois pôles.
Le populisme, axe principal de la campagne
Au-delà des nombreuses erreurs factuelles et incohérences énoncées lors de ses meetings, le candidat Trump a fait montre pendant la campagne de 2016 d’une grande constance sur sa vision de la politique étrangère du pays. Pour reprendre la classification des grandes « écoles » de la politique étrangère américaine élaborée par Walter Russell Mead, la vision de Trump correspond aux positionnements dits « jacksoniens » et « hamiltoniens », d’après l’exemple du président Andrew Jackson (1829-1837) et du premier secrétaire au Trésor du pays, Alexander Hamilton (1789-1795). Le premier propose un nationalisme de repli (« America first ! ») qui se veut non-interventionniste, sauf lorsque les intérêts des citoyens américains sont directement en cause. Ainsi Trump dénonce-t-il dans ses meetings les alliances qui coûtent cher aux États-Unis et bénéficient surtout aux autres pays, tout en érigeant au rang de priorité la lutte contre Daech, responsable de plusieurs attentats meurtriers dans le pays. En mettant les questions économiques et commerciales au centre de la politique étrangère américaine, Donald Trump incorpore également un élément « hamiltonien » dans sa politique étrangère. Selon Walter R. Mead, Alexander Hamilton n’avait pas de choix arrêté en ce qui concerne les principes de libre-échange et de protectionnisme : il fallait choisir ce qui avantageait le pays en fonction des circonstances. Ainsi, lorsque Trump annonce vouloir renégocier les grands accords commerciaux afin d’obtenir un meilleur deal, lorsqu’il dénonce le manque de réciprocité dans les échanges avec la Chine, il se situe dans cette tradition, confirmant sa vision des échanges entre acteurs internationaux comme autant de jeux à somme nulle.
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