(This book review is published in French only. Original book's title: Les Stratégies de puissance américaine)

La fin de la guerre froide a donné lieu, aux Etats-Unis comme partout ailleurs dans le monde, à des transformations profondes tant dans la pensée militaire que dans la structure des forces armées. Nicole Vilboux est spécialiste de la politique de sécurité et de défense américaine, et elle a soutenu une thèse de doctorat en Sorbonne, au printemps 2000, dont l'essentiel a été repris dans cet ouvrage.
De ce fait, l’analyse des doctrines militaires porte sur la décennie 1990 et sur les présidences de George Bush senior et de Bill Clinton. L'auteur a ajouté, en guise de conclusion, un chapitre qui traite brièvement de l’évolution sous George W. Bush et inclut donc les attentats du 11 septembre 2001 et le début des opérations contre les Talibans en Afghanistan. Selon l’auteur, la stratégie des Etats-Unis n'a pas été modifiée par les exigences nouvelles de la guerre contre le terrorisme international. Comme déjà lors de l’opération au Kosovo, l’essentiel de l’effort militaire américain concerne l’aviation, avec des frappes ciblées, soutenues par l’aéronavale. Le rôle de l’armée de terre continue donc de perdre de son importance au profit de l’armée de l’air et de la flotte, mais aussi du corps d'infanterie de la marine, entraîné pour des missions spéciales et la lutte anti-guérilla.
L'auteur retrace l’évolution des rapports entre l’armée et la société, et souligne, quant à l'après 1945, la persistance du syndrome du Vietnam, qui limite considérablement les possibilités de l’exécutif d'engager des opérations outre-mer, et ceci tant au niveau de l’opinion publique que du Congrès. L'ouvrage passe en revue les différentes doctrines et propositions pour 'dominer le spectre des conflits' futurs. La suprématie militaire des Etats-Unis et leur rôle de quasi-monopole quant à la projection de la force comportent des obligations politiques et morales qui devraient limiter la tentation, assez évidente sous G. W. Bush, de faire cavalier seul et d'agir, le cas échéant, sans l’accord et le soutien des pays alliés. Le principe des années 1990, selon lequel les Etats-Unis doivent se comporter en 'leader mais non en gendarme' paraît s'être inversé, aux yeux non seulement de presque tous les pays du monde, mais aussi des partenaires de l’Alliance atlantique. Il est aussi curieux, à cet égard, que l’auteur n'évoque nullement les liens, pourtant décisifs, de Washington avec les pays alliés, à la fois en ce qui concerne le deuxième élargissement de l’Alliance vers l’Est et la question aiguë et très controversée de la défense antimissile, projet repris par le nouveau président bien que totalement inadapté aux nouvelles menaces terroristes contre le territoire américain.
Manquent également les chiffres de l’évolution des budgets de la Défense depuis 1990: on ne trouve pas un seul chiffre dans tout l’ouvrage, tandis que des tableaux sur la réduction des effectifs (environ d'un quart par rapport à la période précédente) contrastent avec la hausse vertigineuse des dépenses militaires décidée par l’Administration actuelle, qui dépasse donc, en dollars constants, les budgets de Ronald Reagan au temps de la guerre froide. On aurait aussi souhaité trouver un index qui aurait pu compléter utilement la bibliographie sommaire de cet essai sur les théories stratégiques des Etats-Unis.