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20e Congrès du Parti communiste chinois : Décryptage de la nouvelle équipe dirigeante

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Le résultat était globalement anticipé, il a même excédé certains pronostics. La nouvelle équipe dirigeante du Parti-Etat chinois est à 100 % acquise au secrétaire général Xi Jinping, qui entame donc un troisième mandat attendu, mais non moins exceptionnel car inédit depuis plus de quarante ans.

 

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President of the People's Republic of China, Xi Jinping during the G20 summit in Hangzhou, China
President of the People's Republic of China, Xi Jinping during the G20 summit in Hangzhou, China
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Un comité permanent verrouillé par Xi

Sur les sept membres du nouveau Comité permanent, trois demeurent – Xi Jinping, Wang Huning et Zhao Leji – et quatre ont cédé leur place. Parmi ces derniers, Li Keqiang, qui restera premier ministre jusqu’en mars prochain, est écarté alors qu’il représentait une ligne politique divergente de celle de Xi, notamment en matière de politique économique, Li étant favorable à une approche plus pragmatique. Wang Yang, envisagé par certains observateurs comme un candidat au poste de Premier ministre, a lui aussi été déposé. Il partageait avec Li Keqiang un certain pragmatisme économique et était également issu de la Ligue de la jeunesse communiste. Han Zheng a été remercié, proche de la Ligue, il était surtout un partisan de l’ancien dirigeant Jiang Zemin. Contrairement aux trois précédents, Li Zhanshu, est un allié de Xi Jinping et son départ est vraisemblablement dû à son âge, 72 ans.

Les quatre nouveaux entrants au Comité permanent ont des profils plus homogènes : Li Qiang, Cai Qi, Ding Xuexiang et Li Xi sont tous des alliés de Xi Jinping. Ils l’ont côtoyé dans ses précédents postes dans les provinces du Fujian et du Zhejiang, et à la municipalité de Shanghai, avant qu’il accède à l’échelon politique national en 2007.

On s’étonne de l’absence au Comité permanent d’un des plus fidèles alliés de Xi parfois présenté comme son dauphin potentiel : Chen Miner. Il reste néanmoins au Bureau politique et pourrait être promu dans cinq ans.

D’autres personnalités brillent par leur absence de l’organigramme du Bureau politique. A 59 ans seulement et l’une des étoiles montantes du Parti, Hu Chunhua, issu de la Ligue de la jeunesse communiste et proche de Li Keqiang, non seulement n’accède pas au Comité permanent, mais il n’est pas reconduit au Bureau politique, tout en demeurant au Comité central. Ce rétrogradage rarissime sonne potentiellement la fin de sa carrière politique.

Plus mystérieux encore est le retrait de Chen Quanguo du Bureau politique. A l’âge de 66 ans, l’ancien secrétaire du Parti du Tibet et du Xinjiang a été le chef d’orchestre, sur ordre de Xi Jinping, de la répression sans précédent dans ces deux régions, en particulier la campagne d’internement et de rééducation massive au Xinjiang.

La règle tacite de la limite d’âge de 68 ans pour prétendre à de nouvelles fonctions (七上八下) est certes remise en cause par Xi Jinping, mais seulement trois hauts responsables en ont bénéficié : Xi Jinping (69 ans) au sein du Comité permanent, et Wang Yi (69 ans) et Zhang Youxia (72 ans) au sein du Bureau politique. Wang Yi est l’actuel ministre des Affaires étrangères, qui devrait prendre la tête du Bureau de la Commission des Affaires étrangères du Comité central du PCC en remplacement de Yang Jiechi parti à la retraite. Zhang Youxia, est un général de l’Armée populaire de libération (APL) en qui Xi a toute confiance. Leurs pères respectifs ont combattu côte à côte contre l’armée du Kuomintang dans les années 1940. Zhang Youxia demeure ainsi à la Commission militaire centrale (CMC) en tant que premier vice-président de Xi Jinping.

Le(s) portefeuille(s) économique(s)

Etant donné les défis économiques colossaux en Chine[i], tous les regards se tournent vers les nouveaux responsables en charge de ce portefeuille. Sur le papier, la nouvelle équipe ne manque pas de talents. Li Qiang (63 ans), le désormais n°2 du régime et futur Premier ministre, dispose d’une longue expérience dans la province du Zhejiang très dynamique économiquement (où il a travaillé avec Xi), et il dirige la capitale économique Shanghai depuis 2017. Il est réputé proche du secteur privé et des entrepreneurs, ce qui ne l’a pas empêché d’appliquer la politique Zéro-Covid draconienne de Xi Jinping à Shanghai au printemps 2022, entamant très largement son image auprès des Shanghaïens.

Cai Qi (66 ans) dispose d’un doctorat en économie et de 30 ans d’expérience dans les provinces côtières du Fujian et du Zhejiang, où il a été un proche collaborateur de Xi Jinping. Toutefois, il est aujourd’hui bien plus porté sur les questions sécuritaires. Cai Qi a suivi Xi Jinping à Pékin en 2014 après l’accession au pouvoir de ce dernier, où il a pris la direction exécutive de la Commission de sécurité nationale, nouvel organe fondé et présidé par Xi lui-même. Depuis 2017, Cai Qi occupe le poste stratégique de secrétaire du Parti de Pékin. Lui non-plus ne brille pas par sa popularité à Pékin. Peu après son arrivée à la tête de la capitale chinoise, il s’est forgé une réputation de dur en évacuant brutalement des travailleurs migrants.

Nouvel entrant au Bureau politique, He Lifeng (67 ans) est la cheville ouvrière de la politique économique de Xi Jinping. Directeur de la puissante Commission nationale du développement et de la réforme depuis 2017, il devrait remplacer Liu He à la tête de la Commission centrale des affaires économiques et financières du Parti.

Li Qiang et He Lifeng seront donc en première ligne pour relever les défis économiques auxquels fait face la Chine : résoudre la contradiction entre politique Zéro-Covid et croissance, gérer la crise immobilière systémique, le chômage chez les jeunes et la dette des gouvernements locaux, et réformer le pays pour amortir le vieillissement de la population.

La présence des ingénieurs

On observe au sein du Bureau politique la présence renforcée des ingénieurs, en cohérence avec la priorité fixée par Xi Jinping sur les nouvelles technologies, particulièrement le spatial, l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs, le quantique et les biotechnologies.

Le premier d’entre eux est Ma Xingrui (63 ans), ingénieur en aérospatial renommé, ayant eu une carrière exemplaire au sein de la principale industrie d’Etat du secteur, China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC). A l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, Ma prend des fonctions politiques importantes dans le domaine de la science et technologie. En 2012, il est élu au Comité central du Parti. En 2013, il devient simultanément vice-ministre du puissant ministère de l’Industrie et des technologies de l’Information, directeur de l’Administration d’Etat pour la Science, la technologie et l’industrie pour la défense nationale (SASTIND), directeur de l’Autorité pour l’énergie atomique de Chine (CAEA), ainsi que de l’agence spatiale chinoise, CNSA. Puis, un an plus tard, il poursuit son ascension vers une carrière politique plus traditionnelle. Il est transféré dans la province du Guangdong, en tant que secrétaire adjoint, puis, en 2015, il devient secrétaire du Parti de la municipalité de Shenzhen pour bâtir la « Silicon Valley » chinoise. En 2016, il est nommé gouverneur du Guangdong. Et en 2021, il remplace Chen Quanguo à la tête de la très sensible région autonome ouïghoure du Xinjiang, qu’il dirige encore aujourd’hui.

Un parcours parallèle à celui de Ma Xingrui est celui de Yuan Jiajun (60 ans), lui aussi ingénieur en aérospatial et ayant fait une partie de sa carrière au sein de la CASC, il a été l’un des architectes du programme spatial de vol habité chinois. Il prend des fonctions politiques, d’abord au Ningxia en 2012, puis au Zhejiang en 2014 où il devient n°2 de la province en 2016, puis n°1 en 2020. Il était déjà membre titulaire du Comité central depuis 2017 et a fait son entrée au Bureau politique lors du 20e Congrès

Li Ganjie est ingénieur en sûreté nucléaire. Formé à la prestigieuse université Tsinghua, il a travaillé en France dans les années 1990 au sein l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), puis au sein de l’ambassade de Chine à Paris en tant que premier secrétaire. Au cours des années 2000, il a travaillé à différents postes de l’Administration d’Etat pour la protection de l’environnement, jusqu’à diriger l’Administration nationale pour la sûreté nucléaire, puis devenir vice-ministre de la Protection de l’environnement. En 2016, il devient secrétaire adjoint de la province du Hebei. En 2017, il est élu au Comité central, puis nommé en 2018 ministre de l’Ecologie et de l’environnement.

Zhang Guoqing a fait l’essentiel de sa carrière dans un important conglomérat étatique de défense, Norinco. En 2012, il devient membre titulaire du 18ème Comité central, puis prend des fonctions politiques dans la mégalopole de Chongqing, dont il devient maire en 2016. En 2017, il prend des fonctions similaires dans la municipalité de Tianjin, avant d’être nommé en 2020 secrétaire du Parti de la province du Liaoning.

La sous-représentation (habituelle) des femmes

Le 20ème Comité central composé de de 205 membres titulaires comprend 11 femmes seulement, contre 10 dans le 19ème Comité central. C’est très peu, et on note en outre qu’aucune femme n’est présente au sein du Bureau politique, tandis qu’une seule y siégeait précédemment, Sun Chunlan.

On peut là aussi voir une certaine cohérence entre la composition du Bureau politique et la vision de la femme de Xi Jinping. Selon lui, la femme tient une place centrale, mais surtout au sein de la « nouvelle civilisation de la famille socialiste ». Dans un discours de décembre 2020, il soulignait le : « rôle unique des femmes dans la promotion des vertus familiales de la nation chinoise et dans l'établissement d'un bon style de famille, qui est lié à l'harmonie du foyer, à l'harmonie sociale et à la croissance saine de la prochaine génération. »[i] En cela, les femmes jouent selon lui en rôle clef dans la stabilité de la société, en assurant la stabilité du foyer.

Exit Hu Jintao

Enfin, l’image marquante de ce Congrès restera celle de la sortie de Hu Jintao, l’ancien secrétaire général du Parti et prédécesseur de Xi, escorté par deux agents de sécurité hors de la salle du Congrès, devant les caméras du monde entier. Quelle interprétation en tirer ? Il est évident sur les images que Hu Jintao est escorté contre son gré et que son trouble est réel. Cela laisse penser qu’il pourrait s’agir d’une élimination politique et publique préméditée. Si c’est le cas, c’est le signal envoyé à tous les cadres du Parti, actuels et retraités, que nul n’est à l’abri. Ce ne serait du reste pas une méthode inédite pour Xi Jinping qui s’est déjà attaqué à de très hauts responsables du Parti à la retraite comme Zhou Yongkang, patron de l’appareil de sécurité de 2007 à 2012, et deux anciens vice-présidents de la Commission militaire centrale, Guo Boxiong (2002-2012) et Xu Caihou (2004-2012).

On peut néanmoins réserver son jugement pour le moment, et attendre un éventuel communiqué de la Commission centrale d’inspection de la discipline dans les semaines ou mois qui viennent qui viendrait confirmer l’ouverture d’une enquête contre Hu.

Conclusion

Comme anticipé, Xi Jinping est parvenu à verrouiller le pouvoir en Chine, ne laissant plus aucune place à des sensibilités politiques alternatives. La mise à l’écart de Li Keqiang, Wang Yang et Hu Chunhua indique clairement l’élimination de l’influence de Hu Jintao et de la Ligue de la jeunesse communiste. La vraisemblable mise en scène de l’évacuation de ce dernier abonde dans ce sens. Xi Jinping a nettement privilégié la loyauté aux compétences dans la sélection des nouveaux membres du Comité permanent, et quelles que soient leurs compétences, l’arbitrage ultime reste entre les mains de Xi Jinping. Les défis économiques et sociaux en Chine ainsi que l’obsession idéologique et sécuritaire de Xi laissent présager une gestion brutale et totalitaire du pays dans les années à venir.

 

[i]. « Le secrétaire général Xi Jinping attache une grande importance et dirige la construction du style familial » (习近平总书记这样重视和引领家庭家教家风建设), La vision de la Chine de Xi (中国习观), 16 mai 2022. Disponible sur :  http://xitheory.china.com.cn/

[i] Voir la Lettre du Centre Asie n°99 du 14 octobre 2022 : « 20e Congrès du Parti communiste chinois : les défis pour les cinq années à venir », disponible sur : https://www.ifri.org/fr/publications/editoriaux-de-lifri/lettre-centre-asie/20e-congres-parti-communiste-chinois-defis-cinq

 

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Contenu disponible en :

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979-10-373-0613-5

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri
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L’Asie est le théâtre d’enjeux multiples, économiques, politiques et de sécurité. Le Centre Asie de l'Ifri vise à éclairer ces réalités et aider à la prise de décision par des recherches approfondies et le développement d’une plateforme de dialogue permanent autour de ces enjeux.

Le Centre Asie structure sa recherche autour de deux grands axes : les relations des grandes puissances asiatiques avec le reste du monde et les dynamiques internes des économies et sociétés asiatiques. Les activités du Centre se concentrent sur la Chine, le Japon, l'Inde, Taïwan et l'Indo-Pacifique, mais couvrent également l'Asie du Sud-Est, la péninsule coréenne et l'Océanie.

Le Centre Asie entretient des relations institutionnelles suivies avec des instituts de recherche homologues en Europe et en Asie et ses chercheurs effectuent régulièrement des terrains dans la région.

Il organise à Paris tables-rondes fermées, séminaires d’experts, ainsi que divers événements publics, dont sa Conférence annuelle, avec la participation d’experts d’Asie, d’Europe ou des Etats-Unis. Les travaux des chercheurs du Centre et de leurs partenaires étrangers sont notamment publiés dans la collection électronique Asie.Visions.

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