Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

L’après-Merkel : les enjeux géopolitiques pour l’Allemagne

Articles
|
Date de publication
|
Image de couverture de la publication
hans_couv_dans_diplomatie_d111_sept_2021.jpeg
Accroche
Avec le départ d’Angela Merkel, un cycle de 16 ans s’achève. Ferme et digne face aux crises multiples et parallèles, la chancelière lègue pourtant un héritage controversé. Dans un contexte mondial de plus en plus violent et incertain, le nouveau chancelier devra concilier continuité et renouveau, puis parvenir à s’imposer, comme aura su le faire sa prédécesseure.
Image principale
Berlin, Allemagne - Siège de la CDU
Berlin, Allemagne - Siège de la CDU
Meunierd/Shutterstock
Corps analyses

Le départ d’Angela Merkel représente une césure importante pour Berlin et aussi pour l’Europe. Encouragée par Barack Obama à accepter un quatrième mandat en 2017, la chancelière a été littéralement promue « leader du monde libre » face à Donald Trump. Pour une femme, dirigeante d’un pays qui, dans son histoire, fut à l’origine de deux guerres mondiales, c’est une consécration considérable à l’aune de laquelle son successeur à la chancellerie devra pouvoir se mesurer. Si elle a marqué son époque comme sans doute nul autre chef d’État ou de gouvernement de son temps, elle n’a pourtant pas été à l’origine de transformations profondes comme certains de ses prédécesseurs. Konrad Adenauer, aux commandes entre 1949 et 1963 avait arrimé et intégré la République fédérale à l’Ouest. Willy Brandt, en cinq ans seulement (1969-1974), avait reconnu les frontières de son pays fixées par les alliés lors de la conférence de Potsdam de 1945 et lancé le processus de réconciliation avec les pays communistes d’Europe de l’Est, victimes de la barbarie nazie —tout en normalisant les relations entre les deux parties de Berlin, ainsi qu’entre la République fédérale d'Allemagne (RFA) et la République démocratique d'Allemagne (RDA). S’appuyant sur ces succès, Helmut Kohl, chancelier entre 1982 et 1998, réunifié l’Allemagne en menant à bien les négociations « 2 + 4 ».

 
16 ans de Merkel, 16 ans de gestion de polycrise
 
Rien de tout cela ne marque le bilan de la chancelière qui avait d’autres défis à affronter, et les historiens nous diront si elle a su y faire face ; la « polycrise », comme disait à l’époque le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. En 2005, la nouvelle chancelière était confrontée à une dégradation sans précédent des relations germano-américaines, consécutive à l’opposition de son prédécesseur, Gerhard Schröder, à la guerre en Irak. Il s’agissait pour elle de renouer les liens avec la Maison-Blanche après quatre ans de dialogue rompu et de retrouver la confiance du président George W. Bush. Toujours en 2005, trois mois avant sa première victoire électorale, l’Union européenne (UE) plongeait dans la crise institutionnelle la plus profonde de son histoire, à la suite de l’échec en France et aux Pays-Bas des référendums portant sur la ratification du traité constitutionnel européen. Ce sera à la chancelière de proposer en 2007 un nouveau texte, sous la présidence allemande du Conseil européen, le futur traité de Lisbonne qui entrera en vigueur en 2009. Durant la difficile négociation de ce dernier, en 2007 et 2008, éclatait une nouvelle crise, celle dite « des subprimes » qui, par effet de contagion interbancaire, s’est muée en crise financière puis économique mondiale en 2008. [...]
 
En 2021, un cycle de 16 ans de crises multiples s’achève pour Angela Merkel, la dernière en date étant celle des inondations monstres qui ont frappé son pays en été de la même année. Son successeur devra prendre la relève, conscient que « l’âge des crises » n’est pas terminé, bien au contraire.
[...]
 
En misant sur le partenariat technologique et commercial avec la Chine, vers laquelle elle exporte presque autant que tous les autres États membres de l’UE réunis, elle contribue à l’émergence de la puissance chinoise, que les États-Unis s’efforcent sinon d’empêcher, au moins de retarder.
[...]
 
