Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

La Chine et les terres rares. Son rôle critique dans la nouvelle économie

Notes
|
Date de publication
|
Image de couverture de la publication
couv_seaman_china_rare_earths_fr_page_1.jpg
Accroche

La domination de la Chine dans la production de terres rares illustre la compétition qui se joue autour des ressources minérales dans un monde toujours plus axé sur le numérique et le bas-carbone. 

Image principale
couv_seaman_china_rare_earths_image.jpg
Corps analyses

Au cours des deux dernières décennies, la Chine a été à l’origine de 80 à 95 % de la production mondiale de terres rares, un groupe de 17 métaux devenus des éléments-clés de progrès technologiques révolutionnaires dans les domaines de l’énergie, des TIC, des dispositifs médicaux ou encore dans la défense. Contrairement à ce que leur nom indique, les terres rares ne sont pas rares et on en trouve partout dans le monde. La concentration de la production de ces métaux est due avant tout à l’apparition des préoccupations environnementales, mises en avant au cours des années 1970 et 1980 en France et aux États-Unis notamment, ainsi qu’à la politique chinoise visant à exploiter les ressources naturelles du pays.

Depuis 2010, le monde a parfaitement pris conscience de cette division du travail faussée. Faisant fi de ses engagements en matière de commerce international, la Chine a mis en place des mesures de contrôle à l’exportation très restrictives sous forme de permis, de taxes ou de quotas qui ont considérablement limité l’offre de terres rares pour la consommation industrielle étrangère. La même année, bien qu’elle s’en soit défendue avec force, la Chine a été accusée de mettre en place ce qui s’apparente de facto à un embargo de deux mois sur les cargaisons de terres rares à l’encontre du Japon, dépendant de l’importation de ces dernières, en guise de représailles pour la détention d’un pêcheur chinois dans les eaux disputées de la mer de la Chine orientale. Si la véracité de ces accusations est sujette à caution et les bénéfices que la Chine a pu tirer d’un tel embargo insignifiants, le mal était néanmoins fait. Les effets conjugués des inquiétudes quant à l’approvisionnement et d’une flambée des prix (augmentant pour certains métaux de 500 % ou plus l’année suivante) ont conduit à une explosion de l’investissement dans l’exploration de gisements de terres rares, par exemple dans les jungles du Brésil, les profondeurs de l’océan Pacifique et même sur la surface de la Lune.

Une partie de la production extérieure à la Chine, notamment celle de la mine du Mount Weld en Australie, s’est avérée viable jusqu’ici, tandis que d’autres, telles que celle du Mountain Pass en Californie, se sont effondrées au gré des évolutions du marché. À la suite d’une procédure de règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine a renoué avec des pratiques commerciales plus ou moins normales en 2015 et représente encore plus de 80 % de la production mondiale de terres rares, dont la quasi-totalité de la production mondiale de celles jugées les plus « critiques » comme le dysprosium.

Du côté de la demande, les consommateurs industriels étrangers sont passés à la vitesse supérieure pour trouver des solutions. Nombre d’entre eux sont parvenus à améliorer leur rendement, à trouver des matériaux de substitution ou à remplacer l’ensemble des technologies, ce qui a provoqué une chute estimée à près d’un tiers de la demande mondiale en terres rares entre 2011 et 2016. Mais pour d’autres, par exemple dans le secteur de l’éolien ou celui de l’automobile, il s’est avéré plus difficile de trouver des solutions, et les terres rares demeurent des matériaux critiques. Beaucoup font l’hypothèse que la demande en terres rares telles que le néodyme et le dysprosium va augmenter de manière significative et s’accompagner de conséquences négatives pour les industries qui en dépendent, mais le changement technologique et l’amélioration du rendement peuvent encore réserver des surprises. À cet égard, les risques sont de deux ordres. Le premier est la persistance de la dépendance envers la Chine pour l’approvisionnement en terres rares, lesquelles restent des intrants critiques aux yeux de nombreuses industries d’avenir. Le second est que, dans la recherche frénétique de solutions d’approvisionnement, les utilisateurs industriels doivent sacrifier leur compétitivité, notamment face aux Chinois, qui ne partagent pas les mêmes contraintes matérielles.

Pour la Chine, l’objectif premier n’est pas, tant s’en faut, d’utiliser l’avantage qu’elle possède en matière de ressources comme une arme économique dans les batailles diplomatiques. En effet, l’intérêt de la Chine pour les terres rares est bien plutôt motivé par des préoccupations nationales, dont l’une est de réagir à la crise écologique de plus en plus aiguë qu’elle traverse. Pour ce faire, Pékin tend à favoriser de plus en plus les technologies les plus économes en énergie et les moins émettrices de carbone, notamment l’éolien et les véhicules électriques, qui reposent souvent sur les terres rares. En même temps, elle cherche à mieux gérer le désastre écologique qu’a provoqué la production de terres rares dans ses régions minières. Un autre élément moteur consiste à favoriser la stratégie économique de la Chine visant à devenir un acteur leader des industries d’avenir et à contrôler de plus en plus les chaînes de valeur respectives, garantissant ainsi la transformation économique du pays à long terme et renforçant la légitimité du Parti. Dans ce contexte, la politique de la Chine en matière de terres rares n’a pas seulement consisté à contrôler la production et à s’assurer que ses industries disposent des ressources nécessaires. La République populaire s’est en outre employée à exercer une domination croissante, en aval, sur les industries à valeur ajoutée qui dépendent de ces métaux critiques. De ce fait, la Chine n’est pas seulement le premier producteur mondial d’oxydes de terres rares, elle en est également le plus grand consommateur et a une mainmise de plus en plus grande sur les chaînes de valeur de produits clés tels que les aimants à terres rares.

Cependant, les ressources de la Chine ne sont pas infinies et les craintes liées à une augmentation de la demande et à l’épuisement des réserves de certaines terres rares conduisent les entreprises chinoises à rechercher des ressources à l’étranger. À ce titre, une nouvelle vague d’investissements chinois à l’extérieur pourrait bien signifier que la production (et la pollution), autrefois délocalisée vers la Chine, sera à l’avenir de plus en plus répartie dans d’autres régions du monde, tandis que Pékin cherchera encore à contrôler les industries de plus grande valeur en aval.

 

Decoration

Contenu disponible en :

Régions et thématiques

Thématiques analyses
Régions

ISBN / ISSN

978-2-36567-969-5

Partager

Téléchargez l'analyse complète

Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.

La Chine et les terres rares. Son rôle critique dans la nouvelle économie

Decoration
Auteur(s)
Photo
john_seaman_3.jpg

John SEAMAN

Intitulé du poste

Chercheur, Centre Asie de l'Ifri

Image principale
Gros plan sur le monde asiatique
Centre Asie
Accroche centre

L’Asie est le théâtre d’enjeux multiples, économiques, politiques et de sécurité. Le Centre Asie de l'Ifri vise à éclairer ces réalités et aider à la prise de décision par des recherches approfondies et le développement d’une plateforme de dialogue permanent autour de ces enjeux.

Le Centre Asie structure sa recherche autour de deux grands axes : les relations des grandes puissances asiatiques avec le reste du monde et les dynamiques internes des économies et sociétés asiatiques. Les activités du Centre se concentrent sur la Chine, le Japon, l'Inde, Taïwan et l'Indo-Pacifique, mais couvrent également l'Asie du Sud-Est, la péninsule coréenne et l'Océanie.

Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

Image principale

L'IA et les normes techniques en Chine et dans l'UE : Priorités divergentes et le besoin de terrain d'entente

Date de publication
31 octobre 2024
Accroche

Vu le potentiel hautement perturbateur de l'IA, la coopération mondiale en matière de sécurité et de gouvernance de l'IA est primordiale. Cependant, le potentiel profondément transformateur de l'IA garantit également qu'un niveau élevé de concurrence et de rivalité systémique est probablement inéluctable. Comment l'UE peut-elle gérer au mieux sa relation complexe avec la Chine dans le domaine de l'IA afin d'assurer un niveau nécessaire de coopération malgré la concurrence et les rivalités ? 

Image principale

L’essor du programme spatial taïwanais : Construire une industrie, soutenir la sécurité nationale

Date de publication
13 novembre 2024
Accroche

Taïwan, connu pour son leadership dans le domaine des semi-conducteurs et des technologies de l’information et de la communication (TIC), fait aujourd’hui des progrès significatifs dans l’industrie spatiale. Bien qu’historiquement modeste, le programme spatial taïwanais s’est transformé depuis 2020, sous l’impulsion de la présidente Tsai Ing-wen qui s’est engagée à développer les capacités spatiales du pays. Parmi les étapes clés figurent l’adoption de la loi sur le développement spatial et la création de l’Agence spatiale taïwanaise (TASA), qui a renforcé les ressources et la visibilité des ambitions spatiales de Taïwan.

Image principale

La surproduction chinoise de puces matures : Des craintes infondées

Date de publication
07 octobre 2024
Accroche

La Chine, plutôt que d’inonder le marché mondial des semi-conducteurs à technologies matures, s’en dissocie. Si les politiques industrielles chinoises favorisent de plus en plus la production nationale de semi-conducteurs, sa propre demande en puces, en constante augmentation, devrait empêcher une arrivée massive de puces chinoises à bas prix sur les marchés étrangers. Cependant, à mesure que Pékin progresse dans son objectif de réduire la dépendance des industries nationales aux puces étrangères, les entreprises européennes et américaines de semi-conducteurs à technologies matures pourraient ressentir les effets d’un écosystème de semi-conducteurs chinois de plus en plus « involué  » (内卷).

Image principale

La Chine en quête d'un saut quantique

Date de publication
22 octobre 2024
Accroche

La course mondiale pour exploiter les sciences quantiques s'intensifie. Reconnaissant le potentiel stratégique des technologies quantiques pour le développement économique, militaire et scientifique, la Chine concentre ses efforts sur des percées scientifiques afin de rééquilibrer le rapport de force, notamment dans sa compétition avec les États-Unis. Le président Xi Jinping a souligné l'importance de l'innovation scientifique, en particulier dans les domaines quantiques, pour stimuler le développement national et garantir la sécurité.

Comment citer cette étude ?

Image de couverture de la publication
couv_seaman_china_rare_earths_fr_page_1.jpg
La Chine et les terres rares. Son rôle critique dans la nouvelle économie, de L'Ifri par
Copier
Image de couverture de la publication
couv_seaman_china_rare_earths_fr_page_1.jpg

La Chine et les terres rares. Son rôle critique dans la nouvelle économie