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«Négocier une sortie qui soit digne»

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interviewé par Pascal Baeriswyl pour

  La Liberté
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Plusieurs scénarios se profilent après le «vrai faux coup d’Etat» contre Mugabe.

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La situation restait confuse hier au Zimbabwe, au lendemain d’un coup de force inédit de l’armée, qui a placé Robert Mugabe, 93 ans, en résidence surveillée après l’avoir soutenu sans faillir pendant ses trente-sept ans de règne. Le président du Zimbabwe a refusé catégoriquement de démissionner après le coup de force militaire de ces derniers jours, lors d’un entretien hier avec des généraux, a indiqué une source proche de l’armée.

Une démission négociée est pourtant l’un des scénarios envisagés pour engager la succession du plus vieux chef d’Etat au monde. L’analyse de Victor Magnani, politologue, spécialiste de l’Afrique australe à l’IFRI (Institut français des relations internationales) à Paris.

Hier encore, le devenir du président Mugabe restait incertain. Quel est le scénario le plus probable quant à sa succession?

Victor Magnani: Le sort de Mugabe sera évidemment la clé du futur du pays. Les militaires prennent beaucoup de précautions pour ne pas apparaître comme des putschistes. Si Mugabe reste au pouvoir, il sera plus difficile de qualifier l’opération actuelle de coup d’Etat. Il s’agit donc de trouver une solution négociée, peut-être en le convaincant de démissionner, ce qui permettrait de rester dans un cadre constitutionnel.

Quelles sont les autres issues possibles?

Autre scénario possible, une transition concertée qui laisserait à Mugabe des fonctions honorifiques. Cela permettrait à l’ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, d’être en charge des responsabilités politiques. Mugabe ne serait pas complètement destitué, en signe de reconnaissance de son incontestable légitimité. D’ailleurs, les opérations qui ont été lancées visent essentiellement son entourage. Une solution alternative est à envisager: un gouvernement de transit ion qui associerait les partis d’opposition, notamment le MDC. Cela permettrait de rassurer la population et d’envoyer un signal à l’étranger. Autant dire une solution qui rassurerait la communauté internationale.

L’objectif est donc de maintenir «certaines formes» dans la transition engagée?

Oui, ce qui semble se négocier, c’est soit une sortie digne de Robert Mugabe, soit un maintien à la faveur d’un titre honorifique. Les échéances politiques vont théoriquement se succéder. D’abord le congrès de la Zanu-PF (parti du président), en décembre, prévu justement pour décider de la succession de Mugabe. Ensuite, des élections prévues pour 2018 et destinées à tourner la page Mugabe en respectant un processus constitutionnel.

Mais tous ces scénarios doivent notamment tenir compte de l’avenir et de la sécurité de sa femme, Grace, qui ambitionnait de lui succéder?

Dans la guerre pour sa succession – que Mugabe n’a pas résolue – deux factions se faisaient face. Celle autour de l’ancien vice-président, proche des militaires, qui tient sa légitimité de la lutte contre la colonisation. En face, la faction de Grace Mugabe, soutenue par la jeunesse de la Zanu-PF, par les femmes de la Zanu-PF et par une nouvelle génération de leaders. Deux légitimités donc : l’une historique, l’autre générationnelle. L’armée a alors décidé d’entrer dans cette confrontation et a clairement pris parti pour le vice-président évincé. Cette faction essaie désormais d’asseoir sa légitimité aux niveaux national et, peut-être surtout, international.

Malgré la gravité des événements, la voix de l’opposition au régime semble étrangement absente.

Les leaders de l’opposition ont été assez prudents, jusqu’à présent, du fait notamment d’un manque d’informations. Par ailleurs, dans le passé, ils ont rarement tiré profit des querelles internes au sein du parti au pouvoir. Toutefois, Emmerson Mnangagwa a toujours entretenu des relations cordiales avec les partis d’opposition, en particulier avec Morgan Tsvangirai, dirigeant du principal parti d’opposition (MDC).

Le vice-président limogé a un profil très controversé: il serait davantage craint que Mugabe lui même! Si d’aventure, il prenait les rênes du pouvoir, le régime jouerait en quelque sorte les prolongations : comment réagirait la population?

Précisons d’abord que la population est dans une situation de précarité extrême. Elle s’efforce de survivre et, apparemment, la révolution de palais actuelle ne la concerne que de loin. Ensuite, même s’il est contesté, Mnangagwa a la faveur des milieux et opérateurs économiques, notamment étrangers, telle la Chine. Par ailleurs, Mnangagwa n’a jamais caché que la fermeture du pays aux partenaires occidentaux – en accord avec la position très radicale de Mugabe – était contre-productive. Ce dernier s’était tourné vers l’est (Chine, Russie) en se coupant des Occidentaux.

Si les choses devaient néanmoins mal tourner, peut-on imaginer une déstabilisation du pays, contaminant éventuellement la région australe?

A l’heure actuelle, une dérive en guerre civile apparaît exclue. En effet, il n’y a pas eu de mobilisation des populations et l’armée semble contrôler la situation d’un point de vue sécuritaire. Ainsi, on voit mal des débordements de violence toucher l’Afrique du Sud, avec qui les liens sont très importants. En revanche, la tournure des événements pourrait avoir des incidences sur la très délicate question des réfugiés et migrants du Zimbabwe en Afrique du Sud.

Un autre président africain très contesté cherche à prolonger son mandat: Joseph Kabila. Le sort de Mugabe peut-il avoir des incidences sur la situation au Congo RDC?

Les situations sont très différentes. Une partie de son pays échappe à l’autorité de Kabila, alors que l’armée du Zimbabwe contrôle l’ensemble du pays et jouit d’une réputation bien plus respectable que l’armée congolaise. C’est pourquoi un mouvement militaire peut changer le régime au Zimbabwe, ce qui est plus difficile à imaginer en RDC. Toutefois, dès qu’il y a un changement brutal de pouvoir en Afrique, les dirigeants en place depuis longtemps s’en inquiètent. Mais un changement de régime, selon les modalités qui s’esquissent au Zimbabwe, apparaît improbable en RDC.

 

Lire l'interview sur le site de La Liberté

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Victor MAGNANI

Intitulé du poste

Ancien Chargé de projets, Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri