Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

Soutenabilité et bien-être comme vision de l'avenir européen

Interventions médiatiques |

chronique parue dans la revue

  Études
Accroche

Les exercices de prospective en disent autant sur l’avenir que sur le présent. Ils révèlent les projections faites à partir des principaux problèmes identifiés. Pour les plus travaillés et les plus diffusés, ils servent de cadre de référence à partir desquels différents acteurs, notamment économiques, envisagent leurs activités futures.

Image principale médiatique
Thomas Gomart
Thomas Gomart
Mike Chevreuil
Contenu intervention médiatique

C’est notamment le cas des Global Trends présentés par le National Intelligence Council américain à chaque présidence, qui rassemble de nombreuses données exploitées pour dessiner des scénarios1.

L’Union européenne (UE) s’essaie régulièrement à des exercices prospectifs similaires. Réalisé par une équipe dédiée, le dernier en date a été publié par la Commission européenne en juillet 20232. Sa lecture reflète une vision du monde bruxelloise, qui mérite attention. En effet, celle-ci établit un ordre de priorité et tente d’identifier les principales lignes de transformation, mais laisse l’impression d’être partiellement hors-sol au regard des préoccupations des citoyens européens, notamment le retour de la guerre sur le continent européen.

Le rapport s’ouvre sur cette phrase : « L’Union européenne va de l’avant avec une action sans précédent pour parvenir à la neutralité climatique et la soutenabilité. » Cette affirmation mériterait d’être sérieusement discutée au regard des efforts réels accomplis ; elle donne une indication sur l’orientation prise par l’UE et résonne comme un objectif politique à atteindre. Entrée dans une ère de « crise permanente », l’UE entend combiner les objectifs de « soutenabilité » et d’« autonomie stratégique ouverte ». Pour être atteint, le premier doit répondre à la demande en matière de compétences nécessaires à la transition et à celle de bien-être revendiquée par le corps social. Parallèlement, il s’agit d’être en mesure de contrecarrer les menaces sur la démocratie. Pour atteindre le deuxième objectif, il faut empêcher l’érosion de la cohésion sociale, trouver des nouveaux mécanismes de financement et faire face à la montée des risques géopolitiques.

Ces derniers sont présentés de la manière suivante : la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine menace directement les fondements d’un ordre international basé sur le droit. La Chine, « rival systémique », « compétiteur économique » et « partenaire multilatéral », ambitionne de parvenir à un changement systémique de l’ordre international. Les États-Unis, quant à eux, intègrent de plus en plus leurs enjeux de politique intérieure à ceux de leur politique extérieure. Ils demeurent le « partenaire stratégique de l’UE ». Il est frappant de constater que la lecture géopolitique de l’UE se concentre exclusivement sur ces trois acteurs sans se soucier des puissances régionales pourtant fort actives, comme la Turquie ou l’Algérie par exemple. Aucune réflexion n’est conduite sur les différentes zones clés pour la sécurité de l’UE. En ce sens, le document frappe davantage par ses ellipses majeures que par sa compréhension de l’environnement stratégique actuel et futur.

Lieu commun, il insiste sur la « bataille des narratifs » actuellement à l’œuvre, pour reprendre des poncifs en matière d’influence. Tout ne s’explique pas par les opérations de désinformation conduites par d’autres protagonistes. Il propose de modifier les calculs de produit intérieur brut pour intégrer davantage les enjeux environnementaux et sociaux et faire en sorte que l’UE sorte mieux classée à horizon de 2040 par rapport à la Chine, l’Inde et les États-Unis.

Dans le détail, on relève des fragments de lucidité, notamment sur les mécanismes de financements futurs de l’UE. Aujourd’hui, le financement des prestations sociales repose principalement sur la fiscalité liée au travail : comment se préparer à l’augmentation des premières et à la diminution de la population active ? Le rapport pointe également la détérioration des compétences de la jeunesse européenne, travaillée par une profonde anxiété. Si l’objectif de « soutenabilité » revêt un caractère impératif au regard du réchauffement climatique, celui de l’« autonomie stratégique ouverte » commence par la capacité de penser le monde de manière réaliste. Encore un effort.
______________

1 National Intelligence Council, Global Trends 2040. A More Contested World, mars 2021.
2 Commission européenne, Strategic Foresight Report 2023. Sustainability and people’s wellbeing at the heart of Europe’s Open Strategic Autonomy, juillet 2023.
 
> Lire la chronqiue sur le site de la revue Études
 
Decoration

Média

Partager

Decoration
Auteurs
Photo
Thomas GOMART

Thomas GOMART

Intitulé du poste

Directeur de l'Ifri

Crédits image de la page
Thomas Gomart
Mike Chevreuil