Risques politiques et géopolitiques : la gouvernance du gaz en Israël
En Israël, les enjeux politiques internes et le contexte géopolitique jouent sans surprise un rôle important dans le développement des champs gaziers offshore. Le pays a été précurseur dans la découverte du bassin de Méditerranée orientale, grâce à la persévérance du secteur privé et le soutien sans faille de l’État.
Aujourd’hui, toute la région du bassin de Méditerranée orientale, qui s’étend des côtes chypriotes, au Liban puis en Israël et la bande de Gaza, et jouxte le bassin égyptien, fait l’objet d’une attention particulière. Mais l’ambition affichée d’un développement rapide de la filière, qui rapporte déjà des revenus importants à l’État, doit s’accommoder des intérêts géopolitiques du pays, en assurer la sécurité énergétique encore souvent définie exclusivement en termes d’indépendance énergétique, et répondre aux inquiétudes croissantes quant au partage de la rente – un sujet très sensible alors qu’une partie de la coalition gouvernementale précédente avait fait du pouvoir d’achat des classes moyennes son cheval de bataille. La gestion des ressources provoque un grand débat public, gage de transparence et signe du bon fonctionnement du système parlementaire, sans pour autant se traduire par la mise en place d’une stratégie globale.
Le retard pris dans le développement des ressources du pays s’explique par différents facteurs, sur lesquels le gouvernement israélien dispose de plus ou moins de levier.
Le gouvernement n’a jusqu’à présent pas réussi à mettre en place un cadre de gouvernance stable pour les ressources du pays. L’atmosphère politique et la valse des élections successives ne facilitent pas non plus l’affirmation d’un leadership ni la coordination des différents acteurs et autorités du secteur énergétique. Certaines questions sont donc toujours en suspens comme la mise en place de tarifs gaziers et la vente d’actifs par le consortium principal pour conjurer l’appellation de cartel, l’impact réel des ressources sur l’économie du pays et le fonctionnement efficace du fonds souverain. La crise a culminé à la fin de l’année 2014 avec la décision de l’Autorité de la concurrence de taxer le consortium détenant 90 % des champs gaziers de cartel – ce qui aurait entraîné un démantèlement sévère si cette Autorité ne s’était pas rétractée. Le pays a alors subi une réévaluation importante de son risque politique. Cette situation pose problème dans la mesure où elle ne rassure pas les investisseurs et les compagnies disposant de capitaux importants, qui n’ont déjà pas été nombreuses à exprimer leur intérêt. Le nouveau gouvernement s’est engagé à faciliter le développement de la filière. Cependant, la prise de décisions législatives clés pour la croissance de l’industrie énergétique du pays n’est pas aisée, car le gouvernement dispose d’une courte majorité à la Knesset.
L’économie israélienne bénéficie d’ores et déjà dans son ensemble du développement des projets gaziers, dont l’État tire des revenus importants. L’État profite également de cette nouvelle ressource permettant d’assurer la sécurité énergétique du pays pour revoir sa politique de développement des énergies renouvelables qui n’a pas atteint les objectifs initialement fixés. Si aucune coupe budgétaire ne semble à prévoir dans l’immédiat, le gouvernement a décidé de recentrer ses efforts sur l’énergie solaire. La croissance de la consommation gazière est cependant moins rapide que prévu, et des outils sont nécessaires pour stabiliser le Shekel. Enfin, la question de la répartition des bénéfices de la rente ne semble toujours pas faire consensus au sein de la société israélienne. La ressource gazière est un atout important pour l’État hébreu, mais il faut encore stabiliser le cadre régulatoire, renforcer la capacité administrative du pays et assurer une meilleure coordination des acteurs pour permettre le développement du secteur et éviter les écueils pour l’économie.
La politique étrangère du gouvernement ne facilite pas non plus le développement du secteur. En 2014, la géopolitique régionale semblait un temps plus favorable aux échanges énergétiques régionaux. L’élection d’Al-Sissi a permis la reprise des négociations sur des échanges énergétiques entre Israël et l’Egypte. Les tensions entre la Russie et l’Europe poussent cette dernière à chercher de nouvelles sources d’approvisionnement en gaz, parmi lesquelles les ressources de Méditerranée orientale. Plusieurs éléments viennent cependant noircir ce tableau depuis la fin de l’année 2014. D’abord, les relations entre Israël et ses voisins en raison de la reprise du conflit à Gaza et à Jérusalem Est. Ensuite, l’isolement grandissant de la Turquie ne facilite pas les négociations sur des projets communs dans le secteur. Enfin, l’évolution de la situation syrienne, tout comme son débordement sur la scène régionale, est évidemment préoccupante bien qu’affectant moins directement les contrats en cours de négociation. Au-delà d’arrangements pragmatiques entre voisins, les synergies régionales en matière de gaz ne sont donc pas acquises et restent soumises à une accalmie des relations israélo-palestiniennes. Un constat qui reste donc sans surprise.
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