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Marc Hecker : « La plupart des pays d'Europe peuvent être visés par les djihadistes »

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interviewé par Yves Bourdillon pour

  Les Échos
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L'attentat de Vienne illustre la diversité des pays européens que peuvent frapper les djihadistes désormais, de tout type de société, rapport à la laïcité ou passé historique, souligne le chercheur Marc Hecker, du Centre d'études de sécurité de l'Institut français des relations internationales. Ces attentats s'insèrent sans doute dans la stratégie dite des mille entailles théorisée en 2006 par Al Qaida.

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Pourquoi l'Autriche, et pourquoi un tel rythme d'attentat en ce moment, après les trois opérés en France ces dernières semaines ?

Je ne vois pas de raisons spécifiques au fait que Vienne soit visée, sous réserve de ce que l'enquête découvrira. Une possibilité serait que l'auteur (ou les auteurs) des faits ait vécu en Autriche. En effet, on a vu depuis l'attentat de Londres en 2005, que le terrorisme qui frappe l'Europe a souvent une dimension domestique. Les spécialistes parlent de « homegrown terrorism ».

L'attaque de Vienne illustre en tout cas que la plupart des pays d'Europe peuvent être visés , une dizaine l'ont été depuis 2015 (France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Danemark, etc.) quels que soient leur histoire, leur passé colonial, leur modèle de société ou leur rapport à la laïcité.

Comment faire face sur le plan sécuritaire ?

Une accumulation de mesures sécuritaires a été prise ces dernières années en France, avec le plan Cazeneuve de novembre 2014, le plan Valls de 2016, le plan national de prévention de la radicalisation de février 2018, le plan d'action contre le terrorisme de l'été 2018, etc.

Une trentaine d'attentats ont été déjoués. Les moyens humains, financiers, matériels des forces de sécurité ont été augmentés, comme l'illustre la progression de 26 % des effectifs de la DGSI entre 2014 et 2019, ce qui ne peut toutefois pas empêcher certains terroristes de passer entre les mailles du filet.

Et comment combattre sur le plan idéologique ?

Pour la dimension sociétale de la riposte, c'est plus difficile, même si les différents plans déjà évoqués comportaient déjà des mesures à ce sujet. Le but du gouvernement français est désormais de s'attaquer, au-delà des djihadistes, aux « islamistes radicaux ». Le président de la République a évoqué « les extrémistes justifiant la violence et le séparatisme », mais où faire passer la frontière entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas ? Faut-il s'attaquer aux salafistes, au Tabligh [un mouvement transnational né en Inde prônant une réislamisation des populations immigrées], aux Frères musulmans, etc. ? Si oui, comment le faire sans remettre en cause certains principes fondamentaux de notre République ?

Tout cela devrait être précisé dans le projet de loi sur le séparatisme. A noter aussi que parmi les derniers attentats réalisés ou tentés en France, plusieurs avaient pour auteurs des ressortissants étrangers, alors que sur la période 2004-2017, plus de 90 % des personnes condamnées pour des faits de terrorisme avaient la nationalité française (dont une minorité de binationaux). Peut-être est-ce l'ébauche d'un changement à surveiller et qui ne manque pas, déjà, de susciter des polémiques sur la porosité des frontières ou le dévoiement possible du droit d'asile.

Assistons-nous à la réalisation de la stratégie élaborée dès janvier 2005 par le théoricien d'Al Qaïda, Abou Moussab al Souri, qui voulait provoquer une guerre civile en Europe, considérée comme « le ventre mou de l'Occident » ?

Les derniers événements peuvent être lus à travers le prisme de la « stratégie des mille entailles », qui poursuit deux objectifs : tout d'abord, saigner le corps social à petit feu par des attaques rudimentaires fréquentes. Ensuite, susciter une surréaction soit des autorités, soit d'une partie de la société civile. En l'occurrence, le scénario noir - déjà évoqué en 2016 par le directeur général de la sécurité intérieure lors d'une audition à l'Assemblée nationale - serait celui d'attaques de l'ultra-droite à l'encontre des communautés musulmanes. Cela pourrait conduire à une escalade incontrôlable de la violence. Ces dernières semaines, des appels à la vengeance inquiétants circulent d'ailleurs sur les réseaux sociaux.

 

> Lire l'interview sur le site des Échos

 

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Marc HECKER

Marc HECKER

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Directeur adjoint de l'Ifri, rédacteur en chef de Politique étrangère et chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri