THOMAS GOMART. « Oui, elles sont à prendre au sérieux. Il ne faut surtout pas sous-estimer la volonté de changer les règles venant de la deuxième administration Trump. Concernant le Groenland, il y a une stratégie visant à contrer la montée en puissance de la Chine. Pour arriver de Chine par l’Atlantique Nord, soit vous passez par Gibraltar, soit par la route nord qui, compte tenu des modifications climatiques, devrait s’ouvrir dans les décennies à venir. Ces déclarations montrent que l’administration Trump anticipe une présence chinoise navale dans l’Atlantique Nord… ainsi qu’une certaine mollesse de la part des Européens. »

« Donald Trump a été élu sur un discours futuro-identitaire. La grande différence entre 2016 et 2024 c’est qu’il a, cette fois, attiré vers lui une partie de l’« establishment tech ». Dans son discours, il arrive à relier des citoyens appauvris par le système américain, qui résonnent en termes identitaires, avec des personnes ― dont Elon Musk est la plus emblématique ― qui dessinent un futur technologique. Donc oui, cette capacité à relier l’identitaire et le futuriste annonce une volonté de changer les règles internationales. Ce n’est guère surprenant. L’erreur a été de croire que « l’Amérique d’abord » signifiait « isolationnisme », alors que ça veut plutôt dire « unilatéralisme ». C’est-à-dire : je prends mes décisions sans me soucier de leurs conséquences directes. Y compris sur mes alliés. »

« Elles le sont d’ores et déjà car, en leur sein, certaines forces politiques contestent de plus en plus ouvertement les principes des démocraties libérales. Le second problème c’est que Trump utilise la puissance médiatique planétaire d’Elon Musk. Par conséquent, chaque déclaration de l’un ou de l’autre place les Européens dans une situation fondamentalement défensive. Tandis que les États-Unis restent au même niveau de ressources depuis les années 1990 ― soit un quart de la richesse mondiale ― et que la Chine a accru ses positions, l’Europe a, quant à elle, vu sa puissance s’éroder. Ces déclarations, avant même l’investiture, soulignent le fait que l’Europe risque de devenir le terrain de jeu de la rivalité entre la Chine, les États-Unis et la Russie. »