Union européenne : que peut changer le plafonnement du prix de gaz ?
Le lundi 19 décembre, un accord a été adopté pour plafonner le prix du gaz à l’échelle européenne. Réunis à Bruxelles le 15 décembre, les chefs d’Etat des Vingt-Sept ont préféré laisser l’explosif dossier à leurs ministres de l’énergie qui se sont rassemblés ce lundi pour « finaliser » le texte. Après d’âpres négociations, le verdict est tombé : le prix de gros du gaz lié à la bourse TTF sera plafonné, malgré l’opposition de la Hongrie et l’abstention de l’Autriche et des Pays-Bas.
Un poil taquin, le ministre de l’énergie tchèque, dont le pays est aux commandes de la présidence tournante du conseil de l’Union Européenne, avait fait fabriquer vingt-sept t-shirts floqué « We will convene as many Energy Councils as necessary » (« Nous convoquerons autant de Conseils de l’Energie que nécessaire. »). Celui du 19 décembre aura été le bon.
Le procédé a pour objectif de limiter la flambée des prix de gros du gaz liés au TTF, la place principale des marchés du gaz en Europe. Il s’agit d’éviter de refaire l’expérience des épisodes de crise comme cela a été le cas durant l’été où le gaz était négocié à 350 euros/MWh. Les Vingt-Sept préparent dès à présent les réserves de gaz pour l’année prochaine.
S’assurer un approvisionnement en gaz face à la concurrence asiatique
Concrètement, les ministres de l’énergie de l’Union européenne se sont entendus sur un mécanisme de correction des marchés dont l’activation suppose une double condition. Tout d’abord, il faut que le prix de gros du gaz naturel soit supérieur à 180 euros/MWh pendant trois jours ouvrables d’affilée (un niveau largement inférieur au seuil de 275 euros qui avait été initialement proposé par la Commission européenne), et ensuite que la différence entre ce prix et le prix du gaz naturel liquéfié (GNL) soit supérieur à 35 euros pendant les mêmes trois jours ouvrables.
Une fois activé, le prix plafond du gaz naturel sera supérieur de 35 euros au prix de référence du GNL et ne descendra pas sous la barre des 180 euros / MWh. Pendant au minimum 20 jours, aucun contrat ne pourra être conclu à un prix supérieur.
« Ce plafond dynamique devrait permettre d’éviter la décorrélation entre le prix du GNL sur le marché extérieur et le prix du gaz sur le TTF », explique Diana Gherasim, chercheuse au centre énergie et climat de l’Ifri.
Ainsi, comme il devrait être plus intéressant de vendre à l’Europe, l’UE espère garantir son approvisionnement et empêcher les fournisseurs d’énergie de vendre à d’autres pays plus offrants.
Si l’énergie est plus abordable, la peur que la consommation ne diminue pas
L’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark et l’Autriche étaient notamment réfractaires au principe même d’un plafonnement.
« Ils craignent qu’avec ce genre de mécanisme le gaz devienne plus accessible de manière artificielle et donc que la consommation d’énergie augmente, développe Diana Gherasim. Or, comme l’UE importe drastiquement moins de gaz russe, le volume total disponible est de toute façon moins important et les économies d’énergie sont le principal levier à disposition des pays européens. »
La Haye s’inquiète également d’une dépréciation de la place centrale du TTF : les fournisseurs et clients pourraient choisir de passer outre cette place financière pour se dérober au mécanisme et limitations.
Ces inquiétudes des Européens se sont transcrites dans différentes conditions et garde-fous qui permettent de désactiver automatiquement ou de suspendre le mécanisme. Ces clauses de suspension interrogent sur l’application et la portée réelle de ce mécanisme.
La Russie et l’Algérie, fournisseurs hostiles au plafonnement
Si on attend de voir quelles seront les conséquences de cet accord, les réactions internationales elles n’ont pas tardé. Le Kremlin a fustigé, dès le lundi soir, ce plafonnement des prix du marché qu’il considère comme une « violation du processus de marché pour la formation des prix ». L’Algérie, producteur et partenaire clé de l’Europe pour le gaz, s’est opposé à l’accord qui est pour le pays du Maghreb une « démarche unilatérale qui aura un impact négatif sur le marché ».
Avant le déploiement de ce mécanisme prévu pour le 15 février prochain, des études d’impact doivent être menées. Si les résultats ne conviennent pas, la Commission européenne pourrait même suspendre le mécanisme.
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