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L'Allemagne après les élections de 2021

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Les élections législatives allemandes de l’an dernier marquent une rupture de grande ampleur. Le recul des chrétiens-démocrates est historique et la coalition qui s’est mise en place, inédite. Dans quelle mesure les compromis entre les trois partis qui la composent seront-ils durables ? Du fait d’une divergence de vues sur l’Europe, dans quelle mesure la relation franco-allemande sera-t-elle affectée ?

Corps analyses

Les législatives du 26 septembre 2021 ont revêtu une dimension historique. Si elles n’ont pas connu d’effondrement du système des partis, comme en France en 2017 ou en Italie en 2018, ni rendu l’Allemagne ingouvernable, comme en Espagne en 2019 et 2020, elles constituent une rupture d’une telle ampleur qu’il faut revenir sur leurs résultats eux-mêmes avant de se pencher sur leurs conséquences plus générales sur la politique allemande et le programme de la coalition « feu tricolore » qui gouverne désormais à Berlin.

 

Un scrutin hors normes

Les élections du 26 septembre tournent définitivement la page de seize ans de gouvernement d’Angela Merkel qui, après quatre victoires consécutives, se retire de la vie politique : elle n’a pas brigué de nouveau mandat, s’est retirée du Bundestag, dont elle fut députée de 1990 à 2021, et n’assume plus aucune fonction dans la CDU (Christlich Demokratische Union Deutschlands), qu’elle présida de 2000 à 2018. Surprise majeure, les élections ont donné la victoire au SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands), lequel, dans l’histoire des élections allemandes, ne s’est trouvé qu’à deux reprises devant les chrétiens-démocrates (CDU-CSU), en 1972 et 1998. Avec 25,7 % des voix, la victoire du SPD est tout sauf éclatante et le score est même assez médiocre puisqu’il s’agit du troisième plus mauvais résultat électoral du SPD depuis la création de la RFA en 1949. Toutefois, ce score paraît presque miraculeux eu égard à l’évolution du parti dans les sondages. Ces derniers, au début de 2021, le prévoyaient autour de 15 %, largement battu. À la fin juillet 2021 encore, à deux mois des élections, la CDU-CSU, à 30 % dans les sondages, était loin devant le SPD, dont la défaite semblait inévitable. Tout s’est donc joué au mois d’août, qui a vu une remontée aussi spectaculaire qu’inattendue du SPD, porté par son candidat, le très populaire Olaf Scholz, et un effondrement sans précédent de la CDU-CSU.

Si le parti social-démocrate renaît à ce point de ses cendres, c’est aussi du fait de la déception produite par les verts et leur candidate à la chancellerie, Annalena Baerbock. Entre fin mars et fin juin 2021, les verts sont loin devant le SPD, avec en moyenne 25 % dans les sondages. Les experts s’attendent alors à la formation d’une coalition entre chrétiens-démocrates et verts avec une éventuelle participation des libéraux dans une coalition dite « jamaïcaine ». Or, avec 14,8 %, les verts sont loin d’avoir obtenu le score annoncé par les instituts de sondage (ces derniers avaient toutefois bien analysé le déclin des verts en août et septembre 2021). Certes, les verts font mieux qu’aux élections de 2017, où ils n’avaient obtenu que 8,9 % des voix. Ils arrivent en troisième position, alors qu’ils n’étaient que cinquièmes en 2017. Et s’il s’agit de leur meilleur score depuis leur naissance en 1980, il n’est pas à la hauteur de leurs espérances et ne traduit pas le résultat qu’ils auraient pu obtenir dans un contexte de crise climatique marqué par les inondations sans précédent en Allemagne et les incendies qui, durant l’été 2021, ont ravagé une partie de l’ouest des États-Unis et du Canada, et s’ils avaient choisi leur coprésident Robert Habeck comme candidat à la chancellerie. Plus expérimenté et plus populaire qu’Annalena Baerbock, Habeck avait cependant un lourd handicap : il était un homme… Le choix de la candidate à la tête des verts – Baerbock et Habeck sont coprésidents depuis 2018 – a largement contribué au relatif échec du parti écologiste, qui s’est heurté à trois problèmes. Tout d’abord le curriculum vitæ enjolivé d’Annalena Baerbock, circulant sur les réseaux sociaux, et le livre largement plagié qu’elle a publié pendant la campagne lui ont ôté une large part de sa crédibilité. Puis l’exigence d’une lutte sans compromis pour la décarbonation de l’économie et de l’industrie, qui a éloigné une large part de l’électorat peu encline aux sacrifices nécessaires. Enfin, les électeurs ont sans doute aussi hésité à porter à la chancellerie une candidate sans expérience gouvernementale.

Enfin, les électeurs ont sans doute aussi hésité à porter à la chancellerie une candidate sans expérience gouvernementale.

Les grands gagnants de l’élection doivent leur victoire à l’effondrement des chrétiens-démocrates

Les grands gagnants de l’élection, le SPD et son candidat Scholz, doivent aussi, voire surtout, leur victoire à l’effondrement des chrétiens-démocrates. Ce sont ces derniers qui ont permis au SPD d’atteindre 25,7 % des voix, alors que les scrutins régionaux de la période 2018-2021 n’avaient rien annoncé de bon pour des sociaux-démocrates qui obtenaient 7,7 % en Saxe, 8,4 % en Saxe-Anhalt, 9,7 % en Bavière et 11 % au Bade-Wurtemberg… Des résultats à ce point catastrophiques, notamment dans le sud et dans l’est de l’Allemagne, qu’au début de 2021, beaucoup de responsables sociaux-démocrates s’interrogeaient sérieusement sur l’opportunité de nommer un candidat pour les législatives de septembre. C’est peut-être parce que personne n’y croyait plus que Scholz a pu imposer sa candidature – celui-là même à qui on reprochait un profil trop centriste, sa coresponsabilité dans les réformes de l’ère Schröder et qui avait essuyé une lourde défaite à l’élection à la présidence du SPD en décembre 2019, battu par deux responsables régionaux presque inconnus, mais jugés compatibles avec les accents plus « gauchistes » réclamés par les militants. À ce moment, Scholz se retrouve très isolé et son avenir politique paraît compromis. Sa victoire aux législatives de 2021 semble donc relever du miracle.

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Cet article est paru dans la revue Etudes, mars 2022, n°4291, pg. 7-18 (article réservé aux abonnés).
 
Hans Stark est professeur de civilisation allemande contemporaine à Sorbonne Université, conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et rédacteur en chef adjoint de la revue Allemagne d’aujourd’hui.
 
 
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Hans STARK

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Conseiller pour les relations franco-allemandes à l'Ifri

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Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa)
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Le Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) a été créé en 1954 par un accord intergouvernemental entre la République fédérale d’Allemagne et la France, afin de mieux faire connaître l'Allemagne en France et analyser les relations franco-allemandes y compris dans leurs dimensions européennes et internationales. Dans ses conférences et séminaires, qui réunissent experts, responsables politiques, hauts décideurs et représentants de la société civile des deux pays, le Cerfa développe le débat franco-allemand et suscite les propositions politiques. Il publie régulièrement des études à travers deux collections : les « Notes du Cerfa » et les « Visions franco-allemandes ». 

Le Cerfa entretient des relations étroites avec le réseau des fondations et des think tanks allemands. En plus de ses activités de recherche et de débat, le Cerfa promeut l’émergence d’une nouvelle génération franco-allemande à travers des programmes de coopération originaux. C'est ainsi qu'en 2021-2022, le Cerfa a conduit un programme sur le multilatéralisme avec la Fondation Konrad Adenauer de Paris. Ce programme s'adresse à des jeunes professionnels des deux pays intéressés par les enjeux du multilatéralisme dans le contexte de leurs activités. Il a couvert une large gamme de thèmes relatifs au multilatéralisme, tel que le commerce international, la santé, les droits de l’homme et la migration, la non-prolifération et le désarmement. Auparavant, le Cerfa avait participé au dialogue d’avenir franco-allemand, co-piloté de 2007 à 2020 avec la Deutsche Gesellschaft für auswärtige Politik (DGAP) et soutenu par la Fondation Robert Bosch, ou encore le groupe Daniel Vernet (anciennement Groupe de réflexion franco-allemand) qui avait été fondé en 2014 à l’initiative de la Fondation Genshagen.

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