(This book review is published in French only. Original book's title: Aux frontières de la paix. Bons offices, médiations et arbitrages du Saint-Siège)

Ce livre offre un retour sur l'action de trois papes dans le règlement des conflits naissants, ou potentiels, à la charnière des XIXe et XXe siècles. Il montre aussi les efforts du Saint-Siège pour se réinsérer dans la communauté internationale après la formation de l'unité italienne (et donc la privation de ses possessions territoriales et de son rôle temporel). La diplomatie d'intercession développée par Léon XIII, Pie X et Benoît XV s'insérait d'autant mieux dans son époque qu'elle était en phase avec les espoirs de règlement pacifique des différends.
Bien entendu, ce livre apporte des enseignements pour le temps présent. La sollicitude des papes n'a pas seulement bénéficié aux pays considérés comme catholiques: c'est à la demande de l'Allemagne protestante que le Vatican a inauguré une série d'interventions dans lesquelles, épisodiquement, la Russie, les Etats-Unis, voire l’Empire ottoman, ont pu trouver leur intérêt. Bien que discrète et limitée dans ses ambitions, la papauté pouvait se heurter aux réalités diplomatiques les plus fermes, comme la doctrine de Monroë qui a gêné ses nombreuses interventions en Amérique latine. On découvre aussi que le Saint-Siège s'est fréquemment situé sur le même registre que les pacifistes: la promotion de la justice internationale et du règlement pacifique des différends, comme les égards dus à la personne humaine dans les relations internationales, ont constitué des objectifs communs lors des conférences pacifistes de Budapest (1896), Milan (1906), puis Rome. Pie X accentua cette orientation en adressant, en 1911, une lettre aux pacifistes américains, alors soutenus par le président Taft.
Cette implication a pu mettre le Vatican en délicatesse avec des gouvernements méfiants envers les mouvements pour la paix fréquemment associés au socialisme. La réinsertion de la papauté dans les relations internationales et l’écho que rencontrent ses prises de position dans les opinions publiques rendent les nations attentives à ses réactions et à ses projets, mouvement qui culmine pendant la Première Guerre mondiale, quand tous les belligérants ont essayé d’obtenir l’appui du Saint-Siège. Cette propension des capitales à se tourner vers Rome sonne comme une reconnaissance du rôle d’intercesseur privilégié voulu par les papes successifs. Cette contribution érudite, servie par une excellente maîtrise de la langue française et des raisonnements clairs, fournit des repères utiles à la compréhension d'un volet encore discret des relations internationales.