Il y a dix ans, les Nations Unies prévoyaient l’inversement de la courbe démographique de la Chine vers 2030. C’est arrivé plus tôt que prévu : le pays de plus de 1,4 milliard d’habitants en a perdu 850 000 en 2022. Ce ralentissement est plus rapide et plus fort qu’anticipé », ​souligne Marc Julienne, responsable des activités Chine à l’Ifri (Institut français des relations internationales). Le pays connaît sa plus faible croissance économique depuis 1976, avec une hausse de 2,7 % sur un an du produit intérieur brut (PIB) contre 8 % en 2021, d’après la Banque mondiale.

La vie est trop chère pour faire des enfants

Il règne un parfum de défiance de la population à l’encontre du gouvernement chinois, liés en un pacte que la politique zéro Covid a ébréché. Un pacte où le Parti conserve le monopole de la politique mais en échange, il offre à la population la prospérité économique et sécurité. Ce n’est plus le cas », ​résume Marc Julienne. Les événements des trois dernières années ne donnent pas envie aux Chinois de faire des enfants, et ce malgré l’abandon de politique de l’enfant unique en 2015, près de quarante ans après son instauration par l’ex-chef d’État Deng Xiaoping. En 2022, la Chine comptait 62 % d’habitants en âge de travailler contre 34,7 % de personnes âgées, selon le Bureau national des statistiques.

Avec la raréfaction de la main d’œuvre, tout augmente. Coût de la vie, soins de santé, éducation des enfants… Pour l’heure etde façon durable »,​prévoit le chercheur, les jeunes ménages sont dépassés par des générations vieillissantes de familles nombreuses et dont ils ont la charge. Le taux de natalité très faible du pays, un des plus modestes au monde (6,77 naissances pour 1 000 habitants en 2022, d’après Reuters, contre 10,6 en France selon l’Insee), l’atteste.

Aggravation de la crise de l’immobilier

Je ne vois pas comment les autorités peuvent inverser la tendance rapidement, surtout si les Chinois continuent d’épargner comme ils le font depuis plusieurs dizaines d’années,​détaille Marc Julienne. Éprouvés par le Covid depuis ces trois dernières années, ils gardent désormais leur argent dans la crainte de défis futurs.Ça immobilise de la masse monétaire, qui empêche l’économie de prendre de l’ampleur.

Hors de question, aussi, d’investir dans l’immobilier qui représente près de 25 % du PIB chinois », ​selon le chercheur. Une population décroissante ne peut pas faire croître le secteur, dont les prix sont en chute libre depuis quelques années. Les entreprises, déjà endettées, vont avoir du mal à vendre des appartements et il y a aussi toute l’économie en berne, autour du bâtiment : vendeurs de fenêtres, de climatiseurs, des paysagistes… », ​énumère Marc Julienne. Loin du plein emploi d’autrefois, la courbe du chômage devrait aussi augmenter après avoir franchi 20 % parmi les 16-24 ans, à l’été 2022.

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