Israël : menace sur le dernier contre-pouvoir
Le 4 janvier 2023, le ministre de la Justice israélien présentait un projet de réforme visant à limiter très fortement les prérogatives de la Cour suprême. Une remise en question profonde de l'équilibre des pouvoirs qui a poussé des centaines de milliers de manifestants dans la rue.
Que serait la démocratie israélienne sans sa Cour suprême ? Les centaines de milliers de manifestants qui défilent dans les grandes villes du pays depuis maintenant dix semaines craignent pour la nature même du régime israélien. La plus haute instance juridique du pays est en effet visée par un projet de loi présenté le 4 janvier 2023 qui cherche à amoindrir ses prérogatives et à orienter la nomination de ses juges. Une réforme qui pourrait profondément déséquilibrer l'équilibre de la vie démocratique puisqu'elle permettrait aux détenteurs du pouvoir politique - membres du gouvernement, élus de la Knesset - de contrôler étroitement le pouvoir judiciaire. Or les magistrats étaient les seuls capables de limiter les pouvoirs de la majorité en censurant les réformes considérées comme contraires aux lois fondamentales israéliennes. L'actuel gouvernement, le plus à droite que le pays n'ait jamais connu de son histoire, tente donc de réaliser un vieux rêve caressé depuis 30 ans par les conservateurs israéliens : bâillonner une Cour considérée comme la représentante d'une élite minoritaire, ashkénaze, européenne et laïcisée.
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Quelle est la compétence de la Cour suprême israélienne sur les territoires occupés qui sont donc sous régime militaire avec une justice qui fonctionne différement de la justice en Israël ?
"La Cour suprême a cette particularité en Israël d'être à la fois une cour d'appel pour le pénal et pour le civil, et une haute cour de justice qui siège en première instance pour tout ce qui est contrôle juridictionnel des décisions du gouvernement et contrôle de constitutionnalité des lois.", explique Amélie Ferey.
Elle poursuit : "En Israël, les soldats - en cas de suspicion d'exactions ou de manquements aux droits des conflits armés - sont soumis à une justice militaire, c'est-à-dire qu'ils sont d'abord jugés par des juges militaires (alors que par exemple, en France, ils sont jugés par des juges civils). Donc il peut y avoir des appels sur les décisions qui sont prises par cette justice militaire qui vont aller à la Cour suprême [...]. Par ailleurs, tout ce qui est du ressort des décisions gouvernementales prises dans le cadre du régime d'occupation de la Cisjordanie échoie à la haute cour de justice, donc elle a un double rôle de ce point de vue là".
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Quand c'est la Cour suprême qui statue, est-ce qu'elle s'auto-saisit ou est-ce qu'elle est saisie ? Qu'est-ce qui déclenche cette procédure ?
"Non elle est saisie par des associations ou des familles qui demandent et font appel, et ensuite il y a ce filtre qui est fait par le procureur général. Mais il faut savoir que les associations sont extrêmement réticentes aujourd'hui à l'idée d'utiliser ce moyen, et notamment B'Tselem qui est une organisation israélienne de défense des droits de l'homme qui appelle la Cour suprême : la 'Cour suprême de l'occupation'", répond Amélie Ferey.
Elle ajoute : "Il faut rappeler que les Palestiniens, eux, n'ont comme recours juridique que la Cour suprême, d'autant qu'ils peuvent contester certaines décisions devant la justice militaire mais avec très peu de chances de succès".
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