L’héritage de la diplomatie merkelienne, un défi de taille
 
Prendre la suite d’Angela Merkel et s’imposer comme elle a su le faire sur la scène internationale constitue un défi redoutable. D’autant que l’héritage de la chancelière n’est pas non plus entièrement positif. Elle laisse derrière elle une Bundeswehr structurellement sous financée, mal équipée, peu adaptée aux opérations extérieures « robustes » et finalement mal aimée par une population très peu favorable à l’intervention de l’armée allemande dans des zones de guerre extérieures à l’Europe. Lors du sommet de l’OTAN de Newport, au Pays de Galles, en 2014, l’Allemagne, à l’instar des autres pays membres, s’était engagée à consacrer 2% de son PIB à la défense avant 2024. Fin 2019, la République fédérale a décidé de décaler cet objectif à 2031. L’aurait-elle renvoyé aux calendes grecques ? Actuellement, les dépenses militaires se situent au-dessous de 1,5%… Autre critique formulée à l’étranger, l’Allemagne privilégie très nettement ses intérêts commerciaux par rapport à ses intérêts stratégiques (et ceux de ses partenaires). En misant sur le partenariat technologique et commercial avec la Chine, vers laquelle elle exporte presque autant que tous les autres États membres de l’UE réunis, elle contribue à l’émergence de la puissance chinoise, que les États-Unis s’eff orcent sinon d’empêcher, au moins de retarder. En accumulant par ailleurs depuis 2012 plus de 200 milliards d’euros d’excédents commerciaux —excédents qui fragilisent le système économique mondial et surtout l’eurozone —, l’Allemagne poursuit une politique que l’on peut qualifier, sans exagérer, de « néo-mercantiliste ».
 
Voilà l’autre face du bilan de 16 ans de politique étrangère d’Angela Merkel. Il est très peu probable — pour ne pas dire quasi inconcevable — que ces orientations changent sous le prochain gouvernement. Le successeur désigné, Armin Laschet, président de la CDU et ministre-président du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, s’est déjà à maintes reprises prononcé en faveur d’une politique étrangère certes proeuropéenne et profrançaise, mais aussi compréhensive à l’égard de la Russie et soucieuse de maintenir les parts de marché des entreprises allemandes en Chine.
 
[...]
 
Hans Stark est professeur de civilisation allemande contemporaine à Sorbonne Université et conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales(Ifri).
 
Cet article est paru dans la revue Diplomatie, n° 111, septembre - octobre 2021, pages 12 à 15 (téléchargez le pdf de l'article ci-dessous).
 
 
 

Téléchargez l'analyse complète

Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.

L’après-Merkel : les enjeux géopolitiques pour l’Allemagne

Decoration
Auteur(s)
Photo
crance1-157.jpg

Hans STARK

Intitulé du poste

Conseiller pour les relations franco-allemandes à l'Ifri

Image principale
Carte du monde avec graphique dans le concept futuriste
Initiative géoéconomie et géofinance
Accroche centre

Les questions économiques sont abordées sous un angle d’économie politique : évolution du système économique mondial, gouvernance et institutions, dynamiques et tendances des différentes zones économiques (États-Unis, Russie, Chine, pays émergents...). Les problèmes européens font l’objet d’une attention particulière.

Image principale

Multi-alignement et de-risking. Les réponses du Sud global à la fragmentation du monde

Date de publication
31 octobre 2024
Accroche

Les turbulences et les conflits menacent la stabilité de l’ordre mondial. Quelle est la réaction du Sud global face à ces risques ?

Image principale

Les ports allemands face à la Chine. Comment concilier ouverture, résilience et sécurité ?

Date de publication
29 avril 2024
Accroche

Tributaire de ses ports pour la bonne marche de son modèle économique ouvert, l’Allemagne a profité de la mondialisation au cours des dernières décennies, lorsque l’internationalisation de ses chaînes de valeur a renforcé sa compétitivité. Au regard du durcissement géopolitique, les vulnérabilités de la première puissance économique européenne se font jour.

Image principale

Farm Bill 2024 : les raisons du blocage de la loi agricole aux États-Unis

Date de publication
01 février 2024
Accroche

À rebours de l’image très libérale de l’économie américaine, le secteur agricole bénéficie aux États-Unis d’un interventionnisme fédéral solide depuis les années 1930. L’effondrement des prix agricoles à la suite de la crise de 1929 avait en effet plongé les farmers américains dans la misère et justifié le passage du Agriculture Adjustment Act dans le cadre du New Deal, dès mai 1933. Depuis, la loi agricole est renouvelée tous les cinq ans.

Image principale

Climat, finance, géopolitique. Les illusions des hommes, les défis de l'Europe

Date de publication
11 décembre 2023
Accroche

La combinaison de tensions géopolitiques, du dérèglement du climat et d’une finance occupant une part croissante dans l’économie nous entraîne sur des terrains inconnus. Jusqu’à une période récente, chacun de ces sujets était abordé séparément. Désormais, ils sont indissociables, à la fois par leur gravité mais aussi parce que tous trois révèlent l’ampleur des illusions des hommes. 

Crédits image de la page
Berlin, Allemagne - Siège de la CDU
Meunierd/Shutterstock

Comment citer cette étude ?

Image de couverture de la publication
hans_couv_dans_diplomatie_d111_sept_2021.jpeg
L’après-Merkel : les enjeux géopolitiques pour l’Allemagne, de L'Ifri par
Copier
Image de couverture de la publication
hans_couv_dans_diplomatie_d111_sept_2021.jpeg

L’après-Merkel : les enjeux géopolitiques pour l’Allemagne