Pour un nouveau Livre blanc sur le terrorisme
Le Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme a plus de dix ans. Publié en 2006, ce document avait un triple objectif.
Le premier était de mieux comprendre la menace, c’est-à-dire d’analyser le fonctionnement des réseaux d’Al-Qaïda. Le deuxième était d’élaborer une « stratégie de riposte », une « véritable doctrine » pour faire face au djihadisme. Le troisième consistait à informer et responsabiliser la population pour accroître sa résilience. En une décennie, la situation a considérablement évolué : Daech n’existait pas en 2006, les révolutions arabes n’avaient pas eu lieu et la France n’avait pas encore subi la vague d’attentats de 2015-2016. Aujourd’hui, un nouveau Livre blanc sur le terrorisme s’impose.
Des menaces évolutives
La structure du précédent Livre blanc était pertinente et pourrait être conservée. La première partie du nouveau document aurait donc trait à l’évaluation de la menace. Il s’agirait plus particulièrement d’étudier la nébuleuse djihadiste telle qu’elle existe aujourd’hui. Daech en est bien sûr un acteur central et son émergence a créé un schisme au sein de la mouvance djihadiste. Cette organisation se caractérise par sa plasticité stratégique : elle est à la fois un proto-État, un mouvement de guérilla et une organisation terroriste. Quand bien même ce proto-État viendrait à être détruit, Daech pourrait poursuivre la lutte en mode dégradé et tenter de frapper les pays occidentaux en utilisant ses combattants étrangers.
Al-Qaïda, quant à elle, n’a pas dit son dernier mot et sa stratégie évolue comme en témoignent ses alliances récentes avec des groupes locaux en Syrie et dans la bande sahélienne. Aucune de ses filiales – du Maghreb à la Péninsule arabique – n’a été mise hors d’état de nuire. À l’heure actuelle, nul ne sait comment les mouvements se revendiquant de l’idéologie salafiste-djihadiste pourraient évoluer. La seule certitude est que la menace va durer. Des scénarii doivent donc être élaborés pour anticiper les reconfigurations de la mouvance djihadiste et la manière dont la France pourrait être impactée.
La transformation de l’antiterrorisme
Après l’analyse de la menace vient celle des réponses. La lutte contre le terrorisme a aussi grandement évolué depuis dix ans. Le Livre blanc de 2006 expliquait par exemple l’opposition de la France au concept de « guerre contre le terrorisme ». Or, depuis l’intervention militaire au Mali (2013) et plus encore depuis l’engagement des armées françaises en Irak (2014) puis en Syrie (2015), la rhétorique martiale est assumée par les plus hautes autorités de l’État. La militarisation de la lutte contre le terrorisme s’observe aussi sur le territoire français depuis le déclenchement de l’opération Sentinelle. Évidemment, cette lutte ne se limite pas au volet militaire. Les services de renseignement, la police, la gendarmerie ou encore la justice ont vu leurs moyens renforcés. Différentes lois antiterroristes – qui permettent d’intervenir toujours plus en amont du processus de radicalisation – ont été adoptées et l’état d’urgence a été prorogé à plusieurs reprises. Des programmes de prévention de la radicalisation ont été expérimentés et le premier centre de réinsertion a connu des débuts difficiles. Trois ans après le lancement du plan de lutte contre la radicalisation, une évaluation de la stratégie et des politiques publiques mises en œuvre serait des plus utiles.
Renforcer la résilience de la société
Enfin, plus encore qu’en 2006, la résilience apparaît comme un enjeu essentiel. Le terrorisme a longtemps été un outil de négociation. Les groupes djihadistes en ont fait un outil de négation de nos valeurs. Face à ces groupes qui veulent faire imploser notre société, nous devons faire corps. La capacité du corps social à encaisser les coups et à faire preuve de cohésion ne se décrète pas. Elle se construit patiemment et les responsables politiques doivent donner l’exemple. Dans l’avant-propos du Livre blanc de 2006, le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin, écrivait : « La tolérance, le respect des libertés publiques, le respect des identités que notre pays a toujours su défendre font notre force. Renoncer à ces valeurs, ce serait faire le jeu des terroristes. Céder à la tentation de l’exception, ce serait commencer à perdre la bataille. » Les tentations du repli identitaire et de l’exception sont bien présentes, aujourd’hui, dans notre société. Les considérer comme dangereuses ne relève pas d’une posture morale mais stratégique : les groupes djihadistes misent sur ces dynamiques pour parvenir au délitement de notre nation. À nous de ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu.
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