La politique d'immigration de l'Union européenne en crise
La crise migratoire de 2015 a fortement déstabilisé la coopération européenne en matière d’asile et d’immigration. En 2020, la Commission européenne a annoncé l’adoption d’un nouveau "Pacte sur la migration et l’asile" dont les modalités pratiques restent à mettre en œuvre.
L’arrivée irrégulière de plus d’un million de personnes en Europe en 2015 – pour moitié des Syriens, mais aussi des Afghans et, dans une moindre mesure, des Irakiens, des Pakistanais et des Érythréens – a profondément ébranlé l’Union européenne. De nombreuses expressions ont été utilisées pour qualifier cette situation : "crise des réfugiés", plus récemment "crise migratoire", parfois "crise de Schengen" pour les uns, "crise de l’accueil" ou "crise de la solidarité" pour d’autres.
Si les perspectives divergent, tout le monde s’accorde à considérer que l’Union européenne est confrontée à une crise. Le plus étonnant est que ce sentiment perdure à ce jour. Pourtant, en 2020, la demande d’asile a retrouvé un niveau antérieur à celui de 2014.
Si ce sentiment persiste, c’est certainement que les causes de cette "crise" ne résident pas fondamentalement dans le nombre de migrants et de réfugiés, mais doivent être recherchées du côté de facteurs structurels et internes à l’Union. C’est la raison pour laquelle il est possible d’émettre l’hypothèse que cette période a principalement révélé les difficultés de gouvernance de l’Union européenne et a remis en question son fonctionnement tel qu’il est prévu par les traités.
Il ne s’agit pourtant pas de la première crise que traverse la construction européenne. Les questions migratoires sont un exemple parmi d’autres de ces tensions importantes entre le besoin de "plus d’Europe" et la résistance des États membres à se voir déposséder de certaines de leurs prérogatives. À cet égard, on pourrait même considérer que "la crise" fait partie de l’ADN du projet européen tel que pensé par les pères fondateurs. C’est tout le sens de la théorie dite fonctionnaliste selon laquelle l’Europe appelle toujours plus d’Europe, les périodes de crise constituant des moments de basculement qui permettent de convaincre les États membres que le transfert de compétences au niveau européen constitue la seule solution.
Si ce n’est que, dans le cas d’espèce, la théorie fonctionnaliste n’a pas été validée. Et que la confiance dans le caractère irrésistible de l’intégration européenne est sérieusement mise à mal par les évolutions des politiques européennes d’asile et d’immigration depuis vingt ans.
Cet article est paru dans la revue Questions internationales, n° 110, novembre-décembre 2021 intitulé « L'Europe post-Brexit ».
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