La transition énergétique en Suède
Cette étude retrace les évolutions des choix énergétiques de la Suède, notamment en matière de politique nucléaire, de taxe carbone et de développement des énergies renouvelables. Considéré comme un modèle de transition énergétique, le pays pourrait cependant être confronté aux mêmes problèmes que ses voisins européens dans un futur proche.
La Suède présente la particularité d'avoir engagé de manière précoce plusieurs évolutions importantes pour son approvisionnement énergétique. Ne détenant aucune réserve fossile, le pays importait des volumes croissants de produits pétroliers dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, mais il a rapidement perçu le risque géopolitique engendré par cette dépendance et a développé un outil nucléaire lui permettant de réduire très vite la place du pétrole dans son économie après les chocs des années 1970.
La Suède a également réussi à valoriser ses ressources naturelles. Jusqu'aux années 2000, l'hydroélectricité pouvait pénétrer le marché sans aide, mais le bois n'aurait pas conquis sa part actuelle sans une politique mariant soutiens publics à l'investissement et pénalités pour les énergies concurrentes. La grave crise économique traversée par le pays entre 1991 et 1993 a donné à ces pénalités la forme de taxes, et notamment d'une taxe sur les émissions de CO2 entrée en vigueur dès 1991, contribuant ainsi à recomposer le régime des prélèvements fiscaux nécessaires au modèle social suédois. Cette épreuve a souligné la capacité du pays à dégager des orientations consensuelles.
Une de ces orientations a consisté à réagir immédiatement après les premières alertes sur la menace climatique. La Suède a d'abord renforcé sa politique d'efficacité énergétique, en structurant les actions de terrain par une agence nationale et des relais dans les collectivités locales, pour aider techniquement et économiquement les consommateurs, particuliers ou industriels. Elle a ensuite choisi un outil inhabituel pour promouvoir l'électricité d'origine renouvelable, le système des certificats verts. Mis en oeuvre en 2003, ce dispositif a stimulé le développement des sources les moins onéreuses, pour deux tiers environ éolien terrestre et un tiers biomasse. Le coût du soutien demeure à ce jour remarquablement modéré.
Fin 2014, la Suède pouvait afficher un approvisionnement primaire ne comportant que 30 % d'énergies fossiles et une consommation en énergie finale à 52 % d'origine renouvelable. La consommation d'énergie par habitant demeure élevée, mais rapportée au PIB elle se situe exactement à la moyenne de l'Europe occidentale (UE 15). En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, le pays présentait en 2013 la plus faible empreinte carbone de l'UE 15, aussi bien au regard de son PIB que mesurée par habitant. Par ailleurs, si les taxes environnementales majorent sensiblement le prix du gaz pour les industriels, elles n'affectent pas exagérément le prix des carburants, et n'empêchent nullement les prix de l'électricité de figurer parmi les moins chers d'Europe, pour les industriels comme pour les particuliers.
Parce que la situation actuelle paraît excellente, les dirigeants politiques suédois ont choisi d'en conserver le soubassement et de n'entreprendre des évolutions que par petites touches. Ainsi, tout en affirmant leur préférence pour les énergies renouvelables, les principaux partis politiques ont trouvé un terrain d'entente pour alléger la pression fiscale exercée depuis 2014 à l'encontre de l'énergie nucléaire. Démontrant une nouvelle fois leur sens du compromis, majorité et opposition ont signé en juin 2016 un accord qui permettra la modernisation du parc des réacteurs, une solution destinée à limiter la hausse des coûts de l'électricité et allonger la période offerte aux sources de remplacement pour atteindre leur maturité. En complément, l'accord prolonge les dispositions promouvant le courant d'origine renouvelable, mais il insiste aussi sur la maîtrise de la puissance appelée et sur un usage efficace de l'électricité, conférant un rôle actif au consommateur, aussi bien industriel que domestique.
En clair, la Suède semble avoir pris la mesure des difficultés qu'affrontent déjà certains pays européens engagés dans une transition énergétique et tente de les éviter. Les acteurs politiques se gardent bien d'adopter des objectifs de court terme trop contraignants et se contentent d'orientations générales ; ils misent sur l'innovation pour avancer. À cet égard la Suède détient un atout majeur avec l'effort qu'elle consent depuis plusieurs années, de façon très structurée, en faveur de la recherche et du développement, effort que le récent accord consolide.
